mercredi 26 mars 2014

A quoi sert le parlement européen ? (billet invité)


Billé invité de Magali Pernin, du très recommandable blog Contre la Cour


Le Parlement européen : une institution récente

Le Parlement européen tel qu'on le connait est né en 1979, année où pour la première fois les membres ont été élus au suffrage universel direct. Avant cela, l'Assemblée européenne était composée de parlementaires nationaux mandatés par leurs paires pour représenter leur pays.
Par conséquent, 1979 est en soit une petite révolution car il marque la naissance d'une assemblée composée d'élus exclusivement choisis pour défendre l'intérêt européen. Seul le Conseil est désormais en charge de la défense des intérêts nationaux.

Avant 1979, plusieurs dates doivent cependant être retenues :
- En septembre 1952, la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) a établi une Assemblée commune de 78 membres issus des parlements nationaux des six pays constituant la CECA.
- En mars 1957, une Assemblée parlementaire européenne est créée avec la mise en place de la Communauté économique européenne (CEE)
- En 1962, cette Assemblée est renommée Parlement européen.

Depuis 1979, l'effectif du Parlement européen a été augmenté à chaque élargissement, passant de 78 députés en 1952 à 788 en 2004. Depuis le 1er juillet 2013, ce nombre est de 766 (736 élus en 2009, 18 supplémentaires depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, 12 députés croates élus en 2013). Le nombre maximum de parlementaires est désormais plafonné à 751.

Les modalités d'élections

Les articles 1er et 2 de l’acte modifié du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct stipulent que les États membres peuvent, dans le cadre d’un scrutin « de type proportionnel », constituer des circonscriptions pour l’élection au Parlement européen ou prévoir d’autres subdivisions électorales « sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ».

En France, le scrutin était "national" jusqu'aux élections de 1999. En 2003, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait déposé un projet de loi mettant en place huit grandes circonscriptions françaises : Nord-Ouest, Sud-Est, Est, Massif-Central-Centre, Sud-Ouest, Île-de-France, Ouest et Outre-Mer.

L'an dernier, un débat s'est tenu au Parlement français sur le rétablissement de la circonscription unique. Après l'approbation de la proposition de loi au Sénat en 2010, les députés des groupes PS, UMP et UDI se sont réunis autour d’une opposition commune à ce texte: les uns jugeant le système actuel suffisamment satisfaisant du point de vue du pluralisme politique, les autres satisfaisant du point du vue du « non émiettement » des voix.
Face à eux, les députés de gauche entendaient, eux, aider les petits partis à gagner quelques sièges au Parlement européen, espérant ainsi susciter l’intérêt des français pour ce scrutin déserté.

La France compte le plus fort taux d'abstention aux élections européennes.

Les pouvoirs du Parlement européen

"Le Parlement européen est sans doute l'institution dont le pouvoir a plus évolué à travers le temps. En résumant, on pourrait dire qu'il passe du presque rien au presque tout" (Florence Chatel)

Doté initialement d'un simple pouvoir consultatif en matière d'adoption des textes (directives ou règlements), le Traité de Lisbonne (article 14 TUE) a fait du Parlement européen un véritable législateur de l'Union. Désormais, le Parlement est placé quasiment sur un pied d'égalité avec le Conseil de l'Union européenne.

Il faut savoir que la procédure de "consultation" a été jusqu'en 1986 la seule procédure d'association du Parlement européen à la décision européenne. Aujourd’hui elle n'existe pratiquement plus que dans les cas où le Conseil de l'UE statue à l'unanimité.
Dans la procédure de consultation, le Parlement ne dispose d'aucun pouvoir de blocage. Les députés sont simplement saisis pour "avis".

L'Acte unique européen a institué une nouvelle procédure, dite de "coopération", qui a permis d'associer plus étroitement le Parlement européen à la prise de décision.
La procédure de codécision est apparue avec le Traité de Maastricht. Chacun des traités ultérieurs a contribué à la généralisation de cette procédure, devenue "procédure législative ordinaire" de l'UE avec le Traité de Lisbonne.

