samedi 29 mars 2014

Crimée : retour de la Russie, absence de la France (billet invité)


Billet invité de Roger Franchino

Le référendum du 17 mars sur le rattachement de la Crimée en dépit des vociférations occidentales confirme  donc le  grand retour de la Russie  déjà perceptible de façon croissante dans les affaires de l’Iran et de la Syrie.


L’Occident s’en alarme comme s’il fallait s’attendre à un retour de l’URSS  alors  que  c’est la Russie éternelle qui renait des cendres  où l’avait entrainée pendant 70 ans un régime exécrable.
«  la Russie absorbera le communisme comme le buvard boit l’encre » disait De Gaulle.

La Russie aujourd’hui est la 9ème économie mondiale, avec 145 millions d’habitants sur une superficie égale à 30 fois la France, et, membre du Conseil de Sécurité, elle reste la seconde puissance nucléaire derrière les USA.
Naturellement, compte tenu de cela et de son Histoire millénaire , elle aspire à retrouver la place qui fut la sienne sous l’Empire ou du temps de l’URSS.

Faut- il s’en étonner ? Faut-il s’en inquiéter ?

Sur l’affaire de l’Ukraine d’abord.

Certes l’Ukraine est un pays indépendant depuis la fin de l’URSS, même si beaucoup de Russes et une part significative des Ukrainiens acceptent cette situation à contre cœur puisque c’est  à Kiev qu’est né en 862 le premier état organisé «  Rus’ de Kiev » et puisque l’Ukraine a été intégrée tout comme la Crimée dans l’empire russe par  Catherine II de Russie entre 1762 et 1796.
Histoire ancienne  et convulsive certes  comme l’a si bien démontré voici longtemps déjà Mme Hélène Carrère d’Encausse  dans « l’Empire Eclaté » prophétisant la chute de l’URSS.

Histoire moderne aussi, puisque depuis toujours la Russie n’a de cesse de se ménager l’accès aux mers chaudes qu’elle détient depuis longtemps grâce à Sébastopol, et qu’évidemment elle ne saurait abandonner au bénéfice d’une Ukraine qui ouvrirait cette base aux navires de l’Otan

Histoire contemporaine enfin de la Russie nouvelle qui, quelles que soient ses oligarchies et ses réflexes héritées d’un passé récent, est un pays qui aspire profondément au développement économique c’est-à-dire  à la paix dans le cadre d’une coopération équilibrée avec ses voisins.
C’est ainsi que l’Europe, l’Allemagne en premier, la France, l’Italie, la Grande Bretagne ensuite,  ont développé extrêmement rapidement leurs échanges et investissements avec cet immense marché qui les approvisionne principalement en matières premières et en énergie.
La Russie n’est plus l’URSS autarcique, ni l’ennemi idéologique  du système économique occidental !

Dès lors le passé comme  le bon sens et l’avenir  auraient dû retenir l’Occident, de Washington à Bruxelles, de laisser leurs boute feux  atlantistes aller agiter jusque sous les fenêtres de Moscou le drapeau de l’Alliance Atlantique via l’Otan et sa succursale économique qu’est devenue l’UE.

La Russie est une nation, un  continent, un grand peuple fier  doté d’une conscience  ancienne qui est en train de retrouver le monde libéral à son rythme, un pays  pas plus impérialiste que ses principaux concurrents américain ou chinois, mais soucieux de tenir son rang dans un monde qui ne soit plus livré à la seule Pax Americana.

Il convient donc que l’Occident ultra fasse son aggiornamento  de la paix Mac Do, prenne acte que le monde  change et que dans les prochains équilibres, notamment face à une Chine superpuissance, il faudra compter avec la Russie et peut être même sur elle.

En particulier, il est temps que cessent de donner des leçons de droit international ceux en Europe et aux USA qui ont laissé l’Allemagne financer la déstabilisation de la Yougoslavie, allumer  la guerre civile et l’éclatement du pays en reconnaissant le 23 décembre  1991 la sécession de la Croatie et de la Slovénie, sans d’ailleurs que Mitterand  soit  consulté par Kohl ni  même qu’ensuite il s’y oppose. Pire, la Commission Badinter de la Communauté Européenne lui donnera l’apparence de la légalité .
Enfin la sécession du Kosovo en 2008 qui  parachève la disparition de la Yougoslavie  a été instrumentée et avalisée sans sourciller par les grands pays occidentaux au premier rang desquels les USA et la France.

La France justement, dans cette affaire en Ukraine, aveuglée qu’elle est par son atlantisme militant et sa soumission à une Europe allemande travestie en farce fédéraliste, ne sait pas prendre le parti que son Histoire et ses intérêts lui dictent.

Sauf exception napoléonienne, la Russie a généralement été notre alliée, assurant à l’autre bout du continent un contrepoids  efficace dans les épreuves  que nous avons  traversées.
Et l’on ne peut nier que le capitalisme ultra libéral anglo saxon a trouvé dans l’existence de  la défunte  URSS motif à modérer ses ardeurs jusqu’au début des années 90 qui marquèrent l’essor de ses excès, que ce soit ceux de la finance et de la dérégulation, de la mondialisation et des délocalisations, ou  de l’affaiblissement des Etats.

C’est ce qu’avaient compris De Gaulle et Pompidou qui tout en condamnant le régime soviétique, voyaient bien que l’intérêt de la France et d’une Europe en paix,  ambitieuses donc souveraines, passait par le juste équilibre entre la Russie et les USA comme l’y incitent la géographie et non par l’alignement en supplétifs aveugles de l’un ou de  l’autre.

Tenir le juste milieu, tendre la main à la Russie en lui ouvrant largement la porte d’une coopération économique tout autant qu’aux autres républiques indépendantes de l’ex URSS sans tenter de les enrôler dans l’UE et l’Otan,  en contrepartie du respect des frontières  reconnues, voilà ce que le bon sens dicte à l’Europe , voilà ce qui s’impose de toutes manières à la Russie, et voilà le chemin que devrait montrer la France .

Etre le partenaire qui peut entendre l’un  et se faire comprendre de l’autre,  voilà le rôle que son Histoire propre assigne évidemment à la France   tant que sa voix a encore quelque résonance dans le monde et particulièrement sur ce continent européen où rien ne peut se faire sans-elle pour autant qu’elle le fasse savoir.

Cela évidemment ne peut s’accommoder des intérêts à courte vue de l’oligarchie atlantiste qui truffe nos palais et ceux de Bruxelles et décrie bruyamment ses compères oligarques de l’Est  tout en  se régalant à leurs tables  à  Courchevel,  Cannes, ou  Londres.

La France est absente aujourd hui, mais le retour de la Russie nous montre à nous Français qu’un vent du renouveau est possible.

2 commentaires:

  1. "Sauf exception napoléonienne, la Russie a généralement été notre alliée, assurant à l’autre bout du continent un contrepoids efficace dans les épreuves que nous avons traversées"

    Disons que quand elle n'a pas été notre alliée (1812, suites de la guerre de Crimée en 1870, pacte germano-soviétique) ça s'est mal passé.
    Mais ce n'était pas toujours la faute à Poléon : en 1812, si la Russie avait maintenu le blocus comme elle s'y était engagée contre avantages à Tilsit, la face du monde en aurait été changée.

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  2. Très bon texte, l'essentiel est dit: retour de la nation russe, absence de la France.

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