samedi 14 juillet 2012

Montebourg, de la démondialisation à l’effondrement productif


Arnaud Montebourg s’est démarqué lors des primaires socialistes en se faisant le défenseur de la démondialisation. Mais l’épreuve du pouvoir, avec le plan social de PSA, est un exercice cruel comme l’a montré son passage sur France 2 jeudi soir, d’où n’est pas ressorti grand chose.

Un diagnostic juste

En reprenant le terme de démondialisation, inventé par Jacques Sapir, le député de Saône et Loire avait touché le gros lot lors des primaires, terminant devant Ségolène Royal, avec 17% des suffrages, ce qui lui a valu un beau ministère. Mais il était bien évidemment illusoire d’espérer appliquer ces idées sous la présidence du jospino-deloriste qu’est François Hollande. Le nouveau président sait faire des synthèses improbables mais pas sortir du cadre européen.

Résultat, Arnaud Montebourg est dans une équipe qui ne compte pas remettre en cause la mondialisation et qui cherche seulement à s’y adapter. Et c’est dommage car toutes les analyses qu’il avait reprises à Jacques Sapir (proches des idées de Jean-Luc Gréau) étaient justes. Les ravages de l’euro cher, de l’ouverture anarchique du marché européen aux importations et des politiques d’austérité sauvages expliquent toutes trois la crise que traverse le secteur automobile.

En effet, le cas du plan social de PSA n’est pas celui d’un licenciement boursier pour augmenter les dividendes d’actionnaires cupides, mais le plan d’ajustement d’une entreprise qui a perdu tout de même 700 millions d’euros au premier semestre. Pire, PSA était resté beaucoup plus patriote que Renault en conservant 44% de sa production en France, contre 23% pour l’ancienne régie. En fait, le constructeur automobile est emporté par le marasme du marché européen.

« Un ministre, ça ferme sa g… ou ça démissionne »

Arnaud Montebourg ne pourra pas être mieux que l’infirmier de notre industrie. Jeudi soir, il a eu des mots sévères, mais la seule annonce concrète était de demander un rapport à un expert pour le 25 juillet ! Que peut-il faire dans ce cadre européen qui sanctifie le libre-échange, même avec des pays qui se protègent comme le Japon, la Corée du Sud ou la Chine ? La compétition est déloyale et seule une véritable politique protectionniste pourra changer les choses.

Que peut-il faire sans remettre en cause la liberté totale de circulation des mouvements de capitaux, qui permet aux entreprises de produire là où elles en ont le plus intérêt ? Bref, Arnaud Montebourg veut redresser notre industrie avec un pistolet à eau, pour reprendre l’image de Paul Krugman. Il n’a aucun moyen et n’en aura aucun dans une équipe gouvernementale qui n’a pas pensé un moment rompre avec les dogmes de la libéralisation et refuse toute frontière…

Arnaud Montebourg a deux possibilités. La première consiste à devenir un nouveau Chevènement en démissionant. Mais aura-t-il l’envie de sacrifier le confort des ministères pour défendre ces idées ? S’il choisit de rester dans le gouvernement, il deviendra l’homme des belles paroles, qui aura oublié la démondialisation et le protectionnisme (non évoqué hier soir) pour un plat de lentilles. Nous allons rapidement voir de quel bois est fait le ministre du redressement national.

Il était bien évident qu’un héritier de Jacques Delors et Lionel Jospin comme François Hollande n’allait pas remettre en cause le cadre actuel de cette mondialisation qui détruit nos emplois. Etant donnée sa prestation d’hier soir, il semble qu’Arnaud Montebourg préfère défendre sa place plutôt que ses idées.

11 commentaires:

  1. Je ferais un parallèle entre Montebourg et Valls. Valls est certes libéral sur le plan économique, mais c'est aussi un des rares socialistes à avoir une certaine idée de la France et qui ne fait pas preuve d'angélisme sur l'immigration et l'insécurité. Cependant depuis qu'il est arrivé place Beauvau, il est aussi contraint d'avaler des couleuvres. Lors de la campagne des primaires, Montebourg et Valls étaient les seuls candidats à présenter deux lignes idéologiques claires.
    Démissionner d'accord, mais en 30 ans le rôle des ministres s'est singulièrement réduit. Ce serait une tempête dans un verre d'eau. Montebourg et Valls n'ont aucune division derrière eux. Le gouvernement (le vrai, en incluant les conseillers élyséens) est largement dominé par Terra Nova. Peut-être estiment-ils que ce sera moins pire avec eux que sans eux...

