lundi 27 août 2012

Paul Krugman propose un nouveau plan de relance


Dans son nouveau livre, le « prix Nobel d’économie » 2008 ne se contente pas de démonter la lecture néolibérale de la crise et les politiques d’austérité, il va plus loin et ébauche ce que pourrait être une politique alternative pour son pays.

L’oubli des leçons de l’histoire

S’il reconnaît que la crise que nous traversons n’est pas comparable à la Grande Dépression (encore qu’il souligne que cela est contestable pour une partie de l’Europe), il soutient « que c’est le même genre de situation que Keynes décrivait dans les années 1930 : une situation chronique de sous-activité pour une période considérable sans tendance marquée soit vers une reprise, soit vers un effondrement complet ». Le problème est que l’efficacité limitée du premier plan (trop faible) complique grandement la possibilité d’en vendre un plus important au Congrès, comme il l’avait anticipé.

Il dénonce ceux qui « ont choisi d’oublier les conclusions de plusieurs générations d’analyses économiques, remplaçant le savoir durement acquis par des préjugés idéologiquement et politiquement correct » et compare leur pensée à un « barbarisme ». Il rappelle que Keynes avait affirmé que « le temps pour l’austérité est dans les booms, pas les récessions », démontant la caricature des néolibéraux. Il souligne également que les décisions prises aujourd’hui hypothèquent fortement notre futur, notamment par les coupes drastiques faites dans l’éducation.

Il souligne que « durant la Grande Dépression, les dirigeants avaient une excuse : personne ne comprenait ce qui se passait ou comment la régler. Les dirigeants d’aujourd’hui n’ont pas cette excuse ». Il évoque un « plantage du logiciel » de nos dirigeants, en donnant l’exemple de Wolfang Schäuble, ministre des finances allemand qui ne propose que l’austérité. Pour lui, nos dirigeants sont comme le possesseur d’une voiture, qui, après avoir refusé d’entretenir la batterie, préfererait faire marcher toute la famille plutôt que de reconnaître qu’il a eu tort et changer la batterie !

Quand le mieux est l’ennemi du bien

Paul Krugman cite Janet Yellen, vice-présidente de la Fed pour qui « Minsky avait compris cette dynamique. Il parlait du paradoxe du désendettement, dans lequel des précautions intelligentes pour les entreprises et les ménages – et essentielles pour faire revenir l’économie à la normale – accentuent cependant la détresse de l’économie au global ». ll souligne également l’utilité de la dette en rappelant que la société serait plus pauvre si on y avait pas recours : « la dette de l’un est l’actif d’un autre ». Mais Minsky rappelle que le recours accru au levier « fait du bien avant qu’il fasse du mal ».

Reprenant les analyses d’Irving Fischer sur la crise des années 1930, Krugman affirme qu’« un haut niveau d’endettement rend l’économie vulnérable à un cercle vicieux dans lequel les efforts des endettés pour se désendetter créé un environnement qui rend leurs problèmes de dette encore pires ». Il note que « si trop d’acteurs de l’économie subissent une crise de la dette au même moment, alors leurs efforts collectifs pour s’en sortir sont voués à l’échec ». Il fait le parallèle avec la crise immobilière où la baisse des prix contraint des ménages à vendre, ce qui fait baisser les prix plus encore, et la crise des dettes souveraines où les banques vendent les titres des Etats en difficulté.

Du plan A comme austérité au plan B

Il dénonce également les politiques de flexibilité du marché du travail, « un euphémisme pour les baisses de salaire », qui déprime la demande. Il souligne que quand les salaires baissent, la dette, dont le montant reste stable, voit son poids augmenter. Pour lui, il faut augmenter les dépenses de l’Etat, monter les salaires et les prix pour sortir par le haut de cette crise. Il réfute les arguments de Jean-Claude Trichet pour qui les coupes budgétaires amélioreraient la confiance et relanceraient l’activité : « combien de personnes connaissez-vous qui décident combien elles peuvent dépenser cette année en essayant d’estimer ce que les décisions fiscales actuelles voudront dire pour leurs impôts à moyen terme ? » Reprenant les études du FMI, il souligne que l’austérité fait baisser le PIB, comme on le voit à Londres.

