mardi 9 avril 2013

Non alsacien : quand les médias malmènent la démocratie


Décidément, certains média ne retiennent pas les leçons de l’histoire. Le « non » des Alsaciens au projet de réforme des collectivités locales a bien entendu était interprété comme un vote de protestation, les citoyens n’étant pas assez intelligents pour comprendre l’intérêt du projet.

Quand certains médias n’informent plus

Quelques journalistes auraient bien besoin de réapprendre ce qu’est la démocratie. En effet, le traitement du résultat du référendum sur l’Alsace est trop souvent franchement scandaleux. Certains se contentent de présenter les choses d’une manière extraordinairement binaire, vantant un projet de réorganisation des collectivités territoriales alsaciennes et n’hésitant pas à débiner un peuple, frileux, conservateur, et incapable de comprendre l’intérêt de la réforme qu’ils auraient mitonnée.

C’est ainsi que Caroline Roux, sur Europe 1, y voit un contexte « favorable aux forces de la contestation ». Pour elle, « le pays n’est pas dans la rue, mais il rumine sa colère. Et quand on lui tend un bulletin de vote, il répond par une gifle ». Alain Duhamel a également exprimé son mépris du peuple et de la démocratie en affirmant qu’il ne fallait pas faire de référendum sur un projet de loi sur la moralisation de la vie publique car les Français y diraient forcément non pour voter contre Hollande !

En clair, dans leur esprit, les citoyens ne votent pas de manière intelligente, mais suivent uniquement leurs pulsions du moment, et comme le contexte économique est mauvais et que le gouvernement n’est pas populaire, ils auraient bêtement voté « non ». C’est le discours habituel de cette élite pleine de morgue et de certitudes, qui nous avait déjà été servies en 2005, malgré une longue campagne et un intérêt très fort des Français, dont le vote était parfaitement cohérent (les électeurs de gauche refusant logiquement cette Europe libérale, au contraire de ceux de droite).

Une remise en cause de la démocratie

Le traitement biaisé de ce référendum pose d’innombrables problèmes. Tout d’abord, les médias ont oublié qu’il y avait de bonnes raisons de voter « non ». Premièrement, les habitants du Haut Rhin pouvaient légitimement s’inquiéter de la potentielle prise de pouvoir du Bas Rhin sur les nouvelles institutions ainsi que de la perte de certains services publics du fait de cette unification. Ensuite, beaucoup ont souligné que le projet local présentait de nombreuses carences.

Plus globalement, on peut se demander s’il était admissible que les collectivités territoriales alsaciennes mettent au point un tel projet. C’est à l’Etat et donc à la France de décider comment réformer ses collectivités territoriales, de manière globale, de façon à ce que tous les citoyens soient traités de la même manière. Si, demain, chaque région décidait de s’organiser à sa manière, nous ne serions plus dans la même République mais dans un conglomérat territorial hétérogène.

Bien sûr, l’Europe serait sans doute ravie de cette autonomisation des régions vis-à-vis de l’Etat central national, qu’elle cherche de toutes ses forces à affaiblir. Mais du coup, le vote des Alsaciens n’en devient que plus réjouissant. En revanche, la réaction d’une partie des élites politico-médiatiques est très malsaine et révèle une pensée profondément antidémocratique, un mépris du peuple, qu’elle juge fondamentalement trop bête pour qu’il décide de son avenir par son vote.

Merci donc aux Alsaciens pour leur vote qui préserve l’unité de la République et bravo aux compagnons de Debout la République qui ont mené campagne en faveur du « non ». Voici une belle leçon apportée à une certaine élite. Nul doute que cette révolte démocratique en préfigure d’autres.

17 commentaires:

  1. Bravo aux Alsaciens qui suivent la voie ouverte par les Guyanais et les Martiniquais lors des referendum de janvier 2010.
    La rage exprimée dans les médias suite à ce vote en dit long sur ce qu'en espéraient ses instigateurs et les défenseurs du oui. Elle fait chaud au cœur.

    Le Gars Huzac

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  2. Cela bouge dans le monde bancaire : http://www.lalibre.be/economie/actualite/article/808258/plus-d-europe-ne-nous-sortira-pas-de-la-crise.html

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  3. L'explication de ces journalistes ne tient pas une seconde pour une raison toute simple. Si cela avait été un vote de protestation, alors on aurait eu un vote uniforme sur les deux départements. Or cela n'a pas été le cas puisque les deux départements ont voté différemment. Au mieux on peut dire que le climat politique a favorisé l'abstention, mais la conclusion reste la même : les alsaciens ne veulent pas de cette décentralisation.

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  4. Pour les journaleux faux-intellectuels et autres minus, est "démocratique" tout ce qui brosse le béni oui oui du système et des lubies à la mode.

