jeudi 16 octobre 2014

Proposer un programme environnemental allant à contre-courant des Diafoirus à la mode mais parfaitement en phase avec les approches récentes de la recherche (billet invité)


Billet invité de Rodolphe DUMOUCH
Professeur agrégé de biologie et géologie
Docteur en géographie (rurale) de l’Université d’Artois
Coordinateur éco-école au lycée Jean-Moulin de Revin (08)


Quand les bobos veulent interdire les « foyers ouverts »

Parmi les dernières lubies à la mode en environnement, la velléité d’interdire les « foyers ouverts », autrement dit les barbecues, les feux de cheminée et les foyers des camps scouts est l’une de celles qui laissent sans voix.

Cela fait des centaines de millions d’années qu’il y a des incendies de forêts naturels et que la planète les résorbe. Non seulement c’est un phénomène inévitable mais les scientifiques ont fini par admettre que c’était indispensable pour favoriser l’ouverture des formations végétales, permettant ainsi leur renouvellement. Mieux : on a découvert que certaines espèces ne peuvent se reproduire sans incendies, comme le fameux Pinus contorta de Yellowstone, qui a convaincu les gestionnaires du Parc d’interdire les incendies naturels…

Rien qu’en France, chaque année, il brûle environ de 1000 hectares de forêt ; la biomasse étant d’un ordre de grandeur de 100 tonnes par hectare, le moindre petit hectare fait 10.000 barbecues à lui tout seul. L’argutie des « particules cancérigènes» que nous respirerions ne tient pas. Voilà des siècles d’incendies naturels doublés d’agroforesterie et des siècles de défrichements, d’essartage et d’écobuages qui ont laissé tant de traces dans notre toponymie (« brûlis », « les sarts », « Etrépigny », « Ransart », « Gespunsart », « Sévigné », « Savigny », « la Selve », « Les Essart », « les Ecobuages », « Arcy », « bois d’Arcy »…). Pas besoin de nous balancer des « zétudes » quand l’examen des simples ordres de grandeur, de l’ordre de 104, suffit à régler la question. Le doublement des cancers en 20 ans droit trouver ailleurs son explication ; à se demander d’ailleurs si ces escrocs intellectuels ne sont pas payés pour couvrir la vraie cause – la cancérologue évincée de Garches pourrait en dire long sur ce scandale.

On s’autorise encore plus à le penser quand ils nous sortent que brûler du bois dans une cheminée, cela produit du CO2 dangereux pour l’effet de serre, comme je l’ai lu dans les arguties des bureaucrates parisiens qui élucubrent et édictent des règlements. Ils ne savent même pas faire la différence entre du carbone fossile et du carbone non fossile. Aussi risible que ces « écologistes » de Paris à la Contassot qui ne savent même pas reconnaître le chant d’un pinson, d’un troglodyte ou d’une fauvette ni faire la différence entre un charme et un hêtre…

Outre l’incompétence, il ya, chez ces gens-là, une manie de tout interdire, de tout calibrer, de tout contrôler, de tout normer, de tout aseptiser et de tout taxer. Depuis mai 1968, ils sont passés de « il est interdit d’interdire » à « rien n’est permis », ils ont viré du permissif au répressif et, par ailleurs, du libertaire au néolibéral…

Formuler un vrai programme environnemental intégrant les données naturelles et sociales.

C’est contre cet état d’esprit lamentable et sordide – caractérisant souvent EELV – que nous devons poser un programme capable de réconcilier les Français avec l’environnement et de provoquer autre chose qu’un légitime rejet dû à l’exaspération que provoquent ces faux-intellectuels. Il faut savoir que leur mentalité est à l’exact opposé de l’esprit du développement durable, qui doit impérativement intégrer tant les données naturelles que les données économiques et sociales.

Dans ce genre, voici le sociologue parisien Gerald Bronner qui produit essentiellement une littérature politiquement correcte sous couvert de scientificité et de lutte contre les croyances (sauf celles insufflées par les médias du système, qu’il serait « irrationnel » de mettre en doute). Il a commis un article intitulé « Dessine-moi une ville écologique ! » dans la revue Pour la Science (n°442, août 2014). Cet article est un condensé des lubies technocratiques à la mode chez les urbanistes mais dépassées d’au moins 20 ans en recherche. Selon l’auteur, la mode de vie « écologique » par excellence est de vivre entassés dans des immeubles « les uns sur les autres » (sic), dans un monde d’asphalte, de béton et de verre empilé verticalement. L’idée est de concentrer les habitants pour laisser la nature intacte à l’extérieur. C’est une conception en fait très proche de l’écologisme intégriste dénoncé par le géographe Philippe Pelletier. Et c’est surtout contraire aux recherches contemporaines qui ne cherchent plus à opposer une nature originelle, « climacique », vierge de l’action anthropique aux espaces habités.

