vendredi 30 mars 2012

L’Espagne, victime de l’euro austérité


Hier, Mariano Rajoy affrontait sa première grève générale, comme le rapporte le Figaro. La crise économique qu’affronte le pays est violente. Les conservateurs, récemment élus, ont décidé de mettre en place un plan sévère d’économie et une libéralisation du marche du travail.

Madrid, victime de l’euro

Avant de revenir sur la situation actuelle, il faut revenir aux racines de la crise espagnole. Le pays a connu une énorme bulle immobilière, qui lui a permis de croître au rythme de 3 à 4% par an. Au point le plus haut, l’Espagne construisait plus de logements que la France et l’Allemagne réunis, qui comptent plus de trois fois plus d’habitants à elles deux. Mais les arbres ne montent pas jusqu’au ciel et la bulle a explosé. Aujourd’hui, un million de logements sont inoccupés.

On pourrait croire qu’il s’agit simplement d’une mauvaise gestion du pays. Mais les banques avaient des normes contra-cycliques (elles devaient mettre plus de réserves de côté, du fait de la croissance) et le budget du pays était en excédent de 2005 à 2007, faisant de l’Espagne le pays le moins endetté de la zone euro (moins de 40% du PIB). La raison de cette bulle est assez simple : une politique monétaire inadaptée et inadaptable aux caractéristiques du pays.

En effet, avec la monnaie unique, l’Espagne s’est vue imposée un taux d’intérêt beaucoup trop faible pendant les années 2000. Les taux de la BCE, à 4%, rendaient l’argent bien trop bon marché pour le pays. La faible croissance dans le reste de la zone euro ne permettait pas des taux plus élevés alors que l’Espagne en avait absolument besoin pour stopper cette bulle. Avec la peseta, l’Espagne aurait pu monter ses taux et éviter la bulle… et une telle crise.

Gueule de bois ibérique

L’effondrement de la bulle immobilière a eu des conséquences très négatives pour le pays puisque le chômage est passé de 8% en 2007 à plus de 20% aujourd’hui. Et près d’un jeune sur deux est sans emploi. Le PIB devrait être plus bas de 5% fin 2012 par rapport à 2008. La dette s’est envolée, passant de 36% en 2007 à 74% à la fin de l’année, comme le rapporte le Figaro. Et le déficit budgétaire devrait dépasser 8% du PIB cette année, bien plus que prévu.

L’ajustement est donc sévère pour un pays où près d’un quart de la population devrait être au chômage d’ici la fin de l’année. Les coupes budgétaires sont sévères et pour relancer la croissance, Madrid se soumet à un régime néolibéral inspiré par Bruxelles, à base de dérèglementation du marché du travail. Alors que le salaire minimum est de seulement 640 euros par mois, l’Espagne envisage d’importer les « mini jobs » allemands à temps partiel à 400 euros

Le problème est que ces emplois existent déjà puisqu’un jeune sur six est déjà à temps partiel. Bref, l’Espagne semble prendre la même voie que la Grèce, certes, de manière un peu moins violente. Mais en tout cas, la question qui se pose est de savoir comment l’Espagne va bien pouvoir croître. Car les coupes dans les budgets et les salaires auront un impact négatif, y compris sur les recettes fiscales. Madrid est en train de s’enferrer dans la même impasse qu’Athènes.

Les syndicats européens ont raison de souligner que la remise en cause du modèle social européen remettra en cause l’idée d’Europe même. Mais ils oublient de souligner que la mondialisation ne peut être domestiquée que par les Etats nations. L’Europe n’a jamais fait que lui faciliter le travail.

9 commentaires:

  1. Vous ne croyez pas qu’il y a d’autres moyens que des taux d’intérêts élevés pour éviter les bulles et réguler l’économie ?
    Comment pouvez-vous demander que la banque centrale prête à taux zéro et dans le même temps dire que les taux étaient trop bas en Espagne ?

    Albert

    RépondreSupprimer
  2. Cela dit, si l'Espagne a construit tant de logements, c'est aussi en partie parce que, encore aujourd'hui, une grande partie de l'Europe (notamment les Allemands, Britanniques, Suédois mais aussi les Français) viennent tout simplement vivre sur place, pour leurs vieux jours ou avant (on estime que 45% des étrangers résidant en Espagne sont des Européens de l'Ouest). Après, l'ajustement est plus que violent mais il y a de grosses différences avec la Grèce (dette publique qui reste l'une des plus faibles parmi les grands pays européens, augmentation des exportations...).