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  2. Il me parait évident que Montebourg ne démissionnera pas parce qu'il a fait savoir qu'il compte être dans la majorité lors du prochain congrès du PS. Bref un sous Chevènement!

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    1. Oui enfin Chevènement... Il démissionne certes en 83 mais dès l'année suivante il est de retour dans le gouvernement Fabius, celui qui pose les bases du néo-libéralisme à la française. Son hémiplégie politique l'aura toujours empêché d'imaginer une autre stratégie que d'être à la remorque du Parti socialiste. Et de voir ce vénérable septuagénaire, après cinquante ans de vie politique dans les jambes, s'enthousiasmer pour Hollande comme le premier étudiant bourgeois-bohême venu, c'est quelque peu pitoyable. Et si c'est pour offrir les honneurs de la députations aux trois pelés qui lui servent de militants, c'est encore pire.

      Montebourg a encore une longue carrière devant lui, accordons lui le bénéfice du doute.

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    2. En tous les cas c'est une carrière qui commence bien mal: déjà un reniement! Il est permis de penser que sa carrière compte plus que ses idées!

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  3. Pour ma part, je crois que vous négligez les effets de seuil et l'arrivée d'un moment à partir duquel une réorientation sera non seulement nécessaire (elle l'est déjà), mais inéluctable.

    Contrairement à vous, Laurent, je ne crois pas probable ni même vraisemblable que l'UE en l'état et l'euro tiennent cinq ans.

    La stratégie de Montebourg est vraisemblablement d'être au centre du jeu à ce moment-là. Dans le même ordre d'idée, Todd n'a jamais dit que Hollande appliquerait d'emblée une politique telle qu'il serait nécessaire, mais qu'il fallait quelqu'un de normal à la tête de l'État (plutôt qu'un type cintré comme Sarkozy) quand les choses tourneraient.

    Votre posture qu'on peut qualifier de "puriste" a ses avantages et ses inconvénients. Une autre posture n'est pas pour autant dénuée de rationalité. Je suis du reste persuadé que le moment venu, il sera possible de dépasser ce qui relève de choix stratégiques (aussi légitimes l'un que l'autre, là n'est pas la question).

    Par ailleurs, je viens de voir il y a peu la vidéo d'une conférence extrêmement intéressante que je vous recommande chaleureusement si vous ne l'avez pas vue. Il s'agit du conférence-débat datant du 24 mars 2012 : "Protectionnisme, Europe, démocratie... Réflexions sur la crise dans tous ses états" organisée par Politique Autrement (http://www.politique-autrement.org/). Les intervenants étaient Franck Dedieu, Jean-Pierre Le Goff, Paul Thibaud, Marcel Gauchet. Toutes les interventions sont intéressantes à un titre ou à un autre, mais celle de Marcel Gauchet est sans aucun doute capitale. Au-delà des aberrations économiques, elle pointe les impasses d'une construction institutionnelle telle que l'UE se voulant post-politique avec une précision historique inégalée à mon sens.

    Emmanuel B

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    1. Pour moi aussi, ni l'UE ni l'Euro ne tiendront encore cinq ans. Le PS et son gouvernement seront totalement discrédités dans moins d'un an et François Hollande n'arrivera probablement pas au bout de son quinquennat. Après ? La guerre civile. Il faudra cela ( au minimum ) pour nous débarrasser de cette caste politico-médiatique qui hait la France et méprise les Français.

      Sancelrien

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    2. Je ne crois pas non plus que tous cela va encore durer 5 ans le système parait en bout de course c'est pourquoi NDA doit proposer une nouvelle constitution remettant tout a plat plutôt que des referendums c'est le moment comme en 1958 pour redémarrer d'un bon pied .

      Sur le sujet de l’état des Français un article intéressant sur Bernard Stiegler qui je pense met le doigt au bon endroit
      http://contreinfo.info/article.php3?id_article=3142

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  4. Ce qui est comique, c'est que tous ceux qui parlent d'industrie en France et dans son gouvernement n'en ont aucune expérience de terrain, énarques, avocats, économistes. Pire encore, ils n'écoutent et ne comprennent pas ceux qui ont cette expérience, un vrai dialogue de sourds. Pas besoin d'être Madame Soleil, la prévision est une dégringolade massive de l'industrie française infoutue d'innover, les premiers pans de l'iceberg sont en train de tomber, ce n'est que le début...