C’est par la diversité des habitats auquel l’action anthropique contribue que l’on favorise la biodiversité. La multiplication des lisières, des écotones, des espaces découverts et des espaces fermés, des closeaux, des bocages et des secteurs d’openfield est ce qu’on peut faire de mieux : une lisière contient, en effet, généralement les espèces des deux milieux qu’elle côtoie auxquelles s’ajoutent ses espèces particulières. A cette caractéristique doit s’ajouter la connectivité entre chaque type de milieu : la présence de corridors, de « synapses » et d’étroitures de chaque milieu le permet. A la frontière franco-belge, j’ai pu identifier des parcellaires qui répondent à l’ensemble de ces caractéristiques. Elles sont produites par la présence de villages formés depuis le Moyen Âge et entretenus dans leur finage grâce à l’habitat individuel en maisons anciennes et grâce à l’agriculture. Ce sont des lieux de flux biologiques important, car toute espèce de chaque milieu peut facilement passer d’un endroit à l’autre sans trouver beaucoup d’obstacles. Cela explique les cas d’arrivées, en France, d’espèces d’Europe centrale par les Ardennes.

Vider la campagne de ses habitants laisserait, au même moment, de nombreuses friches qui évolueraient toute au même stade. Nous irions ainsi, en un siècle, vers un environnement boisé totalement fermé et surtout avec une pyramide des âges très déséquilibré, à l’inverse de ce qu’étaient les forêts primaires idéalisées par les « écologistes » (forêts originelles qui en fait n’ont jamais existé en Europe puisque la remontée de forêt consécutive à la fin de la glaciation s’est faite conjointement à l’arrivée des populations néolithiques). C’est à cette catastrophe que mèneraient les lubies de M. Bronner.

Il faut donc favoriser, au contraire, l’habitat individuel rural, voire l’habitat dispersé (d’ailleurs profondément traditionnel en Bretagne et dans les contrées gaéliques). Cela ne veut pas dire, bien sûr, promouvoir l’habitat pavillonnaire standardisé, qui en est une contrefaçon, avec ses maisons en béton, vendues le plus cher possibles par les promoteurs, avec des grillages partout, avec l’impossibilité pour le piéton comme pour la faune de traverser sans être renvoyé en arrière par des voies en raquette (ignoble aménagement s’il en est), avec des plantes ornementales japonaises et des pesticides partout. Le pavillonnaire des promoteurs doit être combattu comme une forme dévoyée d’habitat individuel, où  l’uniformité tue justement l’individuel. Sans compter, dans certains lotissements, l’interdiction de faire pousser ses légumes sous peine d’amende ! Face à ces projets, il manque la volonté de réhabiliter les habitats anciens, où la géologie locale se lit sur les murs de pierres des maisons et dont la disposition était logique, permettant de circuler et compatible tant avec les flux biologiques qu’humains.

Il serait bon, dans ce type d’environnement à réhabiliter, d’éviter les grillages (surtout quand ils sont d’initiative publique) et de cesser de planter des ornementaux japonais, souvent producteurs d’acide cyanhydrique qui stérilise le sol. Il faut leur préférer, pour les haies, les essences européennes, de préférence avec les souches génétiques spontanées du lieu. Il y a, pour réaliser un tel objectif, une part d’éducation des habitants à l’environnement à réussir.

« Il faut lutter contre le mitage », disent-ils.

Dans les discours des politiciens aménagistes, on retrouve souvent des expressions galvaudées du type « Il faut lutter contre le mitage  » qui relèvent de l’incantation idéologique contre l’habitat individuel. Ils appellent avec mépris « mitage » l’habitat dispersé ; je l’ai entendue répétée même en Bretagne où l’habitat a toujours été dispersé. Vous remarquerez que c’est toujours l’individu lambda qui est visé par les mesures contraignantes que rêvent de prendre ces technocrates de peu de compétences. Il nous faut démonter ce langage formaté et réhabiliter des vraies notions de géographie et d’aménagement. Derrière leur verbiage, se cache en fait de puissants intérêts fonciers et financiers. Dans les années 1980, une maison coûtait 200.000 francs et non 200.000 euros comme aujourd’hui : les prix ont donc multiplié par 6. Leur volonté d’entasser les gens n’a pas d’intérêt écologique, bien entendu, mais sert les intérêts de la caste immobilière qui rend le logement inaccessible tout en vendant des bâtiments de basse qualité (type pavillons en ciment aménagés en raquette) le plus cher possible. Nous devons dénoncer cette escroquerie immobilière qui dure  depuis 25 ans et a volé à peu près une maison à chaque famille (avant, une femme de ménage avait sa maison, un ingénieur sa maison secondaire).

