Shein et Temu sont des phénomènes du eCommerce. Le premier aurait conquis la bagatelle de 23 millions de clients en France en 2024. Le second est moins sous le feu des projecteurs, mais son impact n’est peut-être pas moins fort, du fait de l’ampleur de son catalogue. Pour qui prend du recul, la logique puissante de politique économique qu’il y a derrière les deux plateformes est redoutable. A contrario, les autres pays, au nom du laisser-faire et du laisser passer, finissent surtout par se faire avoir.
Vraie politique industrielle et vrai renoncement
La Chine a déjà développé de multiples stratégies pour se protéger, notamment la logique de terre brûlée, qui consiste à casser les prix sur des marchés stratégiques pour sortir les concurrents et acquérir une position ultra-dominante. C’est ce qui s’est passé sur les panneaux solaires, industrie dominée par les industriels européens il y a 20 ans, largement subventionnée par les pouvoirs publics, qui n’ont pas vu de problème à se laisser dépecer industriellement par la Chine tout en payant les panneaux solaires chinois… On peut voir dans Shein et Temu une nouvelle étape, qui consiste à sécuriser directement l’accès aux consommateurs en amont pour ne plus dépendre du moindre intermédiaire. Ce faisant, l’industrie chinoise n’enrichit plus Zara ou H&M, récupère toute la marge, et sécurise sa demande finale.
Cette stratégie est très habile car elle renforce la position de la Chine, de moins en moins dépendante de tiers occidentaux et qui peut ajuster ses choix en fonction de ses besoins. Si le marché chinois manque d’emplois, alors, elle privilégiera l’approvisionnement local. Si, ou quand, le marché du travail sera plus équilibré, elle pourra alors s’approvisionner davantage à l’étranger, en étant le décideur final. Comme pour les panneaux solaires, on peut penser que Shein et Temu achètent, dans un premier temps leur clientèle, par des prix cassés pour tuer la concurrence et séduisent les consommateurs, et par des actions marketing, les applications du duo étant sans cesse mis en avant… Mieux, les chinois utilisent les failles de nos règles, comme l’absence de taxes pour des colis unitaires à moins de 150 euros…
Mais a contrario, ce que révèlent Shein et Temu, c’est à quel point l’UE (mais aussi les USA), se laissent faire, et finalement, se font avoir. L’UE laisse encore et toujours rentrer une concurrence complètement déloyale qui aboutit à une destruction de notre tissus économique (comme le montrent les innombrables faillites dans l’habillement ou l’ameublement depuis l’émergence de ces deux titans). Les réponses envisagées sont dérisoires : les 2 euros de taxe par colis seraient indolores et totalement sans effet. Et en France, Shein déploie un lobbying intense, en employant d’anciens ministres, dont un macroniste sans scrupule qui cumule avec des postes payés par nos impôts, pour freiner les efforts législatifs de nos législateurs, en affirmant « défendre le pouvoir d’achat », comme le décrit en détail le Figaro.
Au final, comme avec Amazon, Uber ou Airbnb, nos politiques ont été beaucoup trop lents. Bien sûr, le cadre de l’UE n’aide pas, mais il est beaucoup plus facile d’agir au début. En tardant, ces empires prennent une place auprès des Français qui peut rendre leur traitement discriminatoire pourtant justifié plus difficile. S’il est déjà tard pour Shein et Temu, il est encore temps, mais il ne faut pas tarder.
Si le SMIC français serait au même niveau que le SMIC chinois, la France serait compétitive et aurait un fort secteur industriel.
RépondreSupprimerYou first!
Supprimer"Si le SMIC serait" ???
SupprimerBien vu anonyme de 8h59. Nous allons laisser le troll de 8h10 qui n'a que la baisse du SMIC à l'esprit, démarrer son expérimentation par lui-même
SupprimerParmi nos dirigeants, il y a ceux qui défendent les intérêts chinois et ceux qui défendent les intérêts américains ou allemands. Mais qui défend les intérêts de la France?
RépondreSupprimerTrès sincèrement je ne vois pas ce que le gouvernement pourrait faire pour entraver l'essor en France de Shein, ou de Amazon
RépondreSupprimerC'est l'inévitable application des nouvelles technologies au secteur de la grande distribution.
Favorisez plutôt l'accumulation de capital privé par un forte réduction d'impôts: peut-être que nous verrons surgir un Bezos ou un Shein français.
@ Anonyme 17h49
RépondreSupprimerBien d’accord, les dirigeants de notre pays ont cette particularité qui consiste à oublier complètement les intérêts de leur propre pays (cf marché européen de l’électricité)
@ Anonyme 21h59
Shein / Temu : il suffit d’imposer une taxe douanière pour les petits colis
Amazon : assurer qu’Amazon paie sa juste part d’impôt en sortant de l’UE et en prenant des mesures pour ne plus rendre possible la désertion fiscale
Plus globalement, combattre la concurrence déloyale (cf les panneaux solaires, où l’Europe était le premier producteur il y a 20 ans et qui a laissé ses industriels se faire détruire par l’Asie, alors même que nous subventionnons en partie leur achat)
laurent
RépondreSupprimer"il suffit d’imposer une taxe douanière pour les petits colis"
vous croyez à tort que la force de amazon et shein et Alibaba est seulement dans le prix.
En réalité ils sont incontournables à cause de l'offre incomparable qu'ils proposent.
Quand vous cherchez n'importe quel article, ou livre ou musique, vous avez de fortes chances de les trouver dans une de ces plateformes.
Il y a aussi l'ergonomie et la fiabilité des sites, rarement en panne.
Tout cela est le fruit du travail productif, de capitaux importants qui les permettent, et d'une forte concurrence.
A un niveau inatteignable dans un pays comme la France descendu à la neuvième place du classement mondial par GDP PPP