lundi 8 octobre 2012

Hugo Chavez : l’avenir de l’Europe d’après le néolibéralisme ?


Hier, Hugo Chavez a été réélu président du Vénézuela, près de 14 ans après sa première élection. Son image est assez sulfureuse en Europe, où il est souvent abusivement assimilé à un dictateur. Faut-il voir dans son parcours une bande-annonce de ce qui pourrait arriver chez nous ?

Un président populaire et social

The Economist et Le Monde ont consacré chacun un long dossier au chef de la révolution bolivarienne. S’ils ont un net biais négatif à l’égard d’Hugo Chavez, quelques arguments de la défense sont retenus, comme la tribune « Hugo Chavez, un homme diffamé » co-signée par Jean-Luc Mélenchon. Ce papier met en avant le recul de la pauvreté et des inégalités, reconnu par l’ONU : « la mortalité infantile a été divisée par deux, l’analphabétisme éradiqué ». Il dénonce ceux qui évoquent un « régime dictatorial » en soulignant que les vénézuéliens ont voté 14 fois en 13 ans et que les organisations internationales reconnaissent que les scrutins se passent dans de bonnes conditions.

Quand on compare avec d’autres pays qui bénéficient d’une manne de matières premières, on constate que l’ensemble de la population en bénéficie bien plus largement qu’ailleurs. En outre, le fait de vouloir garder le contrôle de l’exploitation des ressources du sous-sol du pays est parfaitement légitime car il s’agit d’un bien public. En fait, les deux auteurs soulignent la mauvaise  foi d’une partie des médias, qui viendrait en partie de la remise en cause des dogmes néolibéraux par le régime chaviste.

De vrais angles morts

Néanmoins, il ne faut pas idéaliser l’expérience chaviste, de même que celle de l’Argentine, comme je l’avais étudié cet été. La tribune de Marc Saint-Upéry souligne les carences du modèle chaviste : l’inflation, la stagnation économique ou les difficultés du secteur privé, parfois malmené. L’économie du pays est extrêmement dépendante de la rente pétrolière et même si elle a le mérite d’être assez justement répartie, le Vénézuela en dépend à 80% pour ses exportations.

En outre, comme le souligne Marc Saint-Upéry, si le pays est une démocratie, il souffre d’un manque de dialogue social et de tolérance à l’égard des opinions différentes. Sur les médias, le sujet reste compliqué puisque d’une part, Mélenchon affirme que la liberté d’expression n’est pas bridée, alors que The Economist souligne la criante inégalité de couverture de la campagne ou la publication des noms de ceux qui avaient soutenu le référendum de destitution de 2004.

Le futur de l’Europe ?

Le Vénézuela rappelle la Russie de Vladimir Poutine ou la Hongrie de Viktor Orban, parfois caricaturée. Comme le souligne bien ce papier de Ragemag, tous ces pays ont le point commun d’être passé par des phases de libéralisation extrême qui ont abouti à beaucoup de casse sociale et où une petite minorité a réussi à en profiter. S’il ne s’agit pas de fermer les yeux sur de vrais problèmes démocratiques (notamment en Russie), il ne faut pas oublier le contexte ni l’actif de ces régimes.

Car avec les plans européens d’austérité, la colère grandit dans les peuples européens, à un point qui pourrait justement finir par mener au pouvoir des dirigeants de la veine de Hugo Chavez, pour le meilleur, mais aussi, il faut le reconnaître, pour le pire. Idéalement, on peut espérer que la crise amène au pouvoir des Lula, des hommes d’Etats progressistes parfaitement respectueux de la démocratie, mais à force de torturer les peuples, leur réaction pourrait devenir imprévisible.

Hugo Chavez n’est pas un dictateur. C’est un président progressiste à la méthode parfois autoritaire. Malgré tout, il a été élu démocratiquement et a même reconnu une défaite électorale dans le passé. Il ne faut donc pas le caricaturer, ni l’idéaliser, tout en espérant que la crise européenne produise plutôt des Lula.

