dimanche 1 janvier 2012

L’UEM est-elle possible sans gouvernement européen ? (archive)




Après un premier texte sur la nationalisation de la banque de France, puis un autre sur les erreurs de politiques monétaires, voici un texte publié dans Agora en janvier 1997, en plein débat sur le pacte de stabilité. Un de mes vieux textes dont je suis le plus fier, tant il annonçait les débats que nous vivons aujourd’hui, mais aussi la politique suivie par l’Allemagne pour s’adapter à l’euro.

Au moment de la ratification, on nous assurait que oui car dans le cas contraire, le traité ne serait pas passé. Aujourd’hui, la réponse semble se rapprocher de l’opinion des opposants à l’UEM.

En effet, la position des partis de gauche à l’échelle européenne est sur ce sujet très instructive. Le parti socialiste français, comme le SPD allemand, pose comme condition à la réalisation de l’UEM l’instauration d’un véritable gouvernement économique européen. Ainsi, ils rejoignent les opposants au traité de Maastricht qui affirmaient en 1992 que l’UEM n’était qu’une étape, un moyen d’imposer un transfert de pouvoir plus important vers les instances européennes, au mépris du souhait des citoyens.

Remarque, on pouvait être averti. En 1992, le monde, grand défenseur du politically correct européen, avait clairement avancé que la monnaie unique était le moyen choisi par les fédéralistes pour contraindre les européens à aller dans leur direction.

Il est clairement inimaginable que les politiques gouvernementales nationales ne soient pas unifiées après l’instauration de la monnaie unique. En fait, la concurrence des politiques budgétaires pourrait entrainer des politiques déflationnistes ayant pour but d’avoir une moindre inflation. Car dans un système où il n’y a pas d’ajustement monétaire, tout point d’inflation en moins permet de gagner en compétitivité ad vitam aeternam. Les risques de politiques récessives et déflationnistes s’en trouveraient augmentés.

La solution à toutes ces divergences économiques est simple : la mise sous tutelle européenne également de la politique budgétaire. Mais cela n’est pas prévu dans le traité et il n’y a pas de véritables instances pour gérer un vaste budget de l’Union. En outre, on change complètement la nature du débat européen car il s’agit de choisir clairement entre une voie fédéraliste et l’Europe des Nations, comme pour la CED. Espérons que ce débat aura lieu avant l’éventuelle mise en place de l’euro.

3 commentaires:

  1. Dimanche 1er janvier 2012 :

    Tout ça ne pourra pas durer éternellement. D'abord parce que la construction européenne s'apprête à s'effondrer sous le poids de ses propres malfaçons et que l'on s'approche chaque jour davantage du point critique où la panique financière, en avance même sur les défauts souverains, mettra de nouveau à bas le système bancaire entier, ne laissant plus que les banques centrales comme uniques institutions capables, avec le risque que le refus de la BCE conduise au réarmement forcé des banques centrales nationales, donc à l'éclatement de l'euro.

    Mais ça ne pourra pas durer non plus parce qu'on ne dépouille pas impunément les corps sociaux de leurs prérogatives souveraines, en tout cas sans s'exposer au risque que vienne un jour où ceux-ci décident de la récupérer violemment - et, un peu à la manière de ce qu'avait montré Karl Polanyi à propos des années 30, la chose peut ne pas être belle à voir...

    La laideur cependant n'est pas non plus une fatalité, car c'est aussi une opportunité historique de renverser l'ordre néolibéral qui est en train de se former dans ce bouillonnement de contradictions. Et de se débarrasser par la même occasion de tous ses desservants, ceux-là mêmes qui ont des décennies durant expliqué au bas peuple que l'ordre du monde est idéal, qu'il avait de toute façon la force d'une donnée de nature et que l'on ne saurait se rebeller contre la loi de la gravitation, qu'au demeurant la construction européenne telle qu'elle est (était...), elle aussi intouchable dans sa perfection même, était là pour notre supplément de bonheur, qu'il fallait être au choix archaïque, frileux ou xénophobe pour trouver à y redire.

    Tous ces gens, hommes politiques de gauche, de droite, experts dévoués, chroniqueurs multicartes, éditorialistes suffisants et insuffisants comme disait non sans cruauté Bourdieu, tous ces répétiteurs, voués à la pédagogie du peuple obtus, se sont trompés sur tout, et les voilà qui contemplent sidérés l'écroulement du monde dont ils ont été si longtemps les oblats. Et l'on se prend à rêver de les voir eux aussi partir par la bonde à l'occasion de la grande lessive.

    Frédéric Lordon.

    http://www.lesinrocks.com/actualite/actu-article/t/74705/date/2012-01-01/article/2011-vu-par-frederic-lordon-les-ingredients-du-desastre/

    RépondreSupprimer
  2. C'était bien vu en effet.

    RépondreSupprimer