lundi 14 décembre 2020

Quelle stratégie pour les souverainistes face à Marine Le Pen en 2022 ? (billet invité)

Nous poursuivons le dialogue entamé avec Monsieur Frexit sur Twitter au sujet de Marine Le Pen et du Rassemblement national dans la perspective des élections présidentielles de 2022.

 

Billet invité de Monsieur Frexit 

 



Comme je l’ai expliqué sur Twitter et même si des arguments solides en sa faveur existent (exposés par Laurent), je ne crois pas la victoire de Marine Le Pen possible.

Néanmoins, et cela quoi qu’on pense de sa personnalité et de son parti, les souverainistes ne peuvent pas faire comme si ce parti n’existait pas puisqu’il capte entre 20 et 25% des votants aux différentes élections nationales. Comme le dit Guillaume Bigot dans l’excellent Populophobie :  “La possibilité de renverser la table sans rallier cet électorat est nulle”

De plus, pour ses éleveurs, le Rassemblement national incarne (certes mal à nos yeux et à ceux de Raphaël Enthoven) le premier porte parole du souverainisme français.

Dès lors, se pose la sempiternelle question : que faire ?

Je vais présenter ici 4 stratégies possibles en montrant les principaux inconvénients pour chacune d’elles.

1)     La strategie de la distanciation sociale et des tirs de barrage

 

Si l’on pense que Marine Le Pen ne pourra pas accéder au pouvoir et qu’elle empêchera tout souverainiste de le faire en captant un électorat important, on serait tenter de s’en dissocier le plus possible et d’en montrer systématiquement les lacunes et les incohérences pour la décrédibiliser auprès de ses électeurs. C’est par exemple ce qu’a fait régulièrement François Asselineau lors de ses conférences.

Le problème de cette stratégie est que les électeurs du Rassemblement national sont très peu volatiles. Le socle électoral du RN est stable, ce n’est plus un vote contestataire mais pour une partie de plus en plus grande d’adhésion. Tenter de les rallier en dénigrant leur parti et leur leader parait dans ces conditions voué à l’échec. On convainc en séduisant, rarement en s’opposant frontalement. De plus, cette stratégie amène à passer moins de temps à attaquer l’ennemi principal : Macron et l’Union européenne. Il y a une perte d’énergie pour les militants.

 

2) La stratégie Sarkozy 2007 ou ligne Buisson

Alors que Jean-Marie Le Pen s’était qualifié au second tour de la présidentielle de 2002 avec 4,8 millions d’électeurs et 16,86 % des suffrages, il n’en recueillera que 3,8 millions et 10,44 % en 2007.

On peut attribuer cette baisse significative au succès de la “ligne Buisson” qui a permis à Nicolas Sarkozy de siphonner l’électorat de Jean-Marie Le Pen en abordant les mêmes thèmes (immigration, sécurité, délinquance) sans crainte du qu'en-dira-t-on médiatique (on se souvient du fameux  "Karcher”).

Le problème de vouloir rééditer cette stratégie en 2022 est que comme le dit le dicton populaire “chat échaudé craint l’eau froide”. L’électorat du Rassemblement national a peu de chance de se faire charmer par un nouveau joueur de flute de Hamelin qui lui referait le même coup.

Cette stratégie est d’autant plus compromise qu’Emmanuel Macron a déjà considérablement droitisé son discours (lutte contre l’islamisme radical et le séparatisme) au point que la presse étrangère s’en est ému.

 

3) La stratégie d’infiltration ou d’entrisme

Une autre stratégie pourrait être d’infiltrer le Rassemblement national, d’y faire adhérer en masse, d’y placer des cadres et de progressivement prendre le pouvoir au sein des instances pour finir par remplacer Marine Le Pen. On peut d’ailleurs se demander si les 60 cadres de Debout La France qui ont récemment rejoint le RN n’ont pas cela aussi en tête, outre leur intérêt personnel d’obtenir des mandats électifs.

 

Le premier problème de cette stratégie est que cela ne peut payer que sur du long terme (2027 ? 2032? La France peut elle attendre autant ?). Le second et non des moindres est que tous ceux qui avaient une ligne un peu divergente de Marine Le Pen ont fini par être exclus ou marginalisés au sein du parti. Florian Philippot, Jean Messiah, les proches de Marion Marechal… en sont autant d’exemples. En fait tout se passe comme si Marine Le Pen considérait tout désaccord comme de la défiance et qu’elle n’était donc logiquement entourée que de suiveurs pour ne pas dire courtisans.

 

4) La stratégie Mitterand et le PCF ou le baiser mortel

A la présidentielle de 1969, le PCF avec Jacques Duclos réalisait un score 21,3% alors que le PS et Michel Rocard seulement 3,6%. En 1972, après le Congres d’Epinay le Machiavel François Mitterrand après avoir rassemblé les chapelles socialistes propose au PCF une alliance de gouvernement dont il prendra la tête. Cette alliance lui permit d’obtenir 43,2% au premier tour de la présidentielle de 1974, il perdra ensuite de justesse le second, puis finira par l’emporter en 1981.

