vendredi 26 octobre 2012

Obama-Romney : la campagne passe, les électeurs trinquent





Victimes de la crise

Les Etats-Unis sont dans une position paradoxale. Contrairement à 1984 (Reagan) ou 1936 (Roosevelt), la reprise n’est pas suffisamment forte pour assurer la réélection automatique du président sortant. Mais de l’autre, elle est tout de même suffisamment forte pour éviter une défaite similaire à celles de 1980 (Carter) ou 1992 (Bush Sr). Même si tout n’est pas brillant, le taux de chômage est tombé sous le cap des 8% (moins que quand Obama est arrivé) après avoir flirté avec les 10%.

La croissance devrait atteindre 2% en 2012. Mieux, la forte reprise du marché immobilier, depuis cette année, pourrait bien soutenir l’économie étasunienne pour quelques années puisque le nombre de mises en chantier, extrêmement faibles depuis quatre ans, se redressent fortement (+35% en septembre). Cependant, tout n’est pas rose outre-Atlantique, comme le rappelle utilement ce graphique de The Economist. En effet, la baisse du taux de chômage est en bonne partie artificielle.

La part de la population employée a en effet baissé de plus de 4 points depuis 2007 et n’a absolument pas progressé depuis. En effet, l’économie étasunienne a perdu 9 millions d’emplois pendant la récession et n’en a créé que 4,3 millions depuis 2010, soit une perte qui reste encore supérieure à 4 millions, aggravée par la croissance de la population. Pire, le revenu réel moyen des ménages a baissé de plus de 8% depuis 2007, tombant au niveau du milieu des années 1990.

Une très mauvaise campagne


Et dans un pays où les standards de campagne électorale sont déjà extrêmement bas, la campagne présidentielle de 2012 creuse encore. Si Obama défend son bilan (l’exécution de Ben Laden (sic), l’Obamacare, le sauvetage de l’économie et des constructeurs automobiles), il attaque violamment son adversaire en en faisant le candidat des riches et en soulignant ses innombrables contradictions et autres déclarations intempestives (notamment celle sur les 47%).

Il faut dire que les républicains ont eu un drôle de choix à faire pendant les primaires. Mitt Romney n’a été que le choix par défaut d’un parti constamment tenté de se choisir un candidat plus à droite, y compris des personnalités complètement sulfureuses ou bien peu crédibles… L’ancien gouverneur du Massachussetts a donc viré franchement à droite pendant les primaires pour gagner avant de se recentrer spectaculairement pour le premier débat présidentiel, qu’il a largement gagné.

Mais ce faisant, il a dit tout et son contraire, ce qui donne des angles d’attaque aux démocrates. En outre, son faible taux d’imposition fait jaser dans un pays qui commence à s’ouvrir aux problématiques d’inégalités. Mais de l’autre, Obama, qui aurait pu être un nouveau Roosevelt, n’offre pas vraiment une vision pour le second mandat qu’il sollicite. Du coup, le débat n’est pas enthousiasmant et risque d’être départagé par le déluge de publicités négatives que permet le pays.

Bien sûr, vu l’extrémisme des républicains sur les questions économiques et sociétales, on peut souhaiter une victoire d’Obama. Mais c’est aujourd’hui un choix par défaut, du fait des immenses carences de ses adversaires, malgré un bilan décevant, notamment sur la réforme de la finance.

15 commentaires:

  1. C'est la l'illustration des pseudo-democraties occidentales en France UMPS aux USA Democratrepublican au royaume uni Consevativlabourliberal etc ...
    ce sont de fait des partis uniques en fin de vie dont la principale préoccupation est de durer le plus longtemps possible ceci depuis les années 70 les différences sont a la marge

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  2. Je crois que les USA en sont maintenant à 35% du PIB pris par l'Etat, en France en 2013 on sera à 43.6%. C'est énorme pour eux, énorme pour nous.

    Après, Romney ou Obama, franchement, ça dépend des sujets.