22 commentaires:

  1. Assez d'accord avec ton analyse Laurent.

    Petit bémol en revanche pour Lula : http://www.franceinfo.fr/justice/la-cour-supreme-bresilienne-confirme-des-achats-de-votes-sous-lula-755803-2012-10-02

    Affaire à suivre.

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  2. Vous nous annoncez qu'on va découvrir du pétrole en Europe? Il y a un pays en Europe qui a du pétrole la Norvège et qui n'a pas besoin de Chavez.

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  3. Pour Orban, lire ce papier intéressant de Pierre Waline:
    http://www.causeur.fr/du-rififi-dans-le-caucase,18931

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  4. "Hugo Chavez n’est pas un dictateur. C’est un président progressiste à la méthode parfois autoritaire."

    Toute ressemblance avec un homme politique et mystificateur français n'est sans doute que purement fortuite... N'est-ce pas M. Pinsolle ?

    Ce qui est d'une folle ironie dans la tribune de Mélenchon au Monde, c'est qu'il argue de la diffamation avérée que subit continûment Chavez (et plus encore Poutine, l'un et l'autre s'inscrivant dans une logique incontestablement nationaliste) par les mass-médias occidentaux à la solde de la ploutocratie mondialiste, pour justifier de leur réel et indiscutable statut d'opposant au mondialisme destructeur.

    Ce que ne semble pas saisir Mélenchon (je le plains sincèrement), et qui est une pure démonstration par l'absurde de son imposture, est le suivant : si la diffamation et les attaques des mass-médias, comme sous-tendu par sa propre analyse, sont réellement les authentiques, véritables, et ultimes critères de dissidence et de résistance au Système mondialiste et financier, à l'oligarchie transnationale, à l'eurolibéralisme, il suffit de rappeler QUI, en France, est de loin le plus diffamé et attaqué par de stricts mêmes forces, exactement les mêmes agents, les mêmes officines, les mêmes groupes de pression, les mêmes lobbys, avec des arguments semblables, une même sophistique, de mêmes syllogismes trompeurs, une même et intense campagne de dénigrement et de disqualification systématique ?!

    Les masques tombent.

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    1. Si vous n'avez pas vécu ces trente dernières années en autarcie totale sur une ile déserte, sans journaux et sans télévision, il me semble que vous serez capables de répondre seul à cette interrogation...

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  5. Le soutient de Chavez à l'Iran est un peu douteux quand même...

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  6. Pourquoi douteux ? Il se solidarise de l'Iran pour des raisons d'hostilité commune à l'impérialisme américain.

    Ça vous gêne peut-être moins que les politiciens français entretiennent un lien très étroit avec le Qatar, une monarchie absolue et vrai dictature, afin de demander des financements ?

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    1. Bravo, vous m'enlevez les mots de la bouche.

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    2. Henri, il n'y a pas que l'Iran il soutient Assad. Dans ce cas il se grille parce que l'écrasante majorité du monde musulman qui est sunnite soutient les rebels. C'est d'ailleurs pour cela qu'il n'est plus crédible dans ses shows antiaméticains. Par ailleurs sont soutient au Hamas est maintentant devenu même ridicule d'autant plus que le hamas a pris son siège au Qatar.

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  7. Pour ma part je n'apprécie guère ce personnage. N'oublions pas qu'il participa à une tentative de coup d'Etat dans son pays en 1992.

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    1. Vous voulez dire que l'arrivée au pouvoir de de Gaulle en 58 s'est faite de manière on ne plus démocratique... ? Avez-vous déjà entendu parlé de l'Opération Résurrection ?

      S'il suffisait de cela pour dénigrer en soi un personnage ou une action politique, indépendamment d'un contexte donné, alors cela veut dire que nous sommes tombés bien bas au niveau de la nécessaire analyse politique.

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  8. Un bon papier encore une fois.

    C'est vrai que le cas Chavez mérite d'être étudié.
    Et c'est vrai qu'il soulève beaucoup de passion est suscite pas mal de mensonges/bêtises.
    Mais alors que la "bête" néolibérale est attaquée, n'est-il pas "compréhensible" qu'elle se défende ?