Il souligne également que la politique des austéritaires est un moyen de « rationaliser les injustices sociales et la cruauté » et pose la question d’un système qui sert aussi clairement les intérêts des créditeurs. Il cite Keynes pour qui « les énormes fautes du système économique dans lequel nous vivons sont son incapacité à fournir le plein emploi et sa distribution arbitraire et inéquitable de la richesse et des revenus ». Cruel avec l’administration Obama, il souligne qu’à terme la stratégie gagnante, c’est celle qui donne des résultats, pas celle qui semble politiquement la plus vendable.

Il propose donc un grand plan de relance appuyé par une « détermination roosveltienne », dont 300 milliards pourraient être consacrés à l’aide aux Etats, qui ont beaucoup licencié, un plan d’investissement massif dans les infrastructures et annonce qu’il vaut mieux faire trop que pas assez (il y aura toujours la possibilité de remonter les taux). Il propose de fixer un objectif de taux à long terme inférieurs à 2,5% et monétiser au besoin pour l’atteindre, pousser le dollar à la baisse et fixer un objectif d’inflation plus élevé (3 à 4%). Il propose de refinancer les emprunts immobiliers des ménages en difficulté.

En clair, Paul Krugman propose aux dirigeants de son pays de faire l’exact inverse des politiques qui sont actuellement menées en Europe, qu’il éreintent tout au long de ce livre au point d’y consacrer un chapitre saignant pour nos dirigeants et la monnaie, comme je l’étudierai demain.

Source : Paul Krugman, « End this depression now ! », éditions Norton, « Pour en finir dès maintenant avec la crise », éditions Flammarion, sortie le 5 septembre, traduction personnelle

6 commentaires:

  1. Robert Lohengrien27 août 2012 à 14:08

    Les propositions de Krugman contiennent des bonnes idées, comme par exemple de refinancer les emprunts immobiliers. Il a également raison d'accuser le "système Obama" qui a échoué - et cela tient essentiellement à la personnalité du président.
    Mais il ne faut pas oublier que les USA ont trop longtemps privilégié l'économie fiancière; ca se voit et ca se sent quand on visite le pays.
    Le problème c'est que l'on croit, au sein des sphéres influentes aux Etats-Unis, que la croissance ne peut se faire sans des bulles. Je me souviens de l'éclatement de la bulle de l'internet; Greenspan était consterné, comme paralysé. Afin de faire marcher l'économie et contenter l'américain moyen (les salaires stagnent depuis longtemps), la Fed baissait alors les taux d'intérêt. On connaît la suite: endettement des ménages, bulle et crise immobilière.....Au profit des institutions financières, de l'industrie et du commerce. On se demande de quoi sera fait la prochaine bulle.

    Malheuresement, il n'y a pas de recette miracle pour faire renaître la croissance.
    Il y a croissance quand il y a suffisament de clients qui achètent ce que vous produisez. Le problème aujourd'hui c'est que dû à la mondialisation économique, la concurrence frappe de plus en plus fort, au détriment des emplois en France et en Europe. Et le système fordien a presque disparu en occident.

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  2. @ Robert,

    Complètement d'accord. Il y a quand même de vraies recettes pour relancer la croissance.

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  3. Pour une relance efficace il ne faut pas oublier le probleme des importations surtout pour les USA. Est ce que Krugman remet en cause la mondialisation libre-échangiste ?
    J'imagine qu'il n'est pas sans savoir que Keynes lui même était hostile au libre échange inconditionnel.

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  4. Le chômage explose et la cote de popularité de l’exécutif s'effondre -11 pour FH la rentrée va sans doute être chaude

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  5. Des questions plus qu'une affirmation : un plan de relance (à quelle échelle ?) dans le cadre circonstanciel actuel, avec une finance dérégulée, une économie mondiale, un système de libre-échange et une économie prédatrice de l'environnement, cela ne conduit-il pas à un échec programmé et à la hausse des matières premières ? Ne serait-il pas plus cohérent de redonner davantage de pouvoir aux Etats, de limiter les effets du libre-échange et de coordonner des politiques de recherche pour définir un nouveau paradigme économique ?
    Au fond, le modèle qu'avait défini Nicolas Dupont Aignan lors de la campagne présidentielle, n'est-il pas le bon modèle à suivre ?

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  6. @ TeoNeo et Léonard

    Vous pointez le bon problème. Dans ce cadre, il y a beaucoup de fuites quand on relance... à moins que tout le monde le fasse ensemble, ce qui est illusoire. C'est pourquoi il faut relocaliser et se protéger.

    Le modèle avancé par NDA est toujours aussi pertinent.

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