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    1. Dépenses des administrations publiques 2010

      Dépenses de fonctionnement (y compris Cotisations sociales imputées): 376,2 Md€ 19,5% du PIB
      Intérêts : 50,5 Md€ 2,6% du PIB
      Prestations sociales: 496 Md€ 25,7% du PIB
      Autres transferts et subventions : 111 Md€ 5,7% du PIB
      Acquisition nette d'actifs non financiers (dont investissement : 59,2) 61Md€ 3,2% du PIB
      Total des dépenses des APu 1094,7 Md€ 56,6% du PIB
      ... mais sans les prestations sociales, c'est # 30% du PIB

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    2. De quel pays parlez-vous ? Parce que moi le chiffre de 43.6% du PIB pris par l'Etat en France, c'est un chiffre que j'ai vu dans le JT de France2 en septembre (chiffre prévu pour l'année 2013). Quant au chiffre de 35% du PIB aux USA, chiffre entendu dans la bouche de Romney dans un débat à la présidentielle Romney / Obama il me semble (et entendu ailleurs).

      Ils trouvent ça déjà énorme (rappelons que même chez nous, Giscard avait dit qu'au delà de 35% c'est du socialisme, il me semble). Je suis de cet avis, je ne suis pas un grand liberal mais au dessus de 35% ça me parait trop, alors nous, 43.6%, demain 50% ? 56.6% comme vous dites ! C'est franchement un Etat obèse et socialiste. Pas besoin d'être un ultra-libérale pour l'admettre.

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    3. l’État génère aussi du PIB le seul problème est de savoir qui génère le meilleur c'est a dire celui qui investi sur l'avenir et fait fonctionner la machine économique

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    4. @Florent
      Je parlais de la France
      43,6% ce sont les prélèvements obligatoires 2011 (c'est sans doute ce que vous appelez "pris par l'Etat" en oubliant totalement que, comme le dit Lordon en présentation de son blog
      " Quelle est la puissance despotique d’aujourd’hui qui soumet absolument le corps social et le laisse exsangue d’avoir capté la substance de son effort ? Certainement pas l’Etat – dont on rappellera qu’il restitue en prestations collectives l’ensemble de ses prélèvements… – mais le système bancaire-actionnaire qui, lui, conserve unilatéralement le produit intégral de ses captations."

      Je n'ai sous la main que les données 2010:
      Prélèvements obligatoires :
      * État - Déduction faite des transferts fiscaux de l'État aux collectivités locales et à la SS et des impôts non recouvrables :265,9 Md€ 13,8% PIB
      * Organismes divers d'administration centrale: 14,7 Md€ 0,8% PIB
      *Administrations publiques locales : 88,6 Md€ 4,6% PIB
      *Administrations de sécurité sociale - Déduction faite des cotisations dues non recouvrables : 448,5 Md€ 23,2% PIB
      *Institutions de l'Union européenne : 4,4Md€ 0,2%PIB
      *Total des prélèvements obligatoires : 822,1 Md€ 42,5% PIB

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    5. @A-J Holbecq
      Je veux bien vous croire :)
      Dans le JT de France 2 (c'était Lenglet qui faisait un exposé) il disait 43.6% du PIB, il rajoutait comme exemple : "ça va dire que sur 100€ de richesse produite en France, 43.6€ sont pris par l'Etat."

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    6. @ A-J H

      Sur les dépenses publiques (les 56%), il faut faire attention car les chiffres de 2009 et 2010 ont été gonflés par le plan de relance et sont sans doute un maximum, qui devrait avoir décru depuis. 56%, c'est sans doute trop, 50% serait sans doute un objectif plus raisonnable à moyen terme, encore qu'il faudrait créer la transparence sur la comparaison avec les autres pays (car les périmètres ne sont pas les mêmes avec les dépenses de santé et d'universités privées en large partie aux USA...).