Le Traité de Lisbonne renforce également le poids du Parlement européen dans l'adoption du budget européen (règlement fixant le cadre financier pluriannuel). Celle-ci nécessite désormais un vote à la majorité des membres qui le composent, et non des seuls suffrages exprimés.

Un véritable co-législateur

Dans procédure législative ordinaire, les propositions de texte sont transmises par la Commission au Parlement européen et au Conseil.

Le Parlement européen arrête sa position en première lecture et la transmet au Conseil. Si le Conseil approuve la position du Parlement, l'acte concerné est adopté. Dans le cas contraire, le Conseil transmet sa position au Parlement.
Ce dernier dispose d'un délai de trois mois pour soit approuver la position du Conseil, soit rejeter, à la majorité des membres qui le composent, la position du Conseil (l'acte proposé est réputé non adopté) ou alors proposer, à la majorité des membres qui le composent, des amendements à la position du Conseil, le texte ainsi amendé est transmis au Conseil et à la Commission, qui émet un avis sur ces amendements.
Le Conseil dispose à son tour d'un délai de trois mois après réception des amendements du Parlement européen pour approuver tous ces amendements (l'acte concerné est réputé adopté). S'il n'approuve pas tous les amendements, le président du Conseil, en accord avec le président du Parlement européen, convoque le comité de conciliation dans un délai de six semaines.
Le comité de conciliation, qui réunit les membres du Conseil ou leurs représentants et autant de membres représentant le Parlement européen, a pour mission d'aboutir à un accord sur un projet commun à la majorité qualifiée des membres du Conseil ou de leurs représentants et à la majorité des membres représentant le Parlement européen dans un délai de six semaines à partir de sa convocation. Ce comité est souvent appelé "trilogue".
S'il n'approuve pas de projet commun, l'acte proposé est réputé non adopté. Si, dans ce délai, le comité de conciliation approuve un projet commun, celui-ci est transmis aux deux institutions pour troisième lecture. Le Parlement européen et le Conseil disposent chacun d'un délai de six semaines à compter de cette approbation pour adopter l'acte concerné. À défaut, l'acte proposé est réputé non adopté.

Les domaines soumis à la procédure législative ordinaire sont nombreux. Ils sont principalement liés au marché intérieur (par exemple : interdiction des discriminations, liberté de circulation, transport, ...). Les domaines les plus sensibles demeurent soumis aux procédures législatives spéciales, c'est à dire à l'unanimité du Conseil de l'UE.

A coté de l'approbation des directives et des règlements contraints à ces domaines, le Parlement européen vote un nombre considérable de rapports et de résolutions. Beaucoup de parlementaires regrettent ce gaspillage de temps et d'énergie.

Pas de pouvoir d'initiative réel

La Commission dispose du monopole de l'initiative. Elle seule peut décider de porter un texte à l'approbation des institutions européennes.
Les Etats et les parlementaires ne disposent que d'un droit d'initiative indirect. Selon l'article 225 du TFUE, le Parlement européen peut, à la majorité des membres qui le composent, demander à la Commission de soumettre toute proposition appropriée sur les questions qui lui paraissent nécessiter l'élaboration d'un texte. Si la Commission ne soumet pas de proposition, elle en communique les raisons au Parlement européen.

Le contrôle de la Commission européenne

Si la motion de censure existe depuis l'origine des Traités, le rôle du Parlement européen dans l'investiture du président de la Commission et des commissaires est allé croissant. Désormais, le Parlement se livre à des auditions poussées des commissaires avant de voter leur investiture.
Pour les prochaines élections européennes, les grands groupes parlementaires ont choisi leur candidat à la présidence de la Commission. Ils espèrent ainsi offrir un enjeu mobilisateur aux citoyens européens. Néanmoins, cela n'est pas sans poser problème. D'une part parce que les résultats ne donneront vraisemblablement pas une majorité absolue à un groupe parlementaire. Le choix du Président de la Commission devra donc faire l'objet d'un compromis entre les partis. D'autre part, parce que la Commission européenne est composée d'autant de membres que d'Etat et que le choix d'un candidat par les parlementaires engage l'Etat dont il partage la nationalité.