Pourquoi ne pas s’inspirer de cette stratégie avec le RN ? Bien sûr pour que cela fonctionne il faudrait que le RN ne prenne pas la tête de cette alliance. Pour Eric Zemmour, une personnalité de LR (mais alors on risquerait de tomber dans les écueils de l’union des droites) ou un souverainiste qui parviendrait à rassembler les différentes chapelles, pourrait être ce Machiavel. Pour Guillaume Bigot, le salut viendrait plutôt d’une personnalité hors parti, par exemple un entrepreneur patriote.

 

 

Conclusion

Aucune de ces stratégies n’est idéale, mais cette dernière me parait la plus réalisable et elle a faute de mieux ma préférence. Elle ne pourra cependant se faire que si la personnalité en question a un poids politique et médiatique suffisant pour négocier avec Marine Le Pen. Autant dire que ça ne sera pas facile mais c’est il me semble la seule façon d’éviter la réédition d’un duel Marine/Macron dont les français ne veulent pas et qui pour moi assurerait la réélection d’Emmanuel Macron pour le plus grande malheur de la France et des Français. 

 

 

Monsieur Frexit

16 commentaires:

  1. La stratégie de Mitterrand a pris 10 ans : congrès d'Epinay en 1971, victoire électorale en 1981...

    De plus, nous avons changé d'époque. Les partis pèsent moins aujourd'hui, nous l'avons bien vu en 2017 avec les effondrements du PS et de LR, et l'émergence de Macron qui n'avait pas de parti, ainsi que le succès de LFI qui était tout nouveau.

    Les alliances entre LR, RN et autres ne convaincront personne. Et puis, les souverainistes de gauche ne s'y rallieront pas. Le souverainisme de droite n'est pas assez puissant pour s'imposer seul. La droite LR est composée majoritairement de libéraux et de pro-européens.

    Pour 2022, il est trop tard pour mettre en place une stratégie comme celle que vous décrivez. Il reste à espérer que les choses vont changer d'elles-mêmes sous les effets de la crise et du ras-le-bol des gens.

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  2. @ Mr Frexit

    Merci pour cette réflexion, qui présente l’atout d’être probablement plus pragmatique que la mienne. La stratégie du « baiser mortel », c’était un peu celle de NDA en 2017, selon Zemmour. Mais sa limite, c’est que la force électorale du RN, malgré de fortes faiblesses structurelles, rend très improbable le retrait de la candidature RN derrière un ou une autre. Il faudrait que le nouveau porteur de l’alternative souverainiste dépasse le RN dans les sondages, ou a minima le rejoigne avec de meilleures perspectives de gagner pour qu’un retrait soit possible. En outre, il faudrait négocier, et le précédent de la négociation NDA / MLP me rend très circonspect si cette négociation aboutit à abandonner des points critiques du programme.

    Je crois plus, comme détaillé samedi à une alliance large de souverainistes, de Kuzmanovic à Philippot, sur un programme radical : sortie unilatérale et immédiate de l’UE et l’euro (avec jusqu’à la fin 2022 pour se mettre d’accord sur un nouveau modus operandi, et donc une période de transition où les règles de l’UE s’appliqueraient tout en pouvant être modifiées unilatéralement par la France). Le rassemblement me semble plus facile hors du RN et le point clé me semble une forme de radicalité de la rupture, parce qu’elle est nécessaire et que cela montrera bien que cette alternance apporterait un vrai changement.

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    1. Je suis d'accord avec votre analyse mais je pense qu'elle a peu de chances de se concrétiser d'ici 2022. Et il reste la question du candidat capable de porter ce mouvement, aucune des personnes que vous citez ne me semble avoir le charisme nécessaire.

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    2. Kuzmanovic à Philippot
      Malheureusement, je n'y crois pas in instant. La mouvement se fracturerai à la moindre escarmouche. Pour avoir fait le début du chemin de RS, ce mouvement est bien marqué à gauche et cela compliquerait une entente solide.
      Je suis pour une ligne Buisson, pas celle de 2007, mais une nouvelle, que l'intéressé à commencé lui-même a évoquer après les européennes.
      Une ligne anti-libéral.
      Il a fait une conférence après la victoire de Macron en 2017 ou il citait Debray,Gauchet, Michéa, Lasch, que je met en lien pour les curieux.

      https://youtu.be/Hj_B708sCWY?t=1

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  3. "une alliance large de souverainistes, de Kuzmanovic à Philippot". C'est tout à fait ce qu'il nous faudrait. J'ai découvert Philippot lorsqu'il a quitté le RN et je le trouve remarquable. Il a l'avantage d'être ni droite ni gauche et de n'avoir aucune tabou. Il faudrait que République Souveraine comprenne que ce qui importe, ce n'est pas d'être de droite ou de gauche, mais de sauver le pays malmené par l'oligarchie. Il faudrait, comme le préconise F. Philippot, mettre sur pied une "maison commune des souverainistes". Cela devrait ensuite déboucher sur une primaire.

