samedi 12 juillet 2014

La caste cannibale (Coignard – Gubert) : PS, UMP et LBO (billet invité)


Billet invité de l’œil de Brutus.

Le leveraged buy-out, abrégé en LBO, terme anglais pour acquisition avec effet de levier, ou encore acquisition par emprunt ou rachat d'entreprise par endettement1, est une technique financière parfois utilisée pour acheter une entreprise. Le « LBO » consiste à financer une fraction du rachat d'une entreprise en ayant recours à l'endettement bancaire ou obligataire, ce qui permet d'augmenter la rentabilité des capitaux propres. La dette d'acquisition, bancaire ou non, est remboursée par une ponction plus importante sur les flux de trésorerie de la société achetée[i].



L’ensemble des faits relatés ci-après sont extraits de La Caste cannibale  de Sophie Coignard et Romain Gubert (Albin Michel 2013).

Les victimes …

En 2006, Novasep, une société lorraine en pointe dans la chimie fine, est rachetée par un fonds néerlandais. 5 ans plus tard, l’entreprise est en difficulté … L’Etat s’en mêle et vient à son secours par le biais du FSI qui y injecte 30M€ tout en laissant les hedge funds américains qui avaient prêtés l’argent de l’acquisition prendre le contrôle de Novasep. Pourtant Minafin, un autre spécialiste français de la chimie, avait un projet de reprise. Mais le FSI lui a préféré les Américains !

Pages Jaunes représentait un fleuron de l’internet français et dégageait de forts bénéfices. Jusqu’à ce que Goldmans Sachs et  KKR  s’en empare par le biais d’un LBO. Complètement vampirisées par ce système qui l’a contraint à rembourser le coût de l’investissement de ses nouveaux actionnaires, Pages Jaunes est tombé au plus bas et ne s’en est jamais remis.

Le LBO a eu ses précurseurs en France : Les frères Willot avaient fait de même dans les années 1970 pour créer un empire qui sera par la suite repris par Bernard Arnault pour devenir LVMH. Saut qu’à l’époque ces pratiques étaient illégales et que les quatre frères ont fini en prison (pages 278-279) !

Le système des LBO est d’autant plus aisé que les cadres dirigeants de la proie sont complices, ce qui peut aisément s’arranger en les intéressant à l’opération par le biais de carried interest. Et c’est parfaitement légal !

Les prédateurs …

Dans ces spécialistes des LBO, on trouve couramment des proches du pouvoir politique :
-       Ancien inspecteur des Finances passé par la Commission des opérations de bourse (COB),  proche de René Monory auprès de qui il a travaillé à la présidence du Sénat, Hervé Gastinel a monté un LBO sur Terreal et a œuvré pour Saint-Gobain ;
-       Robert Daussun (ancien des cabinets de Michel Charasse, Michel Sapin et  Martin Malvy) est un pro de l’effet de levier, ce qui lui a permis de se bâtir la 370e fortune française (selon Challenges).
-       Ancienne du Cabinet Fabius, passée par Mc Kinsey et le FMI, Hélène Ploix s’est associée à Jean Gore (un de donateurs du « Premier cercle » de Nicolas Sarkozy) pour monter une alliance avec Jean-Daniel Camus (ancien conseiller de VGE à l’Elysée et patron du fond de LBO Orium) pour s’emparer des slips Eminence.

Toutefois, la liste des entreprises malades des opérations de vampirisation des LBO a tout de même finit par émouvoir quelques politiques. Jérôme Chartier (UMP) a ainsi voulu faire un rapport parlementaire sur le sujet. Il a été confronté à l’interposition nette de Valérie Pécresse et de Philippe Marini. Celui-ci s’est également opposé au projet de la majorité PS de plafonner la déductibilité des intérêts d’emprunts des LBO (aussi invraisemblable que cela puisse paraître les fonds de LBO bénéficient de ristournes fiscales pour leurs pratiques !). Mais il ne faut pas oublier que Philippe Marini a longtemps siégé au Conseil de surveillance de Gimar (banque conseil en fusions-acquisitions) et à celui de CIPM (holding d’investissements et de placements mobiliers). Il n’a toutefois pas eu besoin de s’opposer trop vertement aux projets du gouvernement : une fois élu, François Hollande s’est vite endormi sur sa promesse de campagne de supprimer les avantages fiscaux des LBO (tout juste la déductibilité des intérêts d’emprunt est-elle passée de 100 à 75%).

Pour retrouver les autres articles sur La Caste cannibale :



-       La pieuvre financière.

A lire également, la série d’article sur L’Oligarchie des incapables.




[i] Source : Wikipédia. 

1 commentaire:

  1. Merci pour ce texte. Tout le problème économique de l'occident est dans sa financiarisation et pas dans un quelconque privilège des cheminots ou même des employés de la SNCM c'est ridicule...

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