jeudi 17 novembre 2011

Il faut sauver l’industrie automobile française


Hier, PSA a annoncé la suppression de 6800 postes dans le monde, dont près de 5000 en France. Lentement, mais sûrement, l’industrie automobile française s’affaiblit, dans l’indifférence générale des grands partis politiques qui laissent faire.

La grande chute de notre industrie

Rien ne semble arrêter la chute de l’industrie automobile française. Dans la première moitié des années 2000, nos constructeurs produisaient entre 3 et 3,5 millions de véhicules par an. Mais depuis, les chiffres se sont effondrés puisqu’ils ne sont plus compris qu’entre 1,6 et 2 millions depuis 2009, soit une baisse d’environ 40%. Alors que nous étions largement excédentaire (en exportant 20% que nous importions), notre balance commerciale est désormais déficitaire.

Paradoxalement, malgré la présence de l’Etat à son capital, Renault a été plus prompt à délocaliser sa production (entre temps, la production globale de nos deux groupes est restée relativement stable) en n’en conservant que 25% dans l’hexagone, contre 41% pour PSA. Résultat, aujourd’hui, malgré de bons résultats commerciaux sur ses deux marques, PSA décide à son tour de réduire la voilure en concentrant ses suppressions de poste dans notre pays.

Il est malheureusement difficile de critiquer les deux groupes français car leur profitabilité n’est pas extrêmement élevée et que le marché automobile est extrêmement compétitif. En outre, ils affrontent des concurrents qui ont eux aussi largement délocalisé leur production dans les produits à bas coûts et qui ne sont pas pénalisés par une monnaie chère. Pire, nos constructeurs hexagonaux affrontent des concurrents japonais et coréens dont le marché intérieur est protégé.

Que peut-on faire ?

Malgré quelques coups de menton destinés à donner le change, la majorité de la classe politique laisse faire la lente disparition de notre industrie automobile. Car c’est bien ce qui risque d’arriver à terme. Les constructeurs chinois sont sur le point de faire leur entrée en Europe (malgré des barrières douanières colossales pour les productions européennes en Chine, qui ont imposé à nos constructeurs d’installer leurs usines dans l’Empire du milieu).

En effet, il est bien évident que nos constructeurs ne pourront pas affronter la compétition internationale avec le niveau des salaires français. Pire, la production de pièces détachées a été touchée encore plus durement par le phénomène de délocalisation. Il n’y a pas 36 solutions pour mettre fin à cette saignée de notre fleuron industriel : le protectionnisme, que ce soit par des taxes ou des quotas. En outre, les Français soutiennent déjà de telles mesures.

Pour le coup, l’effet serait immédiat sur l’emploi puisque beaucoup d’usines de PSA et Renault tournent au ralentit. En instaurant des taxes ou des quotas, comme vient de le faire récemment le Brésil (30% de droits de douane sur les véhicules importés hors Mercosur, parce que leur part de marché était passée de 16 à 23%...), nous pourrions relancer l’industrie automobile en France et l’emploi. N’oublions pas non plus que la Chine, le Japon et la Corée protègent fortement leur industrie.

Il est proprement incroyable que nos politiques restent les bras ballants devant la disparition programmée de notre industrie automobile alors que les pays asiatiques ou le Brésil la défendent mordicus. Pire, de plus en plus d’économistes, y compris libéraux (Jean-Luc Gréau), soutiennent de telles solutions.

13 commentaires:

  1. Les élites françaises ne sont pas réputées pour leur lucidité. Ce qui m'étonne davantage est leur indifférence aux résultats électoraux.

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  2. Laurent,

    Pour compléter ton analyse, un papier de natixis intéressant, du 15/11, rappelant que la profitabilité des entreprises françaises s'est dégradée, que la capacité d'autofiancement de nos entreprises est faible et que les marges bénéficiaires de l'industrie ont baissé :

    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=60928


    Dans ce contexte, ne pas se protéger est criminel.

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  3. Les 'délocalisations' des constructeurs auto ne sont elles pas principalement dans d'autres pays Européens?
    Cella reviendrait à mettre en place un protectionnisme a l’intérieur même de l'union.

    Quoi qu'il en soit, ce que je reproche le plus aux constructeurs Français, c'est leur mauvais choix technologique et donc stratégique.
    => PSA et son obsession du mazout...
    => Renault et son orientation sur l’électrique bien trop tôt en zappant l'hybride. et qui au passage n'est pas capable malgré les soit disant investissement fait (on parle de 4Mds€) d'assumer ses choix (voir l'histoire de l'usine de batterie finalement confiée a Nissan qui est un pur scandale : Renault se contente de louer le 'hangar', 2 fois moins d'emplois que prévu, production ridicule)

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  4. Papier très intéressant, Philippe, merci !
    En tout cas, la protection et une politique industrielle intelligente deviennent de plus en plus une nécessité, en effet.