    RépondreSupprimer
  3. http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=4811

    RépondreSupprimer
  4. Pendant ce temps-là, NDA est à 1%. Il a doublé ses intentions de vote en 10 jours. A ce rythme, il fera 90% des voix au premier tour. La victoire est en lui !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. et si c’était vrai !
      j'ai remarqué que quand NDA a la possibilité de faire connaitre son programme il y a une très forte adhésion pas que pour des raisons objectives d'ailleurs c'est quelqu'un qui a une présentation agréable pas le gargouillesque a la sarkozy ou l'aspect mollasson de hollande

      Supprimer
    2. @Patrice : malheureusement avec nos médias pour lesquels seuls comptent les deux zouaves et leurs 3 faire valoir, les autres sont cuits.

      J'ai l'impression que la campagne c'est arrêté... avant l'égalité de temps de parole, il y avait des émissions politiques plusieurs fois par semaine en prime time sur les grandes chaines où les 'gros' ont pu faire leur bourrage de crane et sont passé pour incontournables.
      Depuis, c'est fini, a croire qu'ils ne veulent pas laisser parler les autres... Par contre aux infos, on entend beaucoup parler des gros, mais sans les montrer ou les entendre directement... et les 'petits' continuent a être raillés.

      C'est un véritable scandale !

      Enfin, il reste encore un peu de temps, et la crise que le Sarko n'a cessé de nous déclarée terminée et vaincu revient en force... sans parler des casseroles. Mais tout cela sera t-il suffisant ?

      Supprimer
  5. @ Albert,

    Il n'y a pas que les taux d'intérêt, mais c'est un outil très puissant pour contenir les bulles. Si les promoteurs avaient emprunté à 6 ou 7% au lieu de 4, nul doute que beaucoup moins de logements auraient été construits. Mais on peut également jouer sur d'autres paramètres, comme le fait notamment la Chine, en imposant une part de paiement cash plus importante, des réserves plus fortes pour les banques....

    @ Anonyme

    Le problème de l'Espagne, c'est que l'argent n'était pas assez cher par rapport à la croissance du pays (3/4% par an avec autant d'inflation). Donc n'importe quel placement semblait devoir être rentable avec des taux longs qui étaient les mêmes qu'en France ou en Allemagne... La situation est différente de la Grèce bien sûr.

    RépondreSupprimer
  6. Il est clair que les faibles taux étaient l'un des facteurs qui ont aggravé la bulle, mais de nombreuses choses pourrait avoir été mises en oeuvre pour la limiter. En ce sens, il y a une énorme responsabilité politique et c'est bien le résultat d'une mauvaise gestion.

    Les motifs de la bulle immobilière:
    - le facteur culturel: pour un espagnol, louer est "tirer l'argent par les fenêtres", il faut acheter son logement.
    - la déduction fiscale pour achat de résidence principale: il est possible de déduire le prêt immobilier (principal + intérêt) jusqu'à 3.000€ par an en impôts sur le revenu. Cette possibilité, totalmente antiéconomique avait été supprimée en 2010 par Zapatero et a été réactivée avec effet retroactif par Rajoy.
    - les transactions immobilières se font en partie au black, avec l'accord tacite des notaires et des banques, et il n'y a jamais eu de volonté politique de résoudre un problème a priori facile de contrôler
    - la banque centrale a laissé les banques accorder des prêts immobiliers pour plus de 100% de la valeur de transaction et nettement plus que 30% des revenus mensuels, sur des durées de 40 à 50 ans. Les prêts sont d'ailleurs calculé sur la base de la valorisation d'un expert (dépendant des banques), et non sur le prix de vente réel, ce qui facilite à la fois les transactions au black et le surendettement.
    - les taux faibles (mais variables) ont également permis de s'endetter pour de plus gros montants

    Même avec l'Euro, la bulle aurait pu complètement être maîtrisée en encadrant les banques et les notaires et en supprimant la déduction fiscale. Mais les politiques espagnols sont obsédés par le secteur construction et ne savent pas imaginer un autre modèle économique.

    Antoine

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Mais les politiques espagnols sont obsédés par le secteur construction et ne savent pas imaginer un autre modèle économique." : dans les faits, l'autre modèle économique existe déjà depuis longtemps de façon latente et aujourd'hui, c'est l'un des gros chantiers de Rajoy. Il faut quand même suivre les décisions du conseil des ministres espagnols d'un peu plus près et voir d'autres indicateurs économiques (notamment les exportations) avant de dire ce genre de chose...

      Supprimer