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  5. et si un miracle survenait:

    http://www.rue89.com/rue89-politique/2012/07/09/jacques-sapir-cet-economiste-tres-gauche-qui-planche-pour-lelysee-233721

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    1. Oui, il paraît que Jacques Sapir planche sur un rapport pour l'Élysée… J'ai été d'abord agréablement surpris lorsque j'ai lu cette information, il y a quelques jours. Mais la chronologie des faits n'est pas claire.

      Quand exactement cette mission a-t-elle été confiée à Jacques Sapir ? Nicolas Dupont-Aignan aurait discuté des thèses de ce dernier avec le Président le 11 juin. Emmanuel Macron a-t-il contacté l'économiste dans la foulée ? C'est-à-dire AVANT le sommet européen des 28-29 juin ? La question est d'importance.

      Si Jacques Sapir avait déjà été missionné pour rédiger un rapport à remettre à l'Élysée au moment où s'est tenu le sommet, la dureté de ses commentaires ("François Hollande ne se contente pas de se parjurer, il se ridiculise" : http://www.marianne2.fr/Sapir-Un-sommet-en-trompe-l-oeil_a220374.html) ne peut s'expliquer que par une profonde déception et le sentiment d'avoir été joué.

      Si François Hollande a par contre confié une mission de réflexion à un homme qui venait de le fustiger en des termes presque injurieux, cela prouve soit qu'il n'est vraiment pas rancunier, soit qu'il s'agit juste d'une manœuvre pour contrôler un électron libre dont les trop libres propos pourraient provoquer à terme du dégât…

      Quoi qu'il en soit, cela ne devrait pas nous mener bien loin. Je suppose que Jacques Sapir n'est pas homme à se laisser manipuler. Et je ne crois pas que François Hollande soit un visionnaire de l'économie ou de la politique, capable de rompre avec l'inaction et l'indécision actuelles.

      Mais je suis d'accord avec les conclusions d'Emmanuel B. (et d'accord aussi avec ses remarques sur l'intérêt capital de la réflexion de Marcel Gauchet) : les stratégies actuelles, aussi bien que les limitations intellectuelles ou de tempérament des responsables politiques, se trouveront dépassées dans l'hypothèse d'une crise décisive, lorsqu'il importera de trancher. Avoir attendu de le faire sous la pression des événements, plutôt que d'anticiper l'inévitable, pourrait cependant se révéler un lourd handicap.

      YPB

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  6. @ Tony

    Une analyse plus dure consisterait à dire que les deux hommes ont choisi un positionnement sans forcément y croire, ce qui expliquerait qu’ils renoncent à leurs idées avec une telle facilité.

    Mais en étant moins cynique, on peut acheter votre interprétation, à savoir qu’ils pensent que ce sera moins pire sans eux et que leur présence en cas de crise permettra peut-être de faire avancer leurs idées (sans doute la stratégie de Chevènement).

    Vous êtes un peu dur avec Chevènement. JPC admet son erreur lors de l’Acte Unique. Et il a aussi démissionné à l’occasion de la première guerre du Golfe, puis sous le gouvernement Jospin, allant jusqu’au bout de sa logique en 2002. On peut comprendre qu’il choisisse aujourd’hui d’essayer d’être dans la cabine de pilotage au moment de la crise plutôt que de tenter autre chose, même si je pense que cela est totalement vain avec le PS de Hollande.

    Je sens beaucoup plus d’ambition personnelle que de convictions chez Montebourg, à l’inverse de Chevènement.

    @ Emmanuel B

    Bien sûr, le château de carte peut s’effondrer pendant l’été car il est profondément instable mais je crois qu’il peut aussi tenir un peu plus longtemps (même les Grecs n’ont pas voulu en sortir !).

    Je peux comprendre la stratégie qui consiste à rester dans l’équipe au pouvoir (cf commentaire précédent). C’est ce que j’avais expliqué dans ma lettre ouverte à JPC. En revanche, je ne crois pas du tout à un virage alternatif du PS. Là, je suis catégorique. Je me trompe peut-être, mais pour moi, c’est totalement exclu. Ce parti est épuisé intellectuellement et incapable de faire une telle révolution contraire à tout ce vers quoi il va depuis des décennies.

    Merci pour le lien.

    @ Sancelrien & Patrice

    Malheureusement, la capacité de résistance du système est forte, même si tout ceci est extraordinairement instable.

    @ YPB

    La note était antérieure au sommet il me semble…

    Les dirigeants de l’UMP et du PS consultent souvent les alternatifs mais ne les écoutent jamais (Guaino et d’autres sous Sarkozy, Todd sous Villepin…)

    Leur blocage intellectuel est très fort.

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