    En revanche, si vous exprimez la moindre dissidence, c'est que vous êtes "populistes", "poujadistes", "mal dégrossis" et "du niveau du café du commerce", c'est que vous "n'avez pas assez de culture politique" et qu'il est nécessaire de "faire de la pédagogie", c'est que vous avez une attitude "irresponsable", "épidermique" et "anticitoyenne" ; M. Mélanchon, pour avoir dit des vérités sur Chavez, Cahuzac et Thatcher, expérimente ces anathèmes.

    Quand les bien-pensants montent en gamme dans leurs anathèmes et leurs excommunications, ils vous taxent d' une "réaction qui rappelle les années 1930", vous êtes un bolchevik, pré-fascisant et pré-dictatorial, vous devriez "émigrer en Corée du Nord". Remarquez le mélange des invectives gauchistes et ultralibérales, cette nouvelle idéologie de corniauds issus de la fornication des bobos avec la bourgeoisie réactionnaire traditionnelle.

    Vous noterez aussi le vocabulaire limité et ressassé dans chaque torchon bien-pensant. Cela fait 10 mots de vocabulaire tout au plus (irresponsable, populiste, anti-citoyen, nauséabond, nausée, pédagogie...) : un berger allemand bien dressé peut en retenir 200.

    Pour ma part, j'assume : c'est désormais au bistrot, que je fréquente assidument, que l'on fait la moins mauvaise philosophie et la moins mauvaise politique. Il y a beaucoup plus de bon sens au bistrot que chez les pseudo-intellos du café de Flore et les salons germanopratins, que chez les scribouillards de l'ImMonde et du Libé. Avant, il y a 40 ans, au café de Flore on exprimait des idées profondes sur un ton léger ; par glissement insensible et après la mort des grands, les petits intellos médiocres y expriment des débilités et des considérations superficielles, des foutaises sociologico-fumeuses avec un air de profondeur et de sérieux ridicule.

    Les Français ont, d'ailleurs, à mon goût, une réaction bien molle face aux crasses qui leur donnent des leçons à longueur d'année. Depuis 30 ans qu'on leur marche dessus et qu'ils sont pris pour des cons par ces cons, ils auraient dû depuis longtemps sortir avec des piques et réclamer d'y accrocher leurs têtes. Ils font preuve, bien au contraire des affirmations des foutriquets de médias, de retenue et de civilisation ; ce serait pas mal s'ils se lâchaient juste un peu.

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    1. je plussois généreusement à vos propos !

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  5. Par ailleurs le ton du même milieu journalistique parisien était plutôt élogieux au sujet du projet lui-même dans les jours précédant le référendum. Ce qui prouve qu'avant que les citoyens ne répondent non, les éditocrates voyaient positivement la diabolique procédure. Deux explications :
    - d'abord l'Alsace est la seule région de droite de France métropolitaine (inutile d'évoquer la Corse dont la majorité est illisible), donc ce sont des gens par avance sérieux ;
    - ensuite l'enjeu était somme toute assez faible, et il est bon de consulter une fraction du peuple sur un sujet qui n'engage à à peu près à rien dans l'immédiat.
    C'est comme cela que nos élites voient le référendum, consacré comme un droit politique dans la constitution de la République. Sinon, c'est bien l'interprétation de Homais-Duhamel qui l'emporte : un outil bien trop dangereux puisqu'on ne peut décemment demander leur avis à des êtres aussi frustes que les Français. Le droit d'élire des représentants qui seront toujours les mêmes, c'est déjà bien assez comme ça.
    Francis Commarrieu.

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    1. Complétement d'accord ! Les chiens de garde font bien leur boulot, sauf que les français commencent sérieusement à s'en méfier et cherchent les informations ailleurs.
      Cette infantilisation méprisante des électeurs devient de moins en moins supportable. Comme si un français était incapable de réfléchir, de mettre en perspective un projet et de décider si il est raccord avec l'intérêt général !
      Article 3 de la constitution : " la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum". Toute initiative tentant de nier le résultat d'un référendum est contraire à la constitution et une atteinte à la souveraineté nationale, de fait.
      Quant à la réforme de l'article 11 de 2008, instituant un référendum d'initiative partagée, c'est une vaste fumisterie.

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  6. Evaluation du risque de crise financière par pays, la France en peloton de tête :
    http://www.express.be/business/fr/economy/4-pays-pourraient-bientot-connaitre-des-difficultes-en-europe/188694.htm

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    1. @olaf,
      au pied du podium, comme d'hab :-)...
      Sinon, j'ai une méfiance naturelle envers toute critique venant de l'Allemagne, car elle cherche à influencer notre politique: c'est une ingérence insupportable!
      Si on regarde les trois critères d'analyses, ils me semblent pertinents. Seulement, pourquoi on ne s'attaque qu'au deuxième problème, à savoir les déficits publiques? Pour moi, la taille du secteur financier est un problème bien plus urgent, ainsi que notre dépendance envers des créanciers étrangers!!!
      C'est bizarre que les Allemands n'insistent que sur les déficits publics, et pas sur les deux autres priorités...