    Deux remarques m'apparaissent :

    1- la fin de vos billets est ces derniers temps régulièrement emprunte d'une forme de "pessimisme" (je ne sais pas comment le dire autrement) :
    "à force de torturer les peuples, leur réaction pourrait devenir imprévisible."
    Pourtant la toute fin reste emprunte d'espoir :
    "tout en espérant que la crise européenne produise plutôt des Lula."
    Dans les 2 cas je vous comprend.

    2- Vous n'évoquez pas la tentative de coup d'Etat de H. Chavez en 1992. Ni sa politique étrangère souvent très critiquable.

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  9. @ RomainC,

    Concernant votre seconde interrogation et la politique étrangère de Chavez que vous jugez critiquable (vous avez le droit, encore qu'il serait sans doute intéressant que vous développiez votre propos), posez-vous la question de savoir si, bien plus que la politique intérieure qu'il mène dans son pays et qui il est vrai rue déjà de beaucoup dans les brancards de l'oligarchie, ne serait-ce pas justement pour la raison première de son positionnement en politique étrangère, sur des enjeux fondamentaux comme l'avènement de la multipolarité face à l'Empire américain et ses satellites, qu'il suscite à son endroit tant de condamnations sentencieuses, de manipulations éhontées, de travestissement de ses propos ou discours, de campagnes de dénigrement et ce par l'ensemble des médias de masse occidentaux ?

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    1. Le problème de la politique etrangère de chavez est un peu le même de pinsolle, ils ont voulu faire les sympas avec les palestiniens, mais là en ce moment les palestiniens sont à côte de la revoultion en Syrie (car assad bombarde les camps palestiniens). Alors pinsolle se tait, chavez soutient assad. Ce qui montre que derrière le discours moral qu'il tient à l'onu il n'y a que des intérêts.

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  10. Chavez correspond bien à un pays latin tout juste alphabétisé. En Europe, tout le monde n'est pas latin et les vieux sont innombrables. Le bassin parisien a déjà donné de Gaulle, le front populaire et la révolution française, les gens là-bas savent ce qu'il faut faire. L'avenir des Italiens et des Espagnols me paraît infiniment plus sombre, n'ont-ils pas eu assez peu de repères positifs durant l'ère démocratique, en plus d'un vieillissement dément.
    N'allons-nous pas plutôt vers une dictature ultralibérale européiste?
    Jard

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  11. @ Flavien

    Merci pour l’info. Je ne connaissais pas ce point précis mais je savais qu’il y avait des problèmes de corruption sous Lula. Reste que son bilan global est très largement positif.

    @ Julien

    Le défaut de la tribune de Mélenchon, c’est qu’elle est trop à sens unique. Pas du tout d’accord avec vous sur la critique injuste selon vous que vous évoquez. Je crois que le parti que vous évoquez tend les bâtons pour se faire battre et depuis l’ascension de sa nouvelle chef, les médias me semblent même trop gentils.

    Il faut arrêter avec l’arrivée au pouvoir du Général en 1958 : il est investi par le parlement, gagne le référendum sur les institutions, gagne les législatives puis est élu président. Cela n’a rien à voir avec un coup d’Etat.

    @ Olaf

    Le souverainiste que je suis ne serait pas très cohérent de critiquer les choix de politique étrangère de Chavez. Si, naturellement, soutenir l’Iran me choquerait si cela était fait en France, dans le cas du Vénézuela, il ne faut pas oublier l’histoire, ce qu’a fait les Etats-Unis sur le continent, qui explique aussi que certains dirigeants appuient tout régime hostile à Washington et que cela peut se comprendre.

    @ Henri

    Très juste, le soutien à certaines pétro-monarchies ne semble pas beaucoup plus compréhensible.

    @ JJS

    Très juste, j’aurais du évoquer le coup d’état de 1992.

    @ RomainC

    Cf réponses plus haut sur le coup d’état et la politique étrangère. Pessimisme, un peu oui car même si je pense qu’il faut que la crise s’aggrave pour s’en sortir, cela va faire des dégâts.

    @ Jard

    Je persiste à penser que les européens se révolteront démocratiquement cf Grèce, où ce n’est pas passé loin en juin.

