mardi 15 janvier 2013

Le côté obscur du « modèle » irlandais


C’est un article passionnant de The Economist qui revient sur les failles du modèle de développement irlandais, même s’il accorde globalement un satisfecit au plan d’ajustement, tout en appelant à un effort de la part de l’Union Européenne pour alléger le fardeau de sa dette.

Une crise du « laisser faire »

Le tigre irlandais a connu une très forte croissance dans les années 1990 et 2000 grâce à la conjonction de plusieurs facteurs. Tout d’abord, un taux d’imposition des bénéfices des entreprises, à 12,5%, contre plus de 30% sur le continent, qui a poussé de nombreuses multinationales (notamment dans l’informatique et la pharmacie) à s’implanter. Cela a été favorisé par l’intégration européenne, qui garantissait un marché de 500 millions de consommateurs et des taux d’intérêts faibles.

Mieux, l’Irlande a longtemps bénéficié des subsides européennes pour financer son développement. Enfin, le « laisser-faire » du pays a également permis le développement d’une sphère financière importante. Le problème est que cela a abouti à une bulle immobilière et financière colossale (les actifs des banques finissant par représenter 10 fois le PIB, contre 4 en France et 3 en Allemagne). L’explosion de cette bulle a logiquement provoqué une immense crise économique.

Contrairement à l’Islande, l’Irlande a sauvé ses banques, quitte à engager des sommes colossales pour les recapitaliser et faire exploser la dette publique. Résultat, le pays se retrouve aujourd’hui avec un niveau de dette publique parmi les plus élevés de la zone euro, alors qu’il faisait partie des trois pays les moins endettés (avec la Grande-Bretagne et l’Espagne) en 2007. En 2013, la dette publique devrait atteindre 120% du PIB, dont au moins un quart vient du sauvetage des banques.

Une richesse bien mal partagée

L’analyse de The Economist apporte un véritable plus. En effet, le pays a apparemment réussi à mieux surmonter la crise que la Grèce, le Portugal ou l’Espagne puisqu’il devrait afficher un PIB en (légère) croissance en 2012 et en 2013, malgré une nette baisse des salaires. Du coup, le pays a vu le taux de ses emprunts à échéance 2020 passer de 8,5 à 4,5% en 2012. Sa balance des paiements est positive depuis 2010 et il pourrait bien sortir du programme européen en fin d’année.

Mais l’hebdomadaire britannique souligne la divergence de l’économie irlandaise avec l’écart croissant qu’il y a entre le PIB (Produit Intérieur Brut, qui inclut la produit des multinationales étrangères) et le PNB (Produit National Brut, qui inclut ce qui va aux résidents uniquement). L’écart, qui était déjà de 14% en 2007 était de 20% en 2011. Alors que le PIB a reculé de 7% sur la même période, le PNB a baissé de 11%, ce qui montre une grande divergence au sein du territoire irlandais.



D’une part, les multinationales continuent à investir pour profiter de la fiscalité très faible du pays. De l’autre, les Irlandais souffrent encore plus que les statistiques ne le laissent entendre. Pire, le poids de la dette, déjà à 120% du PIB en 2013, approche les 160% du PNB. The Economist rapporte que la très faible fiscalité sur les multinationales fait qu’il faut prendre davantage en compte le second, ce qu’un comité local a proposé pour mieux mesurer la soutenabilité de la dette.

Bref, au moment où quelques esprits à courte vue tendent à utiliser le cas irlandais comme une preuve du succès des plans d’ajustement européen, cet article de The Economist vient à point pour souligner que ce n’est pas la reprise pour tous en Irlande, où les ménages ont perdu 5% de leurs revenus en 2 ans.

14 commentaires:

  1. Les multinationales en France ne payent pas beaucoup plus d'impôts sur les bénéfices qu'en Irlande du fait qu'elles font de l'optimisation.

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  2. D'ailleurs, une PME a tout intérêt à se faire racheter par un groupe pour bénéficier de ses experts fiscaux. Rachats selon selon tableau 8 :
    http://cib.natixis.com/flushdoc.aspx?id=67824

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  3. L'oligarchie politique et ses relais médiatiques a toujours un "modèle" à nous opposer sans voir la caractère spécifique de chacun d'entre eux qui contrarierait leurs souhaits et leur argument d'une France non réformable c'est-à-dire rétive à l'UE et à la mondialisation libérale.

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  4. Que l'Irlande ait un taux de taxation aussi bas sur les sociétés par rapport à la moyenne européenne n'est pas normal, mais que la France est celui le plus haut ne l'est pas non plus.

    Nous devrions travailler a ramener notre taux à la moyenne européenne :

    - la moyenne de l'Europe des 15 est à 27.6%
    - les pays de l'Est rentrés après sont à 18%
    - là où nous sommes à 36,1% (le + élevé de toute l'UE).

    Et encore, je préférerai qu'on ait 25%, c'est net, c'est rond, c'est très bien. Mais déjà commençons a réduire à 27%, la moyenne des 15.

    Une petite vidéo sur la taxation des sociétés en UE :

    Désintox - Arte (1min47)
    http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=F1dmQZvbFI8

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    1. @Flo Pat

      On est très loin des 36.1 %!