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    1. @ YD
      Je pense qu'une primaire n'est pas la bonne solution, car s'il s'agit d'un vaste rassemblement de souverainistes de droite et de gauche, il faudra une personnalité capable de réconcilier l'ensemble de ces courants, or la primaire consiste à faire gagner un candidat qui obtient une majorité mais qui n'est pas représentatif de l'ensemble de son camp, comme on l'a vu en 2017 avec Fillon qui a gagné à droite et Hamon qui a gagné à gauche.

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  4. Cette dernière stratègie "à la Trump" est la plus séduisante. Mais qui pour la porter en France ? Je vois Philippe de Villier en entrepreneur, mais trop conservateur pour la gauche. Le frère militaire Pierre de Villier pourrait être un entre-deux convenable, avec son image de general qui en impose. De plus sa ligne potentiellement patriote, pourrait faire émerger les idees de frexit, et preparer le terrain pour une personnalité capable d'enclencher la sortie de l'UE.

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  5. Concernant les comparaisons avec Trump ou Orban, elles ne me semblent pas pertinentes, car la France est dans une situation bien différente de celles des USA et de la Hongrie. Nous sommes dans l'euro, nous avons une forte immigration et nous sommes ligotés par des traités qui nous empêchent d'agir. Et notre propre constitution, qui a intégré ces traités, nous empêchera d'agir tout autant. Notre situation est plus proche de celle de l'Italie, or Salvini a échoué.

    @sebastienlamour
    Pour un candidat souverainiste en 2022, s'il existe (ce dont je doute), il faut se garder des démagogues et ne pas tomber dans les bras d'un nouveau général Boulanger qui rassemble sur du vide. Le discours de Pierre de Villiers est bien trop inconsistant pour être qualifié de souverainiste. Il faudrait une personne crédible qui s'engage en faveur de la sortie de l'euro et de l'UE. Pour l'instant, je n'en vois pas.

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  6. @ Moi

    Bien sûr, ce candidat n’existe pas, encore. Mais il y a 5 ou 10 ans, le paysage électoral était loin de la conclusion… Beaucoup de choses restent encore possibles, même si le temps qui passe peut aussi restreindre le champ des possibles.

    En partie d’accord sur Orban et Trump : en effet, notre situation n’est pas la même et MLP me semble manquer d’assurance pour se lancer dans une telle confrontation. En revanche, jouer sur le rejet systématique et un peu outrancier des élites politico-médiatique peut être une voie. Le risque (et c’est celui que je vois avec MLP), c’est que ce soit finalement beaucoup trop superficiel et que les sujets les sujets les plus importants soient oubliés. L’échec actuel de Salvini est instructif. Vu de loin, j’ai l’impression qu’il est sur cette même ligne : beaucoup d’excès de formes qui cachent un manque de rupture sur le fond. Je crois qu’il faut l’inverse : une radicalité sur le fond, et une forme assez modérée. Bien d’accord sur Pierre dV

    @ Cgrotex

    Pas sûr : je crois que le contexte actuel pourrait pousser à l’unité les souverainistes au-delà des étiquettes et des passés respectifs. Nous verrons bien dans les prochains mois

    @ YD

    Assez d’accord avec « Moi » sur les primaires. Une personnalité plus évidente que les autres pourrait également émerger

    @ Sébastien

    Pierre de Villiers me semble bien conformiste sur tous les sujets qui pourraient fâcher, l’UE, l’euro, le libre-échange…

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  7. « A la présidentielle de 1969, le PCF avec Jacques Duclos réalisait un score 21,3% alors que le PS et Michel Rocard seulement 3,6%. »

    Etrange présentation. Le candidat officiel du PS (SFIO à l'époque) était Gaston Defferre (et non Michel Rocard qui représentait quant à lui le petit PSU). Quoi qu'il en soit, cette élection présidentielle "post-mai 68" est à part et n'est absolument pas représentative des rapports de force à gauche. Vouloir s'inspirer de la stratégie de Mitterrand pour parvenir au pouvoir n'a aucun sens.

    La moins mauvaise stratégie face à Marine Le Pen est encore de ... soutenir Marine Le Pen qui sera, de toute façon, incontournable en 2022. Toute autre stratégie apparaît chimérique. Peut-être faut-il y réfléchir dès à présent dans la perspective de 2027 mais, pour 2022, la seule stratégie réaliste consiste à voter contre Macron quel que soit son adversaire du second tour (un adversaire qui a toutes les chances d'être MLP).

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  8. Très drôle que dans cet article il ne soit pas du tout question d'immigration. Il est évident pour moi que le thème de l'immigration est au moins aussi important que celui du souverainisme chez les électeurs du RN. Si vous voulez les capter, il faudra l'aborder, et dans le sens que lui donne le RN.

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