samedi 5 mai 2012

Plaidoyer pour la Cinquième République (1/2)


Lundi 23 avril, un commentateur du blog, RomainC, a laissé de nombreux commentaires concernant notre organisation institutionnelle. La complexité du sujet et l’impossibilité de commenter la présidentielle m’amène donc à y consacrer deux papiers complets aujourd’hui et demain.

Un constat intéressant et assez partagé

Au global, je partage une grande partie du constat (même si je n’en tire pas la même conclusion). Le système institutionnel actuel concentre bien beaucoup de pouvoirs dans les mains d’une seule personne, le président de la République, figure quasiment monarchique. Le Parlement est davantage la courroie de transmission du gouvernement nommé par le président et il est assez peu représentatif de la vie politique française, que ce soit l’Assemblée Nationale ou le Sénat.

RomainC pose également la question de la moralisation de notre vie publique, du problème du cumul des mandats, du manque de débat qui existe dans notre vie publique. Dans le domaine économique ou européen, j’ai souvent dénoncé le manque de débat qui règne et qui est fondamentalement choquant. Je suis un peu moins d’accord en revanche sur la question du tabou de la Cinquième République, que la gauche chahute souvent (de Montebourg à Mélenchon).

Globalement, on sent une critique vis-à-vis de la centralisation du pouvoir d’autant plus forte que notre pays est enfermé dans une alternance stérile entre PS et UMP depuis plus de 30 ans, incapable de remettre en cause quelques choix fondamentaux (Europe supranationale, mondialisation débridée). Il est donc bien logique de se poser la question de l’organisation institutionnelle de notre pays et de se demander si elle est responsable du blocage actuel et s’il faudrait donc en changer.

L’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs

Bien sûr, la force de l’exécutif en France trouve assez peu d’équivalents dans les autres pays vraiment démocratiques, à l’exception sans doute de la Grande-Bretagne, qui partage finalement un certain nombre de traits avec notre organisation institutionnelle, entre un mode de scrutin qui favorise également la polarisation d’une vie publique dominée depuis un siècle par les mêmes partis (les libéraux démocrates étant issus d’une fusion de deux partis).

Si l’on excepte la personnalisation très particulière de notre régime, du fait de l’élection d’un président tout puissant au suffrage universel, la rigidité de notre vie publique n’est malheureusement pas une spécificité française. C’est une caractéristique que l’on retrouve en Allemagne, en Espagne ou aux Etats-Unis où de grands partis dominent la vie publique de manière un peu asphyxiante, malgré des organisations institutionnelles où la balance des pouvoirs est plus équilibrée.

Il est vrai en revanche que dans les régimes parlementaires qui ont adopté une représentation en partie proportionnelle, la vie politique est plus souple et voit émerger de nouveaux mouvements. En Allemagne, après les Verts et die Linke, c’est au tour du parti pirate de se faire une place. Dans des pays comme l’Autriche, les Pays-Bas ou les pays nordiques, de nouveaux partis peuvent devancer les anciens partis, comme sous la Quatrième République en France.

Néanmoins, la Quatrième République, qui semble ressembler au modèle décrit par RomainC, n’a pas été sans poser d’immenses problèmes, en raison de son instabilité chronique, conséquence du manque d’une majorité stable. Cette organisation institutionnelle a consacré le règne des partis et ne s’est pas montré assez solide et efficace pour régler les graves crises que traversait la France à cette époque, selon une lecture toute gaulliste de notre histoire institutionnelle.

Malgré tout, les constats faits par RomainC sont intéressants. J’étudierai donc demain à la fois en quoi ils rendent, à mon sens, la Cinquième République particulièrement démocratique, mais aussi les pistes de réforme qui pourraient être envisagées pour l’avenir.

20 commentaires:

  1. J'admire le général de Gaulle mais il faut bien reconnaître qu'à part son mandat la cinquième république est une catastrophe, nous avons été trahis dans tous les domaines par tous les présidents depuis Pompidou ( loi de 1973, sauvetage des banques en 2008, référendum de 2005 et le TCE, libre échange et immigration massive imposés, guerres néo coloniales sans demander l'avis du peuple) et nous ne pouvons RIEN faire ( même pas de référendum d'initiative populaire ). Un personnage tout puissant peut trahir le peuple à loisir sans être inquiété.

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    1. Je suis loin d'être familier avec les l'organisation et les institutions politiques, donc ma remarque est plutot d'ordre intuitive :

      ce qu'il semble ressortir de ce texte et de votre commentaire, est que finalement plus que la polarisation, l'alternance est consubstantielle a la 5eme république non ... ? De Gaulle aurait il été autant "de droite" que "de gauche", et serait-ce la raison du succès de son mandat ?