      Le Conseil des prélèvements obligatoires (dirigé a l’époque par Gilles Carrez, député UMP) à rendu un rapport en octobre 2009 montrant que le taux imposition était en moyenne de 18%...

      http://lexpansion.lexpress.fr/economie/impots-du-cac-40-pourquoi-ils-sont-si-faibles_258370.html

      Ok pour réduire les taux de bases mais réduisons aussi drastiquement les optimisations et autres niches qui permettent à nos grands groupes de ne payer dans les faits que moins de 10 % d’imposition sur les bénéfices et font de fait de la France un parfait paradis fiscal...

      red2

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    2. Vous défendez une logique libérale trentenaire du toujours moins d'impôts pour les sociétés et les particuliers et après vous vous étonnez que les finances publiques soient toujours déficitaires comme la protection sociale. La concurrence "libre et non faussée" se traduit par un nivellement par le bas "toujours moins"!

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    3. A noter toutefois qu'il s'agit des taux de base, la désintox devient ainsi une intox :

      en prenant en compte les niches fiscales (intérêts notionnels), les 50 entreprises qui ont le mieux "optimisé leur fiscalité" n'ont payé en moyenne que 1.04% d'impôts au lieu du barême légal de 34% (33.99%).

      Mittal n'a payé en Belgique que moins de 400€ d'impôts pour un BENEFICE de 1.3 Milliards, soit un taux réel de 0.00004% d'impôt.
      Mais ce modèle ultra-stalinien de la Belgique ne rendant pas cette industrie assez rentable, matraqué fiscalement, le pauvre Lakshmi a donc été contraint de fermer, comme en France...

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    4. Anonyme15 janvier 2013 22:50 <= c'était moi, oublié de signer

      NDR : je parlais ici exclusivement des taux d'imposition en Belgique, pas du tout en France.

      Age

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  5. HS, mais ça va faire plaisir aux anciens, un projet de désindexation des retraites :

    http://www.latribune.fr/actualites/economie/france/20130115trib000742666/cahuzac-evoque-un-gel-des-retraites-qui-fait-reagir-la-droite.html

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  6. @ Olaf

    Décidément, le sociétal-libéralisme ose tout en matière sociale.

    Bien vu sur les impôts des multinationales : 8% contre 18% en moyenne de mémoire. Mais après, il leur suffit de placer leur profit dans les bons pays. Pourquoi beaucoup d'entre elles implantent des centrales d'achat en Suisse ? Pas parce que les Suisses sont de bons acheteurs...

    @ Cording

    Très juste

    @ Flo Pat

    Je ne pense pas que la priorité soit de baisser l'imposition des sociétés. Après, si on baisse les taux sans perdre en recettes (du fait de la suppression des niches), pourquoi pas ? Mais uniquement dans ce cadre là car sinon, on rentre dans une course délétère au moins-disant fiscal.

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  7. Votre discussion sur l'I.S m'a fait penser a quelque chose.

    Si le patronat français est sincere en ne voulant baisser les salaires que dans le seul but de la compétitivité alors ils devrait accepter de payer aussi. Par exemple avec une partie des cot° sociales patronales déplacée sur l'I.S. La baisse des tarifs des produits ou l'investissement ne serait pas impacté par ce déplacement de taxe puisque le bénéfice est un surplus. Alors qu'une simple baisse des cot° patronales peut etre annulé par une augmentation des marges.
    Si le MEDEF le refuse cela révélera le foutage de gueule, donc que la compétitivité sert de prétexte pour augmenter les benefices sur le dos des salariés. Gallois and co ont été incapables d'exiger la moindre contrepartie. Le salarié n'a pas le choix alors que l’actionnaire lui peut faire ce qu'il veut du cadeau du gouvernement. Un pacte implique des obligations mutuelles. Je peux faire une erreur de raisonnement dans ce cas vous pouvez corriger.

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  8. « Hors sujet » L’Irlande n’étant pas la France

    Ira-t-on vers un mouvement social de grande ampleur où les « crapules sociales libérales » rejoindront les « crapules staliniennes » en queues de cortèges ?
    Je fais ici allusion à une célèbre injonction d’un certain Cohn Bendit –âgé alors de vingt trois ans- à la gauche syndicale, lors de la grande manifestation unitaire du 13 mai 1968.
    Personne n’en avait bien conscience à l’époque, mais cet évènement fut bien le chant du cygne d’une certaine espérance sociale, dont le dernier acte s’est joué ces jours-ci.

    http://www.france.attac.org/articles/accord-sur-la-reforme-du-marche-du-travail-en-attendant-la-troika

    Une chose est sûre, si cela se produit –et quelque chose d’approchant se produira forcément- ce sera la marche funèbre pour tout un pan de l’échiquier politique et de l’histoire de notre pays, dont elle pouvait encore apparaître comme un terne symbole.
    Et il tout autant probable que la gauche de la gauche sera tout juste apte à porter le cercueil.
    Le somnambulisme à pas feutrés qui entoure ces dispositions à gauche actuellement n’est que révélateur de bien des hantises et de bien des soulagements qui ne demandent qu’à se lâcher.
    De toute façon, dans les têtes, ce sera définitivement cuit.


    La Gaule

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  9. Il suffit de gratter un peu pour s'apercevoir qu'aucun modèle ne tient ; alors encore une fois arrêtons d'aller fantasmer ailleurs et faisons ce que nous voulons chez nous pour ce faire la première des actions sur laquelle il faut se focaliser est de quitter cette ue de merde c'est simple et c'est tout

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  10. @ Patrice

    C'est clair. Il faut sortir de l'ordre juridique de l'UE.

    @ La Gaule

    Je suis bien d'accord. Le PS pourrait bien avoir le destin du PASOK...

    @ TeoNeo

    Bien vu, mais ils diront que l'IS Français est déjà trop élevé et qu'il faut le réduire...

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