vendredi 25 mai 2012

En Grèce, malheureusement, nous avions raison…


Ce n’est en aucun cas un motif de satisfaction. J’aurai préféré que ce que nous écrivions il y a deux ans ne se soit pas réalisé, que la Grèce s’en soit sorti en restant dans l’euro. Malheureusement, comme le souligne Jacques Sapir dans le Monde et Marianne, l’euro est bien la plaie de la Grèce.

Tout était écrit il y a deux ans

C’est fin 2009 que j’ai écrit mon premier papier sur la sortie de la Grèce de l’euro : « la seule solution serait une dévaluation, qui permettrait de rendre le pays plus compétitif et de dynamiser les exportations, mais le corset qu’est la monnaie unique ne rend pas possible cette solution. La seule voie possible serait de pratiquer une déflation compétitive (…) mais une telle politique serait extrêmement brutale et aurait sans doute des conséquences sociales violentes ».

Le 15 avril 2010, dans un papier intitulé « Grèce, le choix de l’euro-camisole », je soulignais que le plan européen de l’époque était « la mauvaise solution », que  « les trois prochaines années vont voir un ajustement brutal qui se traduira par des coupes budgétaires, une poursuite de la récession et un chômage de masse. Le prix à payer pour rester dans l’euro sera colossal. Pire, il est probable que la Grèce n’aura rien résolu car son problème (sont) ses prix à la production ».

Le 4 mai 2010, dans un papier intitulé « Le plan imbécile qui va étouffer la Grèce », j’affirmais que ce plan « ne fait que repousser les problèmes à plus tard en les aggravant ». C’était ce que Nicolas Dupont-Aignan avait défendu à l’Assemblée Nationale en disant de manière prophétique que l’argent prêté ne serait pas recouvré, contrairement aux dires du gouvernement. Jacques Sapir, déjà dans Marianne 2, démontait de manière précise les affirmations de nos adversaires.

Un scénario prévisible

Dès février 2010, je pronostiquais que « la Grèce (allait) suivre l’agenda du FMI, de la Commission et de la BCE. L’histoire du pays fait qu’il acceptera l’épreuve dans un premier temps, ce qui sauvera l’euro pour quelques temps ». En mars 2010, j’annonçais que « le supplice de l’euro pourrait durer ». En janvier 2011, un débat faisait rage sur la possible disparition de l’euro d’ici la fin de l’année. J’avais alors fait un pronostic différent en écrivant que « la fin de l’euro pourrait tarder ».

Je soutenais que « malheureusement, la messe n’est pas dite. Les fédéralistes veulent sauver l’euro coûte que coûte, que qu’en soit le prix à payer par les peuples. Ils savent bien qu’une fin de l’euro hypothèquerait pour plusieurs décennies le modèle d’une Europe supranationale qu’ils construisent depuis 25 ans. Et les pays de la périphérie de l’Europe sont sans doute retenus par le fait que l’Europe leur a apporté beaucoup de subsides et qu’ils ne veulent pas paraître ingrats ».

Nous sommes malheureusement nombreux à avoir vu juste sur la Grèce. Il est malheureux que le débat reste aussi fermé aujourd’hui et que ceux qui prédisaient les pires catastrophes à la Grèce si elle sortait de l’euro (défaut et baisse du pouvoir d’achat) n’aient pas reconnu que ces catastrophes ont été la condition du maintien dans l’euro. Mais surtout, pendant que nous débattons, un peuple souffre. Cependant, ce peuple se réveille, comme le montre les législatives du 6 mai.

L’épisode grec pourrait bien se terminer rapidement car les prochaines législatives ont toutes les chances de donner une majorité à Syriza, qui serait largement en tête dans les sondages. Dans un an, la Grèce pourrait bien démontrer l’intérêt de sortir de sa camisole monétaire…

8 commentaires:

  1. Le paradoxe de la Grèce est que son désir de sortir de la "camisole monétaire" ne s'accompagne pas, bien au contraire, d'un désir de sortir de la camisole socialiste. Si les partis de gauche étaient sincères dans leur volonté de libérer la Grèce de l'emprise du système bancaire, ils auraient proposer un plan alternatif fondé sur des propositions libérales de remise sur pied de l'économie privée rendue exsangue par des décennies de dirigisme étatique alimenté par les subventions européennes (combien de dizaines de milliards dépensés au titre du rattrapage économique et autre mise à niveau??) et la dette bancaire qui n'est qu'un proxy pour les investisseurs pour transformer l'endettement public en opportunités de marché. D'un plan libéral donc, il n'est pas question, si ce n'est sous la forme d'un plan de "croissance" au niveau européen, qui n'est qu'un nouvel avatar de la fausse croissance alimentée par la dette publique que l'on espère relancer via les eurobonds. Ce que vous appelez la sortie de la Grèce de la zone euro n'est qu'un coup de bluff supplémentaire de la part des dirigeants grecs toujours aussi peu imaginatifs, lorsqu'il s'agit d'assainir leur économie et d'épurer l'appareil administratif qui étouffe l'économie grecque.

