dimanche 25 janvier 2015

En Grèce, Syriza n’est-il pas bien moins extrémiste que le gouvernement ?


Aujourd’hui, les Grecs vont se prononcer lors d’une élection qui pourrait permettre l’accession au pouvoir de Syriza, qui avait perdu de peu en 2012. En France, le parti est qualifié au mieux de gauche radicale, au pire d’extrême-gauche. Mais n’est-il pas bien plus raisonnable que la coalition au pouvoir ?



L’extrémisme antisocial du gouvernement

Comme le note bien Jack Dion dans Marianne, où il dénonce « la fatwa du Monde contre Syriza », il est effarant de constater comment ce parti est traité dans la plupart des média français. Dans les faits, Alexis Tsipras ne fait que proposer la 3ème restructuration de la dette grecque depuis 2010, alors que la quasi totalité des économistes sont d’accord pour dire que dans le contexte actuel, la dette grecque n’est pas soutenable. Ceci démontre la faillite de la politique actuelle. Au final, ce sont ceux qui dénonçaient la folie de ces politiques qui ont malheureusement eu raison. La politique qui est déraisonnable, c’est justement celle qui a été menée par les dirigeants grecs depuis 2010.

Le PASOK et Nouvelle Démocratie ont mené une politique qui n’avait qu’un seul objectif : honorer la dette de la Grèce dans le cadre monétariste et semi-fédéral européen. Et ils n’ont pas fait les choses à moitié : baisse du SMIC de 22%, coupes monstrueuses dans le budget et les programmes sociaux. Tout ceci a envoyé un quart de la population au chômage, multiplié les suicides et provoqué une dégradation de la situation sanitaire dont Médecins du Monde s’inquiètait récemment ! L’extrémisme n’est-il pas du côté des gouvernements qui ont pris ces mesures et de ceux qui les ont demandé, dans l’absolu, et d’autant plus que tout ceci n’est même pas parvenu à atteindre leur objectif premier ?

Syriza, c’est la raison démocratique ?

Quand on prend un peu de recul, on en vient à se dire que finalement, ce sont bien le PASOK et Nouvelle Démocratie qui sont des extrémistes et Syriza qui est raisonnable. Ce n’est pas en serrant perpétuellement la ceinture des Grecs que l’on arrivera à quoique ce soit, si ce n’est à amplifier un désastre social et humain déjà effarant. Nul doute que les historiens porteront un jugement très sévère sur les politiques qui auront été menées depuis 2010, dont on peut se demander si elles ne sont pas une forme de crime contre l’humanité. C’est pour cela que Syriza est finalement bien plus raisonnable, en proposant de renégocier la dette, monter le SMIC et revenir sur certaines coupes budgétaires.

Syriza est tellement raisonnable qu’il y a même un risque qu’ils le soient un peu trop, dans un contexte où les pays créditeurs de la zone euro, pour, pas totalement illogiquement, protéger leurs intérêts (ce qui démontre un des nombreux vices de la zone euro) ont des demandes d’austérité délirantes. En effet, Alexis Tsipras a indiqué qu’il était attaché à l’euro et Syriza s’est modéré au point que son élection semble avoir moins de chance d’aboutir à une issue à l’Argentine. Il y a fort à parier désormais que si Syriza l’emporte, un accord finira par être trouvé qui desserrera le nœud coulant européen autour des cous grecs, mais il n’est pas impossible que l’on ne sorte pas complètement de l’impasse.

De toutes les façons, mieux vaut que les Grecs optent pour le programme bien plus humain et raisonnable de Syriza que les monstrueuses potions amères du gouvernement. Mais il faut espérer qu’Alexis Tsipras ira jusqu’au bout du mandat qui pourrait lui être confié et défende son peuple sans tabou.

8 commentaires:

  1. Dans le cas le plus extrême : Sortie de la Grèce de la zone euro avec défaut complet sur la dette, quelle serait la facture totale pour la France. À l’aide des deux liens ci-dessous, on peut faire une estimation :

    http://www.lepoint.fr/economie/retour-de-la-crise-grecque-la-france-risque-plus-de-40-milliards-06-01-2015-1894395_28.php

    http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/01/23/20002-20150123ARTFIG00431-un-defaut-de-la-dette-grecque-couterait-40milliards-d-euros-a-la-france.php

    Prêt direct de la France à la Grèce qui ne serait plus remboursé : 11,38 milliards d’euros.