      Si oui, alors la remarque (ci dessous) de @A-J Holbecq semblerait aller dans le sens qu'il faudrait pratiquement tailler une république sur mesure pour chaque nouveau président ?

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    2. "Je suis loin d'être familier avec les l'organisation et les institutions politiques"

      Moi aussi je n'y connais pas grand chose, mais je constate à quel point la classe politique se fiche du peuple et de la France.

      "ce qu'il semble ressortir de ce texte et de votre commentaire, est que finalement plus que la polarisation, l'alternance est consubstantielle a la 5eme république non ... ? De Gaulle aurait il été autant "de droite" que "de gauche", et serait-ce la raison du succès de son mandat ? "

      Je n'ai pas bien compris cette partie de votre commentaire, vous voulez dire que quand les gens en ont marre d'un président d'un bord ils votent pour l'autre bord? Pour moi le bord politique n'a pas vraiment d'importance, il faut d'abord que le président soit une personne honnête, intègre, altruiste et patriote; ce que De Gaulle était, c'est pour ça que ce fut un bon président, les autres n'étaient que des carriéristes d'où leur mauvais mandat. Ce que je dit c'est que la cinquième république donne tout les pouvoirs à de mauvaises personnes.

      " Si oui, alors la remarque (ci dessous) de @A-J Holbecq semblerait aller dans le sens qu'il faudrait pratiquement tailler une république sur mesure pour chaque nouveau président ?"

      Je n'ai pas bien compris là aussi; je dirais juste que c'est au peuple de se prendre en main et aux élites de s'adapter au peuple pas l'inverse; on ne fait pas un système sur mesure pour un président mais pour le peuple.

      Cordialement.

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  2. Comme le propose Étienne Chouard mettons des français tirés au sort dans un amphi pour nous concocter un ou des projets de constitution de VI ième République qui seraient ensuite soumis au choix des français... quel homme politique osera t-il proposer cela comme l'ont fait les islandais (presque: ils ont élu les citoyens formant la constituante au lieu de les tirer au sort)

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  3. Je crois que ce que propose RomainC c'est un système qui ressemble à celui de l'Allemagne et de l'Italie avec quelques améliorations ( enfin je ne sais pas vraiment à quoi il pensait). C'est mieux que la cinquième république mais c'est totalement insuffisant. La preuve est que ces pays souffrent grosso modo des mêmes problèmes que nous ( pouvoir démesuré des puissances d'argent; collusion entre les pouvoirs économiques, médiatiques et politique; dette étatique massive et illégitime; institutions supranationales contre les peuples)
    parce que leurs élites corrompues ont tout le pouvoir et le modifient à leur guise ( exemple : Mario Monti technocrate de Goldman Sachs parachuté à la tête de l'état)

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  4. Ce qu'il faut c'est un système qui donne le maximum de pouvoir au peuple pour qu'il puisse se protéger des élites. C'est le système le plus éthique et aussi le plus efficace : la Suisse qui est le pays le plus démocratique d'Europe se porte très bien, elle n'est pas dans l'UE et sa population garde plus ou moins le contrôle du pays qui est aussi très bien géré. C'est pour ça (et comme le dit A-J Holbecq ) que je pense que l'on devrait s'inspirer du système athénien avec contrôles et punitions sévères des responsables et tirage au sort de ces mêmes responsables ( au moins en partie).

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  5. Je vous conseille vivement cet argumentaire d'Etienne Chouard sur la démocratie athénienne et le tirage au sort:

    http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/04/27/123-centralite-du-tirage-au-sort-en-democratie

    ou encore :

    http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/05/30/127-le-tirage-au-sort-comme-bombe-politiquement-durable-contre-l-oligarchie-la-video

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  6. Je me demande si on peut encore appeler notre constitution de "constitution de la V ième république" tant les changements constitutionnels ont été importants depuis 1958
    ( http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9visions_constitutionnelles_sous_la_Cinqui%C3%A8me_R%C3%A9publique )

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  7. Bonjour,

    D'abord merci pour cet article monsieur Pinsolle.

    Le système que je décris n'est pas une 4e République même si il est plutôt parlementaire.
    A vrai dire je ne prétends pas connaitre LA solution, le problème est extrêmement compliqué (on se débat avec depuis 1789 après tout...).

