dimanche 20 novembre 2022

Production des phryges, choix des pays : le sport business en roue libre

Aujourd’hui, démarre la coupe du monde de football au Qatar. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces grandes messes populaires du sport professionnel s’illustrent trop souvent par des choix complètement aberrants. Compétition dans des pays au climat inadapté, imposant des contre-mesures incohérentes avec les efforts qui devraient être faits pour la protection de notre environnement, ou choix d’approvisionnement effarants, le sport business donne une bien mauvaise image de lui-même.

 


Une allégorie de notre époque

 

Cette information est totalement abracadabrantesque : 90% de la production des mascottes des JO de Paris 2024 doit être réalisée… en Chine, ainsi qu’une bonne partie des matériaux de ceux qui seront malgré tout fabriqués en France…. Bien évidement, Olivier Véran a défendu le choix en expliquant qu’il n’était pas possible de faire autrement, mais sa parole n’a strictement plus aucune valeur, lui qui a tant menti comme ministre de la santé. D’ailleurs, la ministre des sports a fini par concéder qu’elle allait essayer d’augmenter cette part. Plusieurs experts ont souligné qu’avec l’anticipation que permettent les Jeux Olympiques (qui nous ont été attribués en 2017), il était parfaitement possible de choisir un approvisionnement français. Bien sûr, la filière industrielle a été dévastée par la concurrence déloyale venue de Chine, mais il subsiste encore quelques acteurs, et il aurait parfaitement été possible, en anticipant davantage, de la faire produire uniquement en France. Et même maintenant, il reste 20 mois pour changer.

 

Ce choix est révélateur du mode de fonctionnement d’une trop grande partie de nos élites, conformistes, paresseuses intellectuellement, et déconnectées des intérêts de son propre pays. Parce que le fait de produire en France est devenu important aujourd’hui, elle se contente de confier une petite partie de la production à un industriel français, sans probablement jamais s’être demander comment faire en sorte de rapatrier toute la production localement. Ce choix du comité olympique français est tout aussi aberrant que le fait que les autorités publiques, qui financent une part importante de ces Jeux, n’aient pas demandé et imposé un approvisionnement local au maximum. La phrase d’Olivier Véran n’est pas un véritable constat, c’est juste le signe que, parce que la macronie n’a pas pensé à cela, elle est, comme toujours, prête à raconter n’importe quoi pour s’exonérer de toute responsabilité dans ce choix.

 

Ce nouveau gros raté vient après une série de choix controversiaux de pays hôte pour les grands évènements sportifs mondiaux. Cet hiver, nous avons eu droit à des Jeux Olympiques d’hiver dans une région de Chine peu enneigée, qui ont nécessité la production de neige artificielle. Maintenant, c’est la coupe du monde de football au Qatar, un des choix les plus empreints de souffre, à tous les points de vue : régime autoritaire, forts soupçons de corruption pour l’attribution, construction de stades dans des conditions calamiteuses, et pour finir, utilisation de climatisation dans les stades… Tant de sujets que le hors-série du Canard Enchainé permet de détailler. Et pour finir, nous avons appris récemment que les Jeux Asiatiques d’Hiver 2029 avaient été attribués à l’Arabie Saoudite, dans le le cadre du projet pharaonique Neom, même s’il faut reconnaître qu’il y a des massifs montagneux, qui culminent à 3000 mètres.

 

Plus globalement, ce qui en ressort, c’est l’impression que l’argent a pris le dessus sur tout. Si les réalités économiques doivent naturellement faire partie de l’équation des grands évènements sportifs, il semble aujourd’hui que c’est plutôt la loi du plus riche qui l’emporte, quelles que soit l’équation économique. Le Qatar s’est littéralement payé la coupe du monde. Mais s’il n’a reculé sur aucune dépense dans certains domaines, dans d’autres, et notamment pour les ouvriers qui ont construit les stades, il a été beaucoup moins généreux. Quel visage le football donne au monde de la sortir ? Quel message est envoyé à la population sur les ressorts actuels de notre monde ? C’est le règne de l’argent et d’un arbitraire brutal, anti-social et peu soucieux de l’environnement. Un vrai cauchemar pour une jeunesse qui n’a pas vécu un monde moins déséquilibré que l’actuel, même si le sport ne fait que suivre les règles modernes.

 

Mais ainsi, même si le sport professionnel ne fonctionne pas différemment du reste du monde, il contribue à populariser le fait que dans notre monde moderne, tout peut s’acheter, que les plus riches peuvent faire tout et n’importe quoi, notamment d’un point de vue environnemental et social. Et malheureusement, il montre aussi que nos dirigeants ne sont vraiment pas à la hauteur.

5 commentaires:

  1. La "concurrence venue de Chine" est-elle vraiment déloyale ? Le fait que l'UE interdise à ses membres de soutenir leurs industries doit-il obliger le reste du monde à en faire autant ? L’ère où l’Occident imposait ses logiques commerciales est révolue.

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    1. Pour entrer dans l'OMC, la Chine a pris des engagements qu'elle n'a pas tenus.

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    2. Il y a des procédures dans ce cas : "Les gouvernements soumettent leurs différends à l'OMC lorsqu'ils estiment qu'il est porté atteinte aux droits que leur confèrent les Accords de l'OMC. Les décisions rendues par des experts indépendants nommés spécialement sont fondées sur l'interprétation des Accords et des engagements pris par les différents Membres. Le système encourage les Membres à régler leurs différends par la voie de la consultation. En cas d'échec, ils peuvent suivre une procédure, comportant plusieurs étapes, qui prévoit une décision éventuelle par un groupe spécial et la possibilité de faire appel de cette décision sur des points de droit. Le nombre de différends soumis à l'OMC – plus de 500 depuis la création de l'OMC, contre 300 affaires traitées pendant toute la durée de vie du GATT (1947 1994), témoigne de la confiance accordée au système."

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  2. Bien sûr que la concurrence avec la Chine est déloyale : par delà le dumping social et salarial, il y a l'extrême protectionnisme du marché chinois et les accords imposés pour produire localement avec des industriels chinois

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