      CVT

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  7. Que les Alsaciens se soient méfiés (surtout ceux du Haut-Rhin) d'un projet qui transformait un mille-feuille connu en une usine à gaz probable n'est pas surprenant, surtout quand on voit le schéma de ce qui était prévu:
    http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Pr%C3%A9sentation_du_Conseil_Unique_d%27Alsace_propos%C3%A9_au_suffrage_des_alsaciens.svg

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  8. Enfin, comme en 2005 personne parmi la nomenclatura parisienne n'a fait l'effort de lire et de se renseigner un minimum sur ce projet. Ils répète tous "simplification", "économie".. Ce n’était pas vrai! Une vraie usine a gaz débile ce truc!

    http://idata.over-blog.com/4/44/12/26/Schema-Conseil-pas-unique-d-Alsace-Collectivite-Territoria.jpg

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  9. @Laurent Pinsolle,
    vous faites bien d'insister sur le fait que les référendums doivent être nationaux! La question alsacienne concerne aussi les Français...
    C'est comme pour le référendum pour la départementalisation de Mayotte: les Français auraient dû être consultés, car après tout, il s'agit de savoir où ira nos impôts.
    Pour ma part, si on m'avait consulté, j'aurais refusé toutes réformes décentralisatrices (qui en fait ne font que rajouter des couches administratives sans supprimer les anciennes...) et j'aurais voter contre la départementalisation de Mayotte, territoire qui aurait dû revenir aux Comores...
    Sans trop y croire, j'espère que l'ardeur décentralisatrice des socialistes a été refroidie par ce coup d'arrêt. Etant donné l'impopularité actuelle du gouvernement, et l'utilité immédiate limitée de ces mesures, je crois qu'elles ne seront pas appliquées au cours de quinquennat.

    CVT

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    1. Sur Mayotte, il faut relire la Constitution qui accorde à certains territoires la possibilité de changer de statut par un référendum local.

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  10. @ Gras Huzac, Exvil, Anonymes, Rodolphe & Sylvène

    Bien d’accord avec vos commentaires.

    @ Olaf

    Même si les trois critères sont objectifs, je ne suis pas sûr que juger uniquement sur ces trois seuls critères.

    @ CVT

    Merci. Je suis bien d’accord, c’est sans doute un peu limité comme analyse.

    @ Claribelle et Red2

    Merci pour ces liens.

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  11. @ Laurent Pinsolle

    " Plus globalement, on peut se demander s’il était admissible que les collectivités territoriales alsaciennes mettent au point un tel projet. C’est à l’Etat et donc à la France de décider comment réformer ses collectivités territoriales, de manière globale, de façon à ce que tous les citoyens soient traités de la même manière. Si, demain, chaque région décidait de s’organiser à sa manière, nous ne serions plus dans la même République mais dans un conglomérat territorial hétérogène. "

    Je suis tout à fait d'accord avec vous, c'est même la première chose qui m'a frappé car d'une certaine manière c'est l'indivisibilité (constitutionnelle) de la République qui est remise en cause. Comme vous le dite, c'est à l'Etat de décider de ces choses et en s'assurant d'un également traitement de tous les citoyens (qu'ils aient tous les mêmes collectivités - exception faite du cas spécifique à l'outre mer). Et si l'idée st de s'attaquer au "mille-feuille" alors que se soit le cas partout et d'une même manière.

    Sur un autre thème cela me rappelle le débat sur la possibilité pour les étrangers de voter à certaines élections : cela casse l'unicité du droit de vote (à toutes les élection) ainsi que le lien exclusif entre citoyenneté et vote.

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  12. La honte pour DLR :

    - Lettre ouverte DLR (10 mars 2013) :

    "Ainsi, l’enseignement dans une langue étrangère (principalement l’anglais, on l’aura compris) serait non seulement permis dans nos Universités, mais deviendrait la norme dès lors qu’un partenaire étranger ou qu’un financement européen y serait associé. Notons au passage que celui-ci est en réalité français puisque notre pays est contributeur net au budget européen. Cela reviendrait à financer nous-mêmes l’expulsion de la langue française de l’enseignement supérieur et de la recherche, en d’autres termes, à nous suicider !"

    - Pétition UPR (4 mars 2013) :

    "Ce qui, pour des raisons pratiques circonscrites, pouvait être accepté devient la norme dès lors qu’un partenaire étranger ou qu’un financement européen est associé. Notons que tout financement « européen » accordé à la France est en réalité français puisque notre pays est contributeur net au budget européen : autrement dit, nous allons payer pour expulser nous-mêmes la langue française de l’enseignement et de la recherche !"

    Franchement ça se fait pas. Quand on pompe sur le voisin, on essaye au moins de maquiller...

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  13. Il y a peu, j’aurais dit aussi qu’on méprise le peuple mais depuis que j’ai participé à une élection, je m’interroge sur le raisonnement de ceux qui votent.
    Kassandra

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