mercredi 12 octobre 2011

La Grèce prend le chemin de l’Argentine (bis)

Il y a un peu moins d’un an, j’avais fait un premier papier évoquant le parallèle entre la situation de Buenos Aires au tournant du siècle et celle de la Grèce aujourd’hui. Malgré l’accord de la troïka, les manifestations montrent bien qu’Athènes finira par suivre Buenos Aires.

Une situation extrêmement comparable

Au début des années 1990, après avoir souffert d’hyperinflation, l’Argentine avait décidé de fixer la parité de sa monnaie par rapport au dollar, le « peg ». Dans un premier temps, l’inflation a été vaincue, les taux d’intérêt ont baissé, l’économie est repartie. Malheureusement, la crise des pays émergents, en 1997, a précipité la crise du pays. En effet, les monnaies des pays asiatiques et du Brésil ont été fortement dévaluées, plongeant l’Argentine dans une grave crise.


Le problème du pays était une monnaie beaucoup trop chère qui pénalisait son industrie et provoquait un déficit commercial intenable. Le pays rentre dans une grave récession en 1998 et demande l’assistance du FMI, qui lui prête de l’argent pour payer ses créanciers, en échange de programmes d’austérité qui ne font qu’aggraver la récession. Fin 2001, après quatre ans de crise, le PIB a baissé de 10%, le chômage et la pauvreté se sont envolés. Et les capitaux fuient le pays.

Il est impressionnant de constater à quel point la situation de la Grèce aujourd’hui ressemble à celle de l’Argentine au tournant du siècle, à ceci près que le peg est remplacée par la monnaie unique. En réalité, la situation est pire puisque fin 2012, après quatre années de récession, le PIB de la Grèce devrait avoir baissé de près de 15%, la dette sera près du triple de celle de l’Argentine. Et il faut noter que les dépôts ont déjà baissé de plus de 20% depuis 2010.

L’issue qui semble inéluctable

Début 2002, après de graves troubles sociaux et politiques, l’Argentine décide de faire défaut sur sa dette et de dévaluer sa monnaie de plus de 70% pour retrouver de la compétitivité. Dans un premier temps, la crise s’approfondit (le PIB perd 10% cette année), tous les dépôts sont autoritairement convertis dans la nouvelle monnaie et les retraits sont très strictement limités. Néanmoins, comme l’a très bien rapporté Yann, l’économie redémarre vigoureusement dès l’année suivante.

En effet, la croissance dépasse 7% par an, portée non seulement par les exportations agricoles, mais bien plus par un redressement industriel que permet la très forte dévaluation du peso. Le chômage et la pauvreté baissent. Bien sûr, ce modèle n’est pas sans limite. L’inflation n’a sans doute pas été assez combattue. Le pays ne peut plus emprunter sur les marchés financiers et doit donc équilibrer ses échanges commerciaux pour éviter d’avoir à utiliser ses réserves de devises.

Mais l’Argentine mène alors une véritable politique protectionniste pour lutter contre la concurrence déloyale de la Chine. Et si elle ne peut pas emprunter sur les marchés, cela signifie aussi qu’elle ne dépend pas d’eux et qu’elle contrôle à nouveau sa politique monétaire. Bien sûr, le retour à une monnaie nationale n’est pas une sinécure, mais rien ne laisse à penser que la situation serait plus dure pour la Grèce que pour l’Argentine, malgré les prévisions catastrophistes de certains.

Une sortie organisée dans le cadre de l’UE serait forcément plus simple. Mais même seule, Athènes n’a pas de raison de faire moins bien que Buenos Aires car elle n’a pas besoin d’une dévaluation aussi importante. Bien sûr, il faudra faire défaut sur la dette, mais un défaut important est aujourd’hui inévitable. Et la Grèce pourrait financer son petit déficit primaire (avant intérêts) en reprenant le contrôle de sa monnaie, même si elle ne pourrait plus se financer sur les marchés.

Bien sûr, aujourd’hui, une telle issue peut sembler fantasmagorique car les Grecs eux-mêmes ne veulent pas quitter l’euro. Pour eux, l’Europe a toujours été synonyme de solidarité et de subsides. Ils n’arrivent pas à mordre la main qui les a nourris pendant si longtemps. C’est pourquoi, comme je l’ai souvent souligné, il faudra du temps pour qu’une telle solution s’impose politiquement. Mais il faut noter que le Premier Ministre a récemment évoqué un tel scénario, certes pour le rejeter.

Bien sûr, sur le moment, la sortie de l’euro ne sera pas une partie de plaisir, mais plus le temps passe et plus on constate que, comme en Argentine, le statut quo n’est pas tenable. La Grèce finira tôt ou tard par revenir à la drachme pour sauver son économie.