    Garanties apportées sur les emprunts du Fonds européen de stabilité financière (FESF) : 31 milliards d’euros.

    Part française d’une perte de la BCE : 2,6 milliards d’euros.

    Perte limitées à 7 milliards d’euros pour les banques Françaises (deuxième lien cité).

    Donc perte potentielle totale pour la France : 51,98 MILLIARDS D’EUROS.

    Articles : La Grèce ou la tragique illustration de la capacité de l’Europe à perdre sur tous les tableaux :

    http://www.atlantico.fr/decryptage/grece-ou-tragique-illustration-capacite-europe-perdre-tous-tableaux-1972052.html?yahoo=1

    Où en est la titanesque dette de la Grèce ?

    http://www.huffingtonpost.fr/2015/01/25/dette-de-la-grece-elections-montant-infographie-international_n_6539326.html

    Saul

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  2. Vous avez raison la qualification d'extrémisme n'est pas sérieuse, et reste probablement le fait d'une tentative politicienne de ternir l'image de ce parti grec qui a les faveurs du peuple. En France, ne sommes nous pas également confrontés à ce problème d'emploi arbitraire de mots dont jamais on ne livre de définition ? Espérons que Syrisa va gagner ce dimanche et que Tsipras appliquera son programme économique, cette rupture avec l'euro et l'UE.

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  3. L'extrémisme dangereux est plutôt du côté de ceux qui ont géré la crise en Europe, Troika, Merkel, Schaüble, gouvernements français qui ont suivi en faisant la carpette... Ces gens là méritent de passer dans les poubelles de l'histoire.

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  4. Est-ce à dire que la coalition au pouvoir a fait du mauvais travail ? Non.
    La France est-elle prête pour un mouvement comme Syriza ? Non.
    Quel est le sens de la véritable dynamique Syriza ? Toute la question est là. S'agit-il d'une course au peuple pour changer la démocratie ? Sûrement mais à quel prix mais l'idée de revenir aux fondammentaux de la démocratie est un excellent choix politique de ce parti... Sortir la Grèce de sa propre merde ? On peut toujours essayer mais Hellas j'en doute.
    Il n'y a pas si longtemps, le Tea Party qui était aussi "une nouvelle forme de démocratie" avait, fort d'un message politique totalement différent de Syriza, le vent en poupe. Aujourd'hui, il est mort. Syriza gagnera mais la réalité économique fera toujours aussi mal et la politique qui sera menée sera presque identique que celle de son prédécesseur même si celui-ci à la majorité absolue au parlement grec.

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  5. "De toutes les façons, mieux vaut que les Grecs optent pour le programme bien plus humain et raisonnable de Syriza que les monstrueuses potions amères du gouvernement."

    Sauf s'il est décidé de faire de la Grèce un exemple en provoquant encore une dégradation de sa situation (pour ne pas donner de mauvaises idées à d'autres pays) et que Syriza se couche devant le beau rêve européen...

    On se doute que pour ne pas effrayer d'électeurs, Syriza ne parle pas de sortie de l'euro, de maîtrise des frontières, de rapprochement avec la Russie, etc
    Mais si réellement, ils ne sont prêts à envisager rien de tout ça alors ils échoueront et derrière ce sera la porte ouverte à des choses pas très jolies.

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  6. @ Saul

    Merci pour ces liens

    @ Anonymes

    La très large victoire de Syriza est une très bonne nouvelle

    La coalition au pouvoir a fait du mauvais travail. La France peut connaître un tel mouvement, mais ce n’est pas sûr. Et il n’y a pas une réalité économique, il y a juste des choix d’organisations politiques de nos sociétés qui peuvent radicalement transformer cette réalité, notamment sur les questions monétaires

    @ Bip

    Mais il est probable que l’UE cède, à part si Merkel saute sur l’occasion pour avoir la peau de l’euro en refusant toute modification. Mais l’oserait-elle, à supposer qu’elle le souhaite ?

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    1. Même à supposer qu'un accord règle la question des dettes, la Grèce n'échappera aux conséquences de son manque de compétitivité tant qu'elle ne pourra pas dévaluer sa monnaie. En particulier, la politique de relance annoncée par Syriza est vouée à l'échec si elle reste en zone euro.

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  7. Pour commencer le nouveau gouvernement grec pourrait refuser de participer à cette mascarade (à supposer qu'il soit invité) :

    http://russeurope.hypotheses.org/3352

    Osera-t-il ?

    Ivan

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