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  5. Le plus gros problème de l'industrie automobile en Europe, c'est que le marché stagne ou baisse. Il est tout à fait logique d'investir et donc de créer des emplois là où les ventes augmentent ; que ce soit en production ou en recherche & développement car les brésiliens sont les mieux placés pour savoir ce qui plaît aux brésiliens.

    Au niveau européen, il existe une sorte de protectionnisme normatif qui me semble suffisant. Il faut répondre à des normes de sécurité et de pollution très stricte. Récemment un constructeur chinois (je crois que c'est Great Wall) n'a pas pu entrer sur le marché européen car il ne respectait pas ces critères.
    Quant à un protectionnisme au niveau national, on ne va pas interdire les voitures fabriquées en Allemagne, Espagne ou Italie. Reste les pays d'Europe de l'est. Ajouter au bonus-malus écologique une composante sociale me semblerait nécessaire (et peut-être même suffisant).

    « il est bien évident que nos constructeurs ne pourront pas affronter la compétition internationale avec le niveau des salaires français. » Comme je l'ai dit précédemment, et qui est défendu sur ce blog, il faut relocaliser la production, donc vendre européen en Europe et asiatique en Asie. Vouloir produire des voitures en France pour les vendre en Chine ne me semble pas avoir beaucoup de sens (à moins de trouver la réciproque normal et sans problèmes).

    « la production globale de nos deux groupes est restée relativement stable ». Globale = mondiale ? Au niveau mondiale, la production des groupes français a quand même augmenté. Mais beaucoup moins néanmoins que celle des allemands qui répondent plus aux attentes des pays émergents, c'est-à-dire des voitures tri-corps, essence, boîte automatique et surtout qui montrent bien son statut social. Les constructeurs français, moins haut de gamme, ont plus de mal à répondre à cette demande de véhicules statutaires. Et le protectionnisme n'y pourra rien.

    Comme dit dans l'article, il faut s'intéresser aussi (surtout?) aux équipementiers qui sont de plus en plus présents dans les composants des véhicules.

    Pour finir, la 107 et la C1 sont fabriquées par Toyota qui n'a pas de raison historique pour vouloir assembler en France.

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  6. @ Alain34

    Les choix des constructeurs français ne semblent pas si mauvais. PSA est un des leaders mondiaux du diesel. Leurs nouvelles gammes se vendent bien. Renault s'est fourvoyé dans le design de ses voitures (et cela va changer) mais a réussi le pari de Dacia. Le pari de l'électrique est intéressant : ils prennent le pari d'être à l'électrique ce que Toyota a été pour l'hybride. C'est un gros pari, qui n'est pas sans limite, mais qui repose sur un vrai rationnel.

    En effet, il y a beaucoup de délocalisations dans les pays d'Europe de l'Est.

    @ FL

    Ce n'est pas que le marché, puisque nous exportions des voitures et que maintenant nous en importons plus que nous en exportons... Le problème est que l'Asie même du barbelé à ses frontières et que nous laissons les voitures entrer. Certes, nous n'avons pas encore accepté les voitures chinoises, mais c'est vraiment parce qu'elles ne passaient pas le minimum du minimum. Attendons de voir dans 2 ou 3 ans.

    D'accord pour produire en Europe et vendre en Europe, et idem pour l'Asie.

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  7. En même temps, il faudra se poser la question du rôle de la voiture dans nos sociétés et surtout dans les villes. Vouloir développer une industrie qui va souffrir dans les années à venir de l'augmentation inéluctable du prix du pétrole est un peu illusoire.

    Il aussi faire preuve d'un peu de cohérence. Si nous sortons de l'euro, il est évident que le prix du pétrole (exprimer en dollar) va augmenter encore plus vite avec un nouveau franc qui va se déprécier nécessairement par rapport au dollar (courbes en ciseaux). L'Euro fort n'a que cette vertu : permettre à la société d'acheter sa came pétrolière relativement bon marché.

    Avoir une politique industrielle et de relocalisation pour la France, je suis pour, mais pas n'importe laquelle et surtout pas celle de grand-papa...

