lundi 15 juin 2020

L’incroyable et révélatrice remontée des bourses


Les évolutions des indices boursiers sont effarantes. En début de semaine, le Nasdaq effaçait son recul de début d’année pour atteindre de nouveaux plus hauts historiques, en progression de plus de 40% par rapport au point bas de mars ! Jeudi, tous les marchés subissaient une forte correction. Mais au global, le rebond reste fort depuis mars. Une évolution très révélatrice.





Orchestre sur le Titanic ou fracture de la société ?



La situation actuelle est pour le moins paradoxale. D’une part, tous les jours ou presque, les nouvelles du front économique deviennent de plus en plus inquiétantes, avec un recul du PIB maintenant prévu à 11% en France pour 2020, une troisième révision à la hausse du déficit et de la dette et des chiffres de destruction d’emplois complètement inédits. Et de l’autre, après un plongeon digne des pires krachs boursiers de la mi-février à la deuxième moitié de mars, avec un recul de plus 35%, les grands indices ont affiché une hausse de 35 à 50% depuis le point bas atteint dans la deuxième moitié de mars, avant la correction de jeudi. De manière étonnante, ce grand écart extravagant n’interroge pas tant que cela alors que les marchés sont à des niveaux élevés, le Nasdaq étant à son plus haut historique.



On peut y voir un phénomène de bulle. En effet, en 2008, quand les marchés actions se sont effondrés, les avoirs ont été transférés sur d’autres placements rémunérateurs, et notamment les dettes souveraines. Mais en 2020, les dettes souveraines ne rapportent plus rien : 0% en France à dix ans, 0,1% en Grande-Bretagne et 0,6% sur les bons du Trésor étasuniens… Pire, le bund allemand s’affiche à -0,3%, alors qu’il était tombé à 3% début 2009 (et 2,2% pour les bons du Trésor) ! Ce n’est pas tout de vendre, mais les alternatives ne sont guère attrayantes pour les marchés, bien moins qu’en 2008-2009. En outre, faute de pouvoir jouer sur les taux, les banques centrales ont dégainé plus rapidement et plus fort la création monétaire, noyant les marchés sous les liquidités et poussant les cours à la hausse.



Cette mise en perspective et le niveau élevé des cours en plein milieu de la pire récession économique qu’ait traversée le monde depuis la Seconde guerre mondiale peut laisser penser que la seconde vague de la crise pourrait bien être financière... C’est ce que peut également indiquer le mouvement d’humeur de jeudi, avec le recul de 6,9% du Dow Jones. Il y a clairement une bulle et elle risque donc d’exploser, même si le contexte financier global, taux au plancher, création monétaire des banques centrales, et profits élevés des entreprises explique en partie cela. Et justement, ce qui intéressant avec la baisse de jeudi, c’est que les marchés ont réagi à l’absence de baisse des taux de la Fed. S’il n’est pas inutile et injuste qu’une banque centrale ne suive pas leurs attentes, l’ampleur de la réaction peut aussi indiquer que ce n’est pas habituel et qu’ainsi, pression est mise pour que la Fed baisse les taux…



Et plus globalement, ce que dit également ce contraste entre les bourses et l’économie réelle, où les soupes populaires attirent malheureusement un nombre record de personnes, c’est la fracture de nos sociétés. Cette crise frappe plus durement les plus faibles et les plus précaires, qui ont pu perdre leurs emplois ou une partie de leurs revenus. Le caractère précaire des emplois de la nouvelle économie est malheureusement devenu une dure réalité pour beaucoup. Et parallèlement, certains secteurs ont été peu touchés, comme l’indiquent les résultats financiers des GAFAM au premier trimestre. Enfin, parmi ceux qui l’ont été fortement, on peut parier que les plus gros s’en tireront mieux. Malheureusement, l’immense décalage entre les marchés et l’économie reflète aussi une réalité de nos économies…



Cette crise démontre d’autant plus l’augmentation des inégalités qu’elle l’accélère. Le décalage entre l’évolution des marchés financiers, même s’ils restent perfusés à des politiques qui les favorisent, atteint un niveau totalement extravagant. Il faut espérer que cela accélère la prise de conscience du besoin d’un changement très profond de nos systèmes économiques.

1 commentaire:

  1. Mais tout ça n'a rien d'étonnant puisque ça fait maintenant des années que l'économie réelle est décorrélée des marchés financiers et on sait parfaitement pourquoi : c'est l'action des banques centrales qui détermine les marchés et non l'économie réelle.

    Reste à savoir combien de temps ça peut durer, sachant que ça dure depuis déjà pas mal de temps, et que ça peut continuer encore longtemps, tant que les banques centrales alimenteront les marchés de leurs liquidités.

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