dimanche 17 août 2014

Pierre Richard : on se relève de tout, même de Dexia (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus

L’ensemble des faits relatés ci-après sont extraits de La Caste cannibale de Sophie Coignard et Romain Gubert (Albin Michel 2013).



Pierre Richard arrive à l’Elysée dès 1974, à 33 ans, dans les valises de Valéry Giscard d’Estaing. Il suit alors les dossiers des collectivités locales et de l’aménagement du territoire. 4 ans plus tard, il est directeur général des collectivités locales au ministère de l’intérieur. Il résiste à l’alternance en 1981 et prend en 1983 la tête de la CAECL (Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales), un organisme de la Caisse des dépôts. Nouvelle alternance en 1986 et nouveau maintien à l’occasion duquel, sous l’impulsion d’Edouard Balladur, il transforme la CAECL, qui devient Crédit local de France-CAECL,  en société anonyme. En 1996, l’entité, progressivement partiellement privatisée, fusionne avec le Crédit communal de Belgique (CCB) pour prendre le nom de Dexia. Pierre Richard en est bien sûr le patron.  Avec la volonté de faire de Dexia un leader du secteur, il se lance dans des crédits indexés sur les produits dérivés qu’il fait renégocier des plus en plus souvent : « vendre régulièrement de nouvelles formules d’emprunt fait partie de la stratégie. C’est ce que certains dirigeants appellent élégamment entre eux « trouiller l’encours » : chaque nouveau prêt rapporte une commission à la banque, et permet surtout d’allonger les délais de remboursement, donc de tenir les clients captifs ». Ainsi, le Crédit local de France commercialisait seulement trois types de prêts en 1995, Dexia était passé à 43 en 2000, puis 167 en 2006, 282 en 2008 (page 188) !

La faillite de Dexia, sauvé in extremis par les Etats belges et français, n’a toutefois pas empêché les dirigeants de s’allouer la bagatelle de 20,6M€ de retraites-chapeau[i] ! Et, pour la plupart, leur reconversion n’a pas posé de difficultés. Ainsi de Bruno Deletré, l’ancien directeur des activités de financement publics, recasé par Christine Lagarde, alors ministre de l’économie et des Finances, en tant que chargé de mission sur « le contrôle du respect des obligations professionnelles à l’égard de la clientèle dans le secteur financier » ! Une fois cette mission terminée, il s’est fait embaucher comme directeur de l’internationale et de l’outre-mer de la BPCE puis a pris, en juillet 2011, la tête d’une filiale de cette même banque, le Crédit foncier (pages 191-192). 

Mais la grande faillite du « système Dexia » est sans doute encore au-delà des pratiques mêmes de la banque : « pendant les années de folie, où les communes grandes et petites se voyaient proposer des crédits indexés sur le WIBOR (taux interbancaire polonais), le PRIBOR (taux interbancaire tchèque), la parité euro contre franc suisse, dollar ou encore yen, pas un trésorier-payeur général, par un préfet – pourtant charger du contrôle de la légalité des délibérations par les collectivités -, pas un inspecteur des Finances à la Caisse des dépôts ou à Bercy n’y a trouvé à redire. La commission bancaire a été aussi sourde qu’aveugle » (page 194).

Pour retrouver les autres articles sur La Caste cannibale :

·       La pieuvre financière.
·       PS, UMP et LBO.

[i] Dont 600 000 euros par an pour le seul Pierre Richard. Cf. Dexia : les retraites chapeau des ex-dirigeants qui choquent, Bertille Bayart, Le Figaro.fr, 18 juillet 2013 ; Dexia : le « J’accuse » de la Cour des comptes, Anne Michel, Le Monde.fr¸ 19/07/2013.

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