    Le souverainisme automobilo-pétrolier est une fable pour vieux gaulliste mais une farce énergétique et donc économique. Seul un souverainisme le plus vert possible a des chances de fonctionner à long terme. La voiture appartient au passé.

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  8. Vous ne parlez pas d'un point qui commence à compter : les gens ont moins d'argent pour acheter des voitures ; et pourtant je connais beaucoup de gens pour qui leur voiture est plus précieuse que leur épouse ou leurs propres enfants ! Je n'en veux pour seule preuve qu'ils la lavent beaucoup plus souvent et eux-mêmes :-)

    Comme je l'écrivais dans un "pré-blog" il y a trente ans : "Si personne ne peut acheter, ce n'est pas la peine de fabriquer".

    Sancelrien

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  9. je crois qu'effectivement l'automobile appartient au passé les chinois les indiens n'auront jamais leur petite voiture perso ; nous devons inventer notre futur qui si nous voulons que l'homme existe encore longtemps doit être local ; nous n'avons qu'une terre et nous vivons déjà comme si nous en avions plusieurs et je suis loin d’être un vert de gris

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  10. @ Ovide

    Pas d'accord. L'automobile s'adapte. Des gammes de véhicules 100% électrique sont commercialisées aujourd'hui. Bien sûr, leurs ventes sont très faibles mais ce n'est que le début. Dans 10 ans, si le prix du pétrole augmente, alors, cela poussera la vente de ses véhicules et les industriels de l'automobile trouveront d'autres moyens pour propulser leurs voitures.

    Paradoxalement, la sortie de l'euro pourrait accélérer ce mouvement de conversion énergétique en renchérissant le pétrole.

    @ Sancelrien

    C'est juste. Mais on est dans la situation où les délocalisations envoient les citoyens au chômage, qui n'ont alors plus de pouvoir d'achat et donc se tournent vers les produits les moins chers, souvent importés, augmentant encore le mouvement de délocalisations. C'est un cercle vicieux.

    C'est parce que nous produirons que nous pourrons acheter les productions locales. Souvenons de Ford qui souhaitait que ses employés puissent acheter ses voitures.

    @ Patrice Lamy

    Je crois que l'on peut concevoir rapidement des automobiles respectueuses de l'environnement.

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  11. Je pense que cette affirmation ou ce souhait mériterait d’être plus réfléchi..
    Certes le chômage est un drame, pour autant, la solution qui tient à empêcher toute fermeture s'usine au non de la sauvegarde de l'emploi n'est pas poser de problèmes.
    L'essentiel des progrès sociaux que nous avons connu est associé d'une part aux améliorations de productivité dans tous les secteurs ( avec des réductions d'emplois donc) et la réorientation du temps de travail vers de nouveaux métiers ( ou la réduction du temps de travail)...
    Vous voulez le plein emploi : interdisez la mécanisation agricole....
    Il me semble que vous soulevez une vrai question cependant...si nous sommes censés " participer au libre échange, il serait bon que nos concurrents se plient aux m^mes règles que nous...
    LA question n'est pas que l'emploi dans le secteur automobile disparaît, sinon on peut le déplorer pour des tas d'autres secteurs ( mines de charbons , ordinateurs, etc etc), mais nous n'innovons plus, nous stagnons..
    Il eut été une époque où la situation se serait réglée d'elle m^me via la monaie, mais l'europe et la dimension de l'economie chinoise changent la donne...

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  12. @ Jacques

    Ici, je ne parle que d'automobile, mais je suis partisan d'un protectionnisme global. Pas d'autarcie. Nous pouvons commercer librement avec les pays comparables au nôtre, mais nous devons instaurer des écluses pour éviter que tout le tissus productif parte dans des pays où le coût de la main d'oeuvre est beaucoup moins élevé.

    Bien sûr, les gains de productivité sont positifs, mais ils ne sont qu'un moyen au service du bien-être des hommes. La seule querelle qui vaille, c'est l'homme et il est inadmissible de laisser un tel chômage de masse depuis 30 ans. Il est bien évident que nous n'en sortirons pas sans protectionnisme pour s'assurer que nos échanges commerciaux sont équilibrés.

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  13. la voiture électrique est clairement un déplacement du problème énergétique de fait ces automobiles polluent autant a moins que l’électricité se produise par parthénogenèse ou multiplication des pains je suis d'accord avec Jacques Lemiere en soutenant que l'ouvrier chinois est déjà trop cher par rapport a un robot et qu'il est grand temps de réfléchir a notre futur du travail il y en aura de moins en moins c'est le sens de l'histoire depuis le début de l'humanité

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