    RépondreSupprimer
  2. Un texte Keynes
    http://www.les-crises.fr/de-l-autosuffisance-nationale/

    olaf

    RépondreSupprimer
  3. Je signale en page une du Monde de mercredi 24 la solennelle mise en demeure adressée par Eric Izraelewicz à ces ingrats de Grecs qui ont empoché 31000 euros chacun tout en refusant les règles du jeu de l'union monétaire.

    Et d'autant plus que l'éditorial du Grand Timonier du Monde est « recommandé pour les révisions du bac » ! Ce n'est pas une blague, c'est ce qu'ils ont le culot d'indiquer sur leur site.

    J'en profite pour féliciter Laurent Pinsolle pour ses articles à la fois concis, précis et très bien informés.

    Marc-Antoine

    RépondreSupprimer
  4. Bien d'accord avec Nicolas.

    Mon vieux professeur d'histoire-géo quand j'étais en 1e ( vous imaginez mon âge ! ) était un vieux démocrate, un vrai. Il nous a appris ce que c'était que la démocratie et que toute la classe politique française a oublié ( et je suis charitable ) : le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Il avait un autre adage, que je n'ai pas oublié non plus et que ma vie agitée m'a obligé à mettre en pratique plus d'une fois : "Il arrive toujours un moment où il faut se battre ou se laisser aplatir".

    Ce moment est arrivé pour les Grecs. S'ils votent en juin pour leurs partis européistes, je considérerai qu'ils ne méritent pas d'être traités mieux qu'ils ne le sont, ayant abdiqué toute dignité. On ne peut pas vouloir le beurre, l'argent du beurre et la vertu de la laitière. Là aussi, c'est une question de dignité ( encore un mot oublié par la classe politique française ). Leurs interminables palabres finissent par être écoeurantes.

    Sancelrien

    P.S : le moment dont j'ai parlé arrivera pour la France aussi, en 2017 au plus tard.

    RépondreSupprimer
  5. Vendredi 25 mai 2012 :

    Les banques préparent des plans d'urgence sur la Grèce.

    Les banques françaises, qui font partie des établissements bancaires étrangers les plus exposés à la Grèce, préparent dans le plus grand secret des plans d'urgence dans l'éventualité d'une sortie de la République hellénique de la zone euro, ont indiqué à Reuters des sources informées des préparatifs.

    D'après des responsables de la zone euro, le comité de préparation de l'Eurogroupe avait demandé aux gouvernements de la zone de préparer chacun de leur côté des plans d'urgence pour se préparer au retour de la drachme en Grèce.

    "Chaque banque a désormais une équipe spéciale chargée de regarder les conséquences possibles d'un retour de la drachme", a dit à Reuters un banquier parisien sous couvert d'anonymat.

    Ni BNP Paribas, ni le Crédit agricole, de loin la banque française la plus exposée à la Grèce, ni la Société générale n'ont souhaité faire de commentaires.

    (Dépêche Reuters)

    http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/reuters-00445699-les-banques-preparent-des-plans-d-urgence-sur-la-grece-327366.php

    RépondreSupprimer
  6. Question : les partis de gauche susceptibles de remporter les élections de juin en Grèce proposent-ils la sortie de leur pays de la zone euro?

    Il me semble que non. Ce qu'ils proposent, c'est les habituelles calembredaines alter-européistes. De la poudre aux yeux, quoi.

    Torsade de Pointes

    Bien d'accord avec Sancelrien quand il écrit: «S'ils votent en juin pour leurs partis européistes, je considérerai qu'ils ne méritent pas d'être traités mieux qu'ils ne le sont, ayant abdiqué toute dignité.»

    RépondreSupprimer
  7. La sortie de la Grèce (et je le souhaite pour le peuple grec) sera le symbole de l'échec des partis fédéralistes qui dirigent notre pays et l'europe depuis 40 ans.
    Une autre politique est possible pour le bien des peuples d'europe.

    RépondreSupprimer
  8. @ DLR4410

    Le moment de vérité approche.

    @ Anonyme

    Syriza propose de rester dans l'euro et de mettre fin aux plans d'austérité. Théoriquement, le second point devrait provoquer un blocage et une coupure des vivres par la troïka et potentiellement une sortie de l'euro (à moins qu'ils ne prennent la solution de Jacques Sapir, qui aboutirait à une grave crise de l'euro).

    @ BA

    C'est bien normal

    @ Nicolas

    Les peuples se tournent logiquement vers la gauche de la gauche, mais il est intéressant de voir l'émergence de l'ANEL, une droite souverainiste, 4ème du scrutin le 6 mai, à peine en-dessous du PASOK.

    @ Olaf

    Merci pour ce texte, excellent. C'est à croire que Keynes avait tout vu...

    @ Marc-Antoine

    Merci. Le Monde est stupéfiant de dogmatisme et de bêtise sur la Grèce. Tout cet argent est allé aux créanciers et c'est uniquement pour essayer de faire fonctionner cette monnaie à laquelle ils tiennent tant !

    RépondreSupprimer