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    1. @ LP,

      "Je crois que le parti que vous évoquez tend les bâtons pour se faire battre"

      De quels types de "bâtons" parlez-vous exactement ?

      Car s'il s'agit de la sortie envisagée de l'Euro, de la nécessaire réinstauration de mesures protectionnismes, de l'indispensable rééquilibrage de la politique étrangère de la France, du non moins impérieux besoin de réapropriation de nos frontières et de ses corollaires notamment anti-immigrationnistes, il n'est guère étonnant que les médias de masse et l'ensemble de la classe, et de la caste, politico-médiatico-affairiste se jette vend debout contre ces derniers et ceux qui les véhiculent, puisque contrevenant à ses intérêts.

      Il n'est guère surprenant non plus que le degré d'affliction de l'idéologie dominante, et la violence de son courroux et de la propagande mise en place, soient fonction du poids électoral de ses principaux opposants. Cela semble on ne peut plus compréhensible. Et croyez-bien que si à l'avenir M. Dupont-Aigan approchait la qualification au second tour de la présidentielle (en soi improbable) il aurait à subir de mêmes, violentes, et systématiques campagnes de disqualification et de diabolisation opérées tout azimut. Puis recouvré bientôt le qualificatif d' "extrême-droite" et de "fasciste". Et ce quand bien même aurait-il pris un soin infini à donner à nos maîtres des gages de républicanisme.

      C'est cela que nous n'arriverez décidément jamais à comprendre (je le crains), car cela suppose que vous reformiez au préalable votre cadre de pensée, de la même manière que vous vous déjugiez sur un certain nombre d'analyses - et surtout de préjugés - qui ont forgé votre approche de la politique ces vingt dernières années.

      Un phénomène semblable d'incapacité à revisiter son imaginaire est parfaitement observable chez les européistes. Les mêmes européistes auxquels vous ne cessez de reprocher une incapacité dont précisément vous êtes vous-même une éminente victime. Nous sommes là dans un problème qui concerne en réalité, et avant toute chose, les sciences humaines, et qui n'a rien à voir avec l'économie ou la politique.

      C'est cette incompréhension originelle, guère surprenante en soi là non plus, qui induit que vous vous fassiez le relais complaisant de ladite idéologie. Et donc que vous vous retrouviez, de façon plus ou moins inconsciente (ce qui ne sera jamais une excuse, disons plutôt une explication), et que l'on peut déplorer, dans le rôle d'allié objectif. Et ce alors que vous vous positionnez dans le même temps comme un sincère opposant au Système.

      Il y a là une contradiction et une confusion qui confinent de plus en plus à l'irrationnel selon moi. Ou alors peut-être, dans le cas où vous en ayez bel et bien conscience, à une rationalité qui n'apparait pas immédiatement...

      "et depuis l’ascension de sa nouvelle chef, les médias me semblent même trop gentils."

      Voilà une fort belle démonstration par l'absurde de mon propos précédent.

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    2. @ Julien

      Pas la moindre démonstration dans votre commentaire. Une différence de jugement. Séguin n'a jamais été traité comme la personne que vous évoquez. Bien sûr, si NDA devient plus important, il sera durement critiqué mais le niveau des critiques s'adapte à la réalité de la personne visée (mais si elles restent en partie injustes).

      "Je ne comprendrais pas"." Je serais incapable de réviser mon imaginaire". Comment voulez-vous que je veuille discuter avec vous vu que vous vous sentez tellement supérieur à moi sur ce sujet ?

      Et oui, je pense que les médias ont été trop gentils assez souvent en relayant la stratégie de dédiabolisation exactement comme elle souhaitait que cela le soit.

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  12. Personnellement vu mes idées alternatives, je me suis réjouis que des gens comme Chavez contrent l'hégémonie des USA en Amérique latine.
    Mais je préfère comme progressiste quelqu'un comme Moralès qui je pense a moins le culte de la personnalité.

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  13. Voilà qui remet admirablement les pendules à l'heure en rétablissant quelques vérités factuelles :

    http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/melenchon-et-chavez-l-etrange-124001

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