    Je suis d'accord sur le fait que le système hellénique offre des pistes intéressantes. Mais attention, il connait également ses dérives et des problèmes de corruption.
    De plus c'est un système qui ressemble beaucoup à ce que nous appelons un "régime d'assemblée", qui ce bloque et fonctionne encore moins bien qu'un régime parlementaire type 3e/4e Républiques.
    En Suisse cela fonctionne notamment parce que c'est une fédération où les cantons ont énormément de pouvoirs et que les suisses ont une véritable culture du consensus en politique (beaucoup plus que nul part ailleurs en tout cas).

    Encore une fois, je suis tout a fait d'accord avec A-J Holbecq:
    - concernant les idées de tirage au sort et de mécanismes "athéniens" de Étienne Chouard.
    - concernant la constitution qui a été si souvent révisée depuis 1958 qu'on peut se demander si notre République doit toujours s’appeler la 5e.

    Les système allemand et italiens sont tous de même très distincts... La République italienne se rapproche beaucoup de nos 3e/4e Républiques. Elle connais tous nos problèmes.
    Sans être la panacée la République fédérale allemande propose tout de même quelque pistes intéressantes concernant la rationalisation parlementaire. Pour le reste elle connait également nos problèmes dont celui du poids trop importants des partis.

    Car enfin, si nos anciennes Républiques étaient des régimes de partis... c'est toujours le cas aujourd'hui ! La 5e République ne me semble pas avoir beaucoup changé à ce sujet.

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  8. @ Raiden

    Catastrophe : le terme est peut-être un peu fort tout de même. Si cela faisait 43 ans que les politiques menées étaient totalement catastrophiques, notre pays irait plus mal. Le problème d’alternance n’est pas typique à notre pays. On peut noter qu’aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, le système n’est pas moins verrouillé…

    Un président peut tout autant trahir qu’une Assemblée. Il suffit de voir ce qui se passe au Parlement européen…

    Je ne suis pas du tout persuadé qu’un système à la croisée de l’Allemagne et de l’Italie serait mieux. Comme vous le dites, ces pays ne vont pas mieux que nous…

    L’exemple suisse est à prendre avec des pincettes car la richesse du pays vient aussi de son statut de paradis fiscal. Il faut sans doute faciliter l’usage du référendum, mais cela est totalement cohérent avec nos institutions.

    @ A-J Holbecq et Raiden

    Je vais en parler plus longuement demain, mais je n’aime pas du tout l’idée de tirage au sort, qui, pour moi, dénie le principe de libre-arbitre du peuple consubstantiel avec l’idée de démocratie. La démocratie, pour moi, c’est le choix clair d’une majorité. Le tirage au sort me semble beaucoup trop arbitraire.

    Et je ne suis pas persuadé de l’urgence d’une réforme institutionnelle. Mais nous pourrons reprendre le dialogue avec le papier de demain.

    Je crois que l’esprit de la Cinquième République n’a pas été totalement dénaturé, à part l’instauration d’un ordre juridique européen qui lui est supérieur. Ce point est massif, mais on peut aussi revenir dessus.

    @ RomainC

    Je suis preneur d’informations sur le fonctionnement de l’Allemagne, sur ses atouts et les idées qui nous permettraient d’améliorer nos institutions. Le système actuel me semble assez proche des institutions italiennes.

    Disons que la Cinquième République est moins un régime de partis qu’un régime présidentiel et personnalisé, ce qui me semble un atout finalement (mais je développerai demain).

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    1. @Laurent

      Je parlais bien de tirage au sort de citoyens pour l'établissement d'une nouvelle constitution et non de gouvernement. J'en ai beaucoup débattu avec Étienne, et on peut résumer cette idée ainsi "ce n'est pas aux hommes de pouvoir d'établir les règles du pouvoir"

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    2. C'est tout a fait ça, il s'agit de nommer de cette manière les constituants, pas les représentants/gouvernants.

      Cela semble une très bonne idée, j'avais déjà eu l'occasion de lire les papiers de Étienne Chouard sur les méthodes intéressantes de la démocratie athénienne. Il y a là matière à réflexion.

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    3. @Laurent Pinsolle
      "Je ne suis pas du tout persuadé qu’un système à la croisée de l’Allemagne et de l’Italie serait mieux. Comme vous le dites, ces pays ne vont pas mieux que nous…"

      C'est pour ça que je dis que passer à une république parlementaire du style de l'Allemagne, de l'Italie ou de la quatrième république serait insuffisant et ne changerait rien au fond. Pour avoir une réelle amélioration il faut une participation réelle du peuple d'où le référendum d'initiative populaire et l'idée du tirage au sort. Je ne prétend pas avoir de solutions miracles mais je pense que les exemples suisses et athéniens sont à creuser.

      "Le tirage au sort me semble beaucoup trop arbitraire."

