Billet invité de Diomedéa professeur agrégé de SVT, docteur en géographie
Luc Châtel et Vincent Peillon nous jurent en chœur et la main sur le cœur qu’ils n’ont pas introduit la « théorie du genre » à l’École. D’ailleurs, nous explique-t-on, il n’y aurait pas de « théorie du genre » – ce serait un fantasme intégriste et réactionnaire – mais simplement des « études de genre » universitaires, qui relèvent de la sociologie. La politique ne ferait que s’emparer de ces études comme nouveau levier pour réduire les résidus d’inégalités entre les hommes et les femmes. On nous informe donc qu’il serait ridicule, que c’est une erreur philosophique grossière, de penser que ces études de genre – relevant du champ des sciences sociales – constituent une négation de l’origine biologique des sexes. Les « études » de genre, le paradigme genriste, ne feraient que s’attaquer aux différences « construites socialement ».
Luc Châtel et Vincent Peillon nous jurent en chœur et la main sur le cœur qu’ils n’ont pas introduit la « théorie du genre » à l’École. D’ailleurs, nous explique-t-on, il n’y aurait pas de « théorie du genre » – ce serait un fantasme intégriste et réactionnaire – mais simplement des « études de genre » universitaires, qui relèvent de la sociologie. La politique ne ferait que s’emparer de ces études comme nouveau levier pour réduire les résidus d’inégalités entre les hommes et les femmes. On nous informe donc qu’il serait ridicule, que c’est une erreur philosophique grossière, de penser que ces études de genre – relevant du champ des sciences sociales – constituent une négation de l’origine biologique des sexes. Les « études » de genre, le paradigme genriste, ne feraient que s’attaquer aux différences « construites socialement ».
Un concept social introduit en SVT
Il se trouve pourtant, étrangement, que l’introduction du concept de genre, en 2010, par le très libéral Luc Châtel, ne se fit pas en SES mais en SVT (dans la partie du programme de 1ère S - je dis bien S et non ES - « devenir un homme, devenir une femme »). Je ne savais pas, en tant que professeur de sciences de la vie et de la Terre, que j’étais qualifié pour enseigner la sociologie… Au-delà de la fausse naïveté, il convient, bien évidemment, de s’interroger sur le sens profond de cette pénétration du genre dans la société et de son attaque prioritaire, qui est loin d’être anodine, sur la biologie. C’est en fouillant là qu’on pourra tenter d’enquêter sur sa vraie nature.
Un aveu énorme se trouve couramment
dans les arguties des genristes : nous, ignares abreuvés au
café-du-commerce que nous sommes, ne savons pas traduire correctement gender : ce terme ne signifie pas
genre mais sexe.
C’est donc bien d’une théorie de l’ontogenèse (du développement) des sexes qu’il s’agit, une théorie sociologique, où l’environnement social joue un rôle majeur dans la formation de
l’être sexué. Introduite en biologie, on appelle cela une théorie
environnementaliste, approche qui a eu des précédents… et je ne parle pas de la
détermination environnementale du sexe des tortues ou des crocodiles sous
l’effet de la température… Cette
intrusion d’un concept extra-scientifique en sciences est à proprement parler
effrayant : c’est le début du totalitarisme. C’est précisément de cette
tâche que le professeur Lyssenko fut chargé par Staline.
Un nouveau lyssenkisme
Environnementalisme radical introduit
en biologie, intrusion de concepts sociétaux dans les domaines scientifiques,
négation de l’inné, exaltation de l’acquis et des conditionnements
sociaux : ce sont là les traits caractéristiques de la « génétique »
soviétique sous Staline. Or, on peut en trouver des conceptions analogues sous
la plume des avocats du genre ; il faut dire que la sociologie française,
depuis Durkheim, est un terrain propice aux idéologies du tout-environnement et
du tout-acquis et la gauche française fonctionne sur le même paradigme.
Ainsi, le sociologue Denis Colombi,
un des gourous du gender en France,
mais aussi un zélateur du « réalisme » économique qui défend
mielleusement des positions néolibérales et atlantistes, a ouvert un blog nommé
« Une heure de peine ». On
y trouve régulièrement des articles pour la défense de l’enseignement du genre.
Dans celui du 15 décembre 2012 intitulé « Du genre face à la paresse intellectuelle », tout commentaire critique
est censuré ; en revanche, dans ceux venant de sa cour, on en trouve
quelques-uns qui sont très instructifs, et félicités par l’auteur du
blog :
« Cyrène a
dit…
Les opposants à la théorie du genre voudraient nous faire croire que l'on
est comme les animaux, chez qui tout est biologique (par exemple chez les
lions, la chasse est réservée à la femelle). Ce qui se trouve dans le règne
animal ne s'applique pas du tout à l'humain. Chez nous, le facteur biologique est de zéro. C'est à nous de nous
défaire de ce conditionnement injuste et de revendiquer notre droit à être qui
nous voulons, ce que nous voulons. »
Tout est dit : la négation de la
biologie, négation de la nature animale de l’Homme associée à la croyance que
nous différons de nos cousins par nature et non seulement par degré. Voilà
pourquoi, surtout si l’on est de formation scientifique, il ne faut pas prendre
à la légère l’introduction du genre en SVT, c’est au contraire un vrai danger.