Le fonctionnement interne

Connaissez-vous la loi d'Hondt ? Cette règle, non écrite, est pourtant fondamentale dans le fonctionnement du Parlement européen. C'est elle qui, par un savant partage de points entre les groupes parlementaires selon leur poids respectif, permet d'attribuer les rapports ainsi que les postes dans les 22 Commissions composant le Parlement.

Ainsi, les groupes politiques positionnent leurs "points" sur les Commissions qu'ils souhaitent présider.
Il y a, à ce propos, une anecdote caractéristique de l'ambiance unique qui règne au Parlement. Celle de la Commission du commerce international qui, lors de sa création en 2004, a vu Jean-Marie le Pen présider la séance (car il en était alors le doyen) et organiser ainsi le vote désignant Helmuth Markov, membre de la Gauche unitaire, comme président de la Commission.

Un Président issu de la gauche radicale applaudi par un doyen d'extrême droite ? L'exemple est cocasse et certes tiré par les cheveux. En tout cas, il montre que, loin des caméras et de la pression médiatique et électorale, le travail au Parlement européen est souvent fait de consensus et de compromis.
Si la plupart des textes sont adoptés par les deux grands groupes politiques (les socialistes et le parti populaire), c'est parce qu'avant les séances plénières, les groupes d'opposition échangent souvent leur approbation contre des amendements.
Puisque dans la plupart des cas, la droite disposant de la majorité des sièges, les textes proposés par la Commission seraient adoptés, les groupes d'opposition cherchent à améliorer, plus ou moins à la marge, les directives et les règlements.

Lors des séances plénières, on voit ainsi selon les amendements, des vagues alliant tantôt socialistes, centristes, et parti populaire, tantôt socialistes, écologistes et gauches radicales.
Avant chaque séance de votes, on peut dire que les jeux sont faits, les alliances décidées. Chaque parlementaire entre dans l'hémicycle avec une "feuille de vote" précisément remplie. Pour chacun des amendements et textes votés, les consignes de votes sont connues.

Ces feuilles de vote sont tellement sensibles que les passages menant à l’hémicycle sont sérieusement surveillés. L’idée serait bien vite venue à l’esprit d’un lobbyiste d’échanger la feuille de vote d’un parlementaire avec une autre plus favorable à ses causes.

C'est certain, il faut au moins une fois dans sa vie, assister à une séance de vote au Parlement européen. C'est là un spectacle très étonnant, voire effrayant, que de voir pendant près d'une heure les mains des parlementaires sans cesse se lever, se baisser, à un rythme effréné. 

4 commentaires:

  1. Merci ... mais ça ne me donne vraiment pas l'envie de voir l'UE et ses instances perdurer sous cette forme ...

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  2. « Lors des séances plénières, on voit ainsi selon les amendements, des vagues alliant tantôt socialistes, centristes, et parti populaire, tantôt socialistes, écologistes et gauches radicales. » En effet. Je ne peux que recommander le site VoteWatch pour suivre les alliances politiques et nationales possibles.

    Par exemple, dans un vote récent sur le renforcement des outils anti-dumping (douanes sur les produits chinois par exemple..), la majorité était assez intéressante : tous les eurodéputés socialistes, écolos et gauchistes pour, ainsi que tous les députés « latins » et la plupart des pays de l'Est. Ainsi on avait une majorité « protectionniste » sud-orientale..

    http://www.votewatch.eu/en/protection-against-dumped-and-subsidised-imports-from-countries-not-members-of-the-eu-draft-legislat-8.html

    « C'est là un spectacle très étonnant, voire effrayant, que de voir pendant près d'une heure les mains des parlementaires sans cesse se lever, se baisser, à un rythme effréné. » En effet !

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  3. @ A-J

    Bien d'accord

    @ CJWilly

    Merci pour ce témoignage

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  4. Gilbert Perrin a partagé un lien.
    il y a 14 heures
    TR: C'est court, mais virulent


    > C'est peut être excessif mais... oui, c'est éloquent, voilà qui est dit.
    > C'est court et virulent ! C'est plutôt rare pour être passé en boucle...
    > ...Afficher la suite

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