7 commentaires:

  1. Je suggère à NDA de commencer à appliquer ses idées prohibitionnistes à Yerres, charmante commune dont il est maire depuis 1995, afin d'en accroitre si c'est encore possible les performances économiques.
    Et surtout de sortir de la catégorie Orange des emprunts toxiques qu'il a contractés.

    Yerres, au sud-est de Paris, sur la carte de libé.
    http://labs.liberation.fr/maps/carte-emprunts-toxiques/#

    Tout ce qui serait importé ici-là serait ainsi taxé de 20% à fin de développer l'industrie locale. Celle des téléphones portables par exemple, ou des microprocesseurs, et voir même de l’aéronautique, avec les sièges éjectables.

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  2. Mercredi 12 octobre 2011 :

    Grèce : UBS prévoit un effacement de 70 % de la dette.

    UBS estime que la faillite de la Grèce est inévitable et pense qu'un effacement de 70 % de sa dette est nécessaire pour stabiliser durablement le budget du pays.

    Le risque de contagion est important, mais un effet domino est évitable, estime la banque dans une étude présentée mercredi.

    Contrairement aux déclarations politiques qui entretiennent un espoir de sauvetage des finances publiques grecques, les analyses confirment "que la Grèce est tout à fait insolvable", selon les analystes de la division Wealth Management Research d'UBS.

    http://www.romandie.com/news/n/CRISEDETTEGrece_UBS_prevoit_un_effacement_de_70_de_la_dette121020111410.asp

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  3. Mercredi 12 octobre 2011 :

    L'Europe doit recapitaliser "d'urgence" ses banques (Barroso).

    Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé mercredi l'Europe à recapitaliser "d'urgence" ses banques pour stopper la contagion de la crise de la dette, qui a désormais atteint une ampleur "systémique" menaçant de déstabiliser l'économie mondiale.

    Il faut "urgemment recapitaliser" les banques, a-t-il déclaré au Parlement européen.

    Concrètement, il a proposé de relever de manière temporaire à un niveau "beaucoup plus élevé" le niveau minimum de fonds propres "durs" demandé aux établissements, et d'interdire à ceux qui ne respectent pas ces critères de verser des dividendes et des primes.

    Il a exhorté l'Europe à agir pour faire face à "la menace de crise systémique qui est en train de se concrétiser" pour la zone euro, autrement dit une crise susceptible de déstabiliser le système économique et financier mondial.

    http://www.romandie.com/news/n/CRISEDETTEL_Europe_doit_recapitaliser_d_urgence_ses_banques_Barroso121020111610.asp

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  4. @ BA

    Merci pour les infos.

    @ Alf

    Pas du tout ridicule...

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  5. @Laurent Pinsolle

    Effectivement, c'est ridicule, ça ne ferait qu'une chose, diminuer de 20% le niveau de vie des Yierrois et certainement pas en développer l’économie.

    Il faut grossir 100 fois la stupidité des mesures prohibitionnistes pour que vous arriviez à la voir. ça en dit long sur votre aveuglement idéologique. L'effet sera sans aucun doute possible de même nature pour la France ou l'argentine.

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  6. Très bon post. Je vis en Argentine et je suis surpris qu'en Europe personne ne fasse le parallèle avec le défaut argentin. C'est d'autant plus étonnant quand on sait qu'on est tout proche du dixième anniversaire du "Corralito". Le scénario est pourtant identique et il existe des signes avant coureurs qui ne trompent pas, comme l'augmentation fulgurante des ouvertures de comptes faites dans les banques chypriotes par les grecs. Les argentins ont fait la même chose en 2001 avec l'Uruguay. Voir article du financial times décrivant cette similitude: http://ftalphaville.ft.com/blog/2011/06/17/598326/the-humble-greek-and-argentine-depositor/
    Le défaut grec semble inévitable, il serait á mon avis judicieux de laisser les choses suivre leur cours plutôt que de retarder l’inévitable en injectant l’argent des contribuables allemands et français.
    Quant á la possible reprise de l'économie après un défaut, il faudra pour la Grèce trouver un équivalent du soja, car c'est bien cette culture qui est á la base de la reprise en Argentine: c'est une véritable fabrique á dollar qui a beaucoup bénéficié aux autres secteurs de l'économie: banques, immobilier, industrie liée á l'agriculture (machines, industrialisation de la production agricole etc.). L’Etat argentin s’en est mis plein les poches: il retient 33% sur toutes les exportations de l’oléagineuse. Sincèrement je ne vois pas d’équivalent pour la Grèce

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  7. @ Jean-Marie,

    Si vous regardez le papier de Yann, vous verrez que la relance de l'Argentine s'est autant faite par l'industrie que l'agriculture.

    En outre, il ne faut pas oublier que la Grèce a le tourisme et qu'une baisse drastique de la drachme relancerait une activité qui pèse lourd dans le PIB.

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