      On pourrait faire en sorte qu'une partie au moins des assemblées soient tirées au sort ( on pourrait au moins essayer au niveau municipal).
      Pourquoi croyez vous que les sondages à la sortie des urnes soient si performants? C'est statistique. Si vous faites une assemblée de 1000 personnes tirées au sort je vous garantis que vous aurez une assemblée beaucoup plus représentative que l'assemblée actuelle (où il n'y a presque aucun ouvrier ou artisant, aucun jeune, aucun représentant du FN même si ils sont à 18 %, tous les types ont fait les mêmes écoles, etc...)

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    4. Aristote et Montesquieu pensaient que seul le tirage au sort est de la nature de la démocratie alors que l'élection est un procédé aristocratique.

      On le voit bien actuellement : les assemblées sont remplies de politiciens carriéristes achetés qui viennent tous des mêmes milieux et des mêmes écoles ( sauf des rares exceptions comme NDA que je pense honnête).

      Ces types se fichent du peuple: pourquoi ont ils bafoués le référendum de 2005 ? pourquoi ils ne serrent pas la ceinture en temps de crise ? pourquoi ne votent ils pas le référendum d'initiative populaire?

      Vous voyez bien Mr Pinsolle que ce système est vicié à la base.

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  9. J'ai lu (rapidement) la Constitution Allemande... elle me semble très intéressante .
    Il est vrai que je m'oppose (avec amitié) à Laurent concernant aussi l'élection du Président au suffrage universel qui, reconnaissons le, ne nous a donné que de mauvais Présidents (sauf peut être Chirac des premières années)depuis De Gaulle.

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  10. Samedi 5 mai 2012 :

    Le glas sonne pour l'Espagne.

    Philippe Dessertine, économiste.

    http://www.sudouest.fr/2012/05/05/le-glas-sonne-pour-l-espagne-706439-4668.php

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    1. Quand la France va sortir des élections la gueule de bois risque d’être rapide

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  11. Quelques points :
    * Si la Quatrième République était instable, ce n'est pas seulement à cause du régime politique, mais parce qu'il y avait des circonstances très difficiles : Deux grands mouvements politiques (les Gaullistes et les Communistes) qui refusaient de travailler avec lui ainsi que des guerres permanentes (Indochine, Alérie, Suez). (Il n'y a rien de plus dangeureux à un régime qu'une guerre perdue.) La Troisième République, qui avait à peu près le même système que la Quatrième, a après tout duré bien longtemps !

    * La légitimité gaullienne de la Cinquième République est pour moi salutaire. Nous Français avons connu 1000 ans de monarchie royale, ensuite pas moins de deux empires, deux royaumes, une Commune, un "État" vichyste, et cinq républiques. C'est trop. La Cinquième bénéficie d'un grand mythe fondateur, du prestige du plus illustre des Français avec la légimité acquis dans la Guerre, et déja plus de 60 ans de continuité politique. Cela renforce notre République contre la possibilité d'une chute vers un autre régime moins démocratique. Nous perdrions cela si un nain politique (en comparaison) fondait une Sixième République (comme Royal, Bayrou ou Mélenchon l'on suggéraient).

    * Je serais pour une grande réforme du Parlement au sein de la Cinquième République. Il est bien trop faible. Je déteste la domination de l'exécutif et la bipolarité anti-démocratique des systèmes français et britannique. L'Allemagne a, je crois, le régime le plus démocratique d'Europe, où des nouveaux partis peuvent émerger, et le Parlement reflète bien le pays réel. L'idéal pour mois serait un véritable régime parlementaire-présidentiel : le président élu avec cette légitimité et la gestion des affaires étrangères et la défense, un Parlement à la proportionnel, donc légiférant par coalition (avec donc un Premier ministre ne serait pas le fantoche du président). On aurait une sorte de "cohabitation douce" permanente avec et la démocratie et la stabilité politique.

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  12. Il me semble que l'Allemagne est bien mieux décentralisée avec ses Länder et ses budgets. Son système syndical me parait bien mieux organisé et plus efficace, intervenant dans la gestion des entreprises industrielles entre autres, tandis qu'en France les syndicats inaugurent les chrysanthèmes.

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  13. Je pense que la Veme Republique a été taillé sur mesure pour le Général De Gaulle au propre comme au figuré cela ne va pas faire plaisir a tous le monde mais seul Mitterand a réussi a endosser le costume .
    La grande question est de connaitre la dérive sommes nous en Démocratie en Oligarchie ou en Ploutocratie ? personnellement je met le curseur entre oligarchie et ploutocratie .

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