Cette idéologie du genre a bien toutes les caractéristiques de la pensée de
Lyssenko en URSS constitue
manifestement une doctrine incompatible avec les enseignements de Charles
Darwin.
Ce qui est rassurant, c’est ce qu’en
ont fait les professeurs de SVT et les auteurs des documents dans les livres de
classe. Comme ils ignorent la vraie nature de l’idéologie du genre, ils se sont
tournés, pour l’illustrer, sur le comportement sexuel des Bonobos. Finalement, sans le savoir, ils
n’ont pas du tout enseigné le gender
mais juste fait de l’éthologie comparative classique à la Tinbergen. Ironie du sort, ces excellentes images de Bonobos ont d’ailleurs fait hurler les
conservateurs et les intégristes lefebvristes qui y voyaient de graves
incitations à la débauche impulsées par les pervers défenseurs du genre...
J’appelle néanmoins les professeurs
de SVT à être très vigilants face à cette idéologie antidarwinienne qui n’est
finalement rien d’autre, quelque part, qu’un surgeon, un rejet de souche du créationnisme.
Guy Sorman, le Jdanov du capitalisme
L’Homo
sovieticus, raillé par Alexandre Zinoviev comme le résultat du formatage
communiste, n’est plus à la mode et
on doit s’en féliciter… Toutefois, l’heure est bien sûr à l’Homo economicus. Il suffit d’avoir eu
entre les mains quelques écrits des ayatollahs du néolibéralisme pour
comprendre que leur projet est aussi délirant. Ainsi, pour Guy Sorman, le
capitalisme « peut tout »,
plus aucune barrière géographique, plus aucune limite ne peut arrêter la
croissance inéluctable. Ces fous rêvent de reformater l’Homo economicus pour le rendre compatible avec leur projet.
Or, quand on sait que la théorie du
genre est appuyée et financée par tous les organismes néolibéraux
internationaux (OCDE, FMI, Banque mondiale, Union Européenne, avec pressions et
chantage aux subventions sur les ONG pour qu’elles diffusent le genre en
Afrique), on peut légitimement s’inquiéter. Le néolibéralisme ayant besoin
d’individus interchangeables et insipides pour leur proposer les produits de
consommation standardisés, il n’est pas difficile de voir quels desseins sert
en réalité la théorie du genre. Tout sauf l’émancipation des femmes, à
l’évidence.
Une idéologie répressive et aliénante
sous des apparences progressistes
Le féminisme du XXème siècle
consistait en un combat juridique : droit de vote, possibilité d’ouvrir un
compte et de travailler sans la signature du mari, relations égalitaires du
père et de la mère, mise à bas de la puissance paternelle, revendication de
salaires égaux à travail égal… L’idéologie du genre n’a rien à voir avec ces
légitimes combats : elle nie les différences, les identités et les complémentarités ;
oui, il est désormais interdit de penser
que l’homme et la femme sont complémentaires. Le tout pour mieux servir les desseins des
multinationales qui veulent à la fois des consommateurs formatés et des
employés dociles, malléables et flexibles. C’est bien une idéologie répressive
et aliénante cachée sous le masque de l’égalité homme-femme.
Comme l’a fait remarquer le
sociologue Michel Fize, spécialiste de la jeunesse, une
idéologie est une tromperie à partir du moment où elle écarte les sujets
juridiques ; c’est ce qui s’est passé depuis des siècles avec les
« mineurs » d’âge, d’où la rareté des mouvements revendiquant la pré-majorité.
C’est exactement ce que reproduit la théorie du genre : on ne parle pas de
droit mais de rouge à lèvre, de papa porte une robe, de kilts et de jupes, de
la possibilité de se faire greffer des testicules et de changer de sexe sur sa
carte d’identité aussi facilement qu’une « voiture change de plaque d’immatriculation » (tel est le
dernier délire de la Commission Européenne). «À mesure que diminue la liberté
économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s'accroître
en compensation », Aldous Huxley.
Voilà pourquoi non seulement les
biologistes mais aussi les vrais experts en sciences sociales doivent refuser
le genre comme une nouvelle idéologie absurde voire pré-totalitaire,
malheureusement à la mode chez les sociologues paumés et relayée par toute la
bien-pensance oligarchique.