      @ Julien

      Il ne faut pas oublier que nous confions à l'Etat la santé, les retraites, l'assurance chômage (près d'un quart du PIB), ainsi que l'éducation, la sécurité, la justice, la défense... Tout cela a un coût, même s'il faut veiller à ne pas peser trop lourd sur l'économie privée.

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  3. Robert Lohengrien26 octobre 2012 à 14:36

    On sait que les chiffres du chômage des USA sont faux, car de nombreux américains ne sont pas comptabilisés (chômeurs découragés, ceux qui survivent grâce aux food stamps, free-lance précaires, et d'autres).
    Il faut doubler le chiffre officiel pour avoir un tableau approximativement réaliste.

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  4. Comme par magie à 15 jours des élections les chiffres US s’améliorent:

    http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/10/26/la-croissance-americaine-s-accelere-au-troisieme-trimestre_1781756_3234.html

    Ca sent plutôt bon pour Obama, enfin faut dire qu'avec la planche à billets illimitées de la FED c'est plus facile qu'en Europe...

    red2

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  5. Lors du troisième débat Obama-Romney consacré à la politique internationale (qui, parait-il, n'intéresse pas beaucoup les Américains), le mot "Israël" a été prononcé à 34 reprises et le mot "Europe" zéro fois ! Qu'en pensez-vous Laurent ?

    Marc-Antoine

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    1. Dans un tel débat de politique étrangère on parle surtout des problèmes.
      L'Europe n'est pas un problème pour les USA, la seule chose qui soit un sujet d'attention en Europe pour les USA se sont les problèmes économiques avec en particulier la crise des dettes souveraines européennes.
      Là il s'agit surtout d'évoquer les problèmes de politique étrangère et de défense nationale(d'où l'évocation d'Israël puisque que se pays est un allié des USA).
      De plus ceci correspond bien au repositionnement stratégique des USA en Extrème-Orient - Pacifique avec un effort soutenu dans le golfe persique et la péninsule arabique. Et cette stratégie semble assez cohérente quand on lui applique la ligne de lecture précédente.
      Il s'agit pour les USA de renforcer leurs positions là où il y a des hydrocarbures, de potentiels ennemis, et des challengers déclarés.
      L'Europe été un lieu de confrontation avec l'URSS mais encore une fois aujourd'hui sa situation sécuritaire n'est pas la priorité des USA : c'est l'une des zones les plus sures du monde.

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  6. "le nombre de mises en chantier, extrêmement faibles depuis quatre ans, se redressent fortement (+35% en septembre)"

    "La part de la population employée a en effet baissé de plus de 4 points depuis 2007 et n’a absolument pas progressé depuis"

    Olvier Delamarche soulignait mardi qu'en effet si le nombre de chantiers augmente, il semble que personne n'ait été embauché pour y travailler ...

    comment interpréter ce paradoxe ? reconfiguration du travail ? mais alors d'autres secteurs débaucheraient pour compenser non ? ne sont-ils pas en train de recréer une bulle ?

    A mon humble avis, ça sent un peu l'enfumage ...

    Age

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    1. J'adore Delamarche il a le don pour démolir les plus belles constructions économiques délirantes

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  7. @ Age

    L'immobilier commence tout juste à re-démarrer. Pour l'instant, l'effet n'est pas gigantesque sur l'emploi. On verra un peu mieux en 2013. En outre, il ne faut pas oublier que la population augmente : le taux d'activité stagne, mais 4 millions d'emplois ont été créés...

    @ Marc Antoine et RomainC

    D'un côté, si c'est pour entendre parler de l'Europe comme d'un vassal des USA, je préfère qu'on en parle pas. Plus sérieusement, je crois que cela montre que l'Europe est aujourd'hui en proie à des problèmes internes tellement insolubles qu'elle ne parle plus au monde, à part pour montrer que ses services diplomatiques existent toujours...

    @ Robert et Red2

    Très juste. Idem en France ou en Allemagne.

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