A ce scandale s’ajoutent les spéculations et les expropriations au nom du soi-disant « intérêt général » et y opposant le soi-disant « NIMBY » (Not In My BackYard). On trouve de nombreuses pétitions en ligne mettant en exergue ces mafias en col blanc qui évincent l’habitant en prétextant de « l’intérêt général ». Le géographe Augustin Berque réfute ces approches technocratiques depuis 25 ans, proposant un système intégrant les habitants et leurs représentations dans le système d’aménagement local en incorporant le concept de « médiance », inspiré de ses connaissances sur le japon. Le sociologue Dominique Boullier, dans un livre intitulé Derrière chez moi l’intérêt général, relatait déjà en 2001 ces nombreuses expériences locales où  l’action des citoyens fut décisive et positive en termes d’environnement. Cela est possible pour toutes les thématiques, comme on sait le faire depuis près de 150 ans avec Georges Fabre au Mont Aigoual ! 


Connexions des milieux forestiers mais aussi des milieux ouverts et des écotones dans les clairières du secteur de Bièvre et Paliseul
(Ardennes Belges, près de la frontière française).


La question de la déconcentration économique, du travail à domicile et du télétravail.

La réhabilitation de ne villages rejoint d’autres questions pour l’aménagiste : celle de la disparition des services publics, voulu sciemment par les bureaucrates de l’UMP et du PS ; mais aussi celle de la concentration économique autour des centres et des axes due à la mondialisation.

En 1975, Joël de Rosnay prévoyait que le développement du numérique permettrait justement, notamment grâce au télétravail, de repeupler les villages français. C’est exactement l’inverse qui s’est produit. Cela ne tient pas qu’au mondialisme mais bien, parfois aussi, à la mentalité franchouillarde des DRH et des chefaillons en entreprise. Le travail à domicile, les horaires libres, le télétravail commence heureusement à se développer peu à peu. C’est l’avenir et ses conséquences environnementales sont innombrables : moins de frais de bureaux, moins de déplacements inutiles, moins de pollution, moins de stress, moins de « management » et de flicage, moins de concentration à Paris. Ce qui est aujourd’hui perçu, par les démagogues sordides à la Ségolène Royal, comme un privilège des enseignants à abattre, pouvoir travailler en partie chez soi, devrait être au contraire largement développé et étendu à d’autres professions.

Les conséquences pourraient d’ailleurs au-delà encore. Ainsi, pour DEI-France (principale association de défense des droits de l’Enfant) promeut le mobilier urbain adapté aux enfants et à leur taille. C’est louable ; mais il serait tout autant souhaitable de réhabiliter nos villages avec des enfants qui y jouent librement, scènes que l’on a désormais presque oublié.

Le développement de l’activité locale passerait aussi, c’est un sujet à prendre avec courage politique, par le retour d’objets facilement réparables offrant des emplois et des commerces sur place, comme le prônait déjà J. de Rosnay dans le Macroscope en 1975. Cela signifie s’attaquer vraiment à l’obsolescence programmée, aux valises électroniques qui interdisent au garagiste de réparer une voiture (il faut aller en concession), aux pratiques mafieuses de vente d’appareil prévis pour lâcher le lendemain de l’expiration de la garantie

L’environnement, une vaste question à traiter par des cahiers de doléances.

L’environnement est une question trop vaste pour être traitée en un petit programme. L’une des principales questions qui préoccupe nos concitoyens, nos PME, nos agriculteurs et nos artisans est l’inflation réglementaire délirante. Cette chasse aux absurdités ne peut se faire que par des cahiers de doléances.

De trop nombreux lois et règlements, partis d’une bonne intention, débouchent sur des absurdités quand ils sont appliqués stupidement, à la lettre, par des subalternes caporalisés. Ainsi, il est louable de protéger la faune sauvage mais doit-on pour autant interdire à un couple de retraités de recueillir un marcassin orphelin et le pourchasser en justice avec ordre d’euthanasier l’animal apprivoisé (confère la pétition en ligne « mes opinions » à ce sujet)  ? Le rôle des citoyens et des juridictions pragmatiques de proximité, des fédérations de chasseurs, des associations et des naturalistes pour lutter contre les absurdités légalistes, est fondamental. Une des tares du juridisme à la française est l’incapacité d’imaginer des entre-deux, des situations marginales ou particulières, qui sortent du tout ou rien. L’impossibilité pour un ENArque d’imaginer, en matière sociale, autre chose que des seuils absurdes alors qu’en 5ème un élève sait faire une courbe pour lisser et éviter que pour 1 franc de revenu en trop on perde 1000 francs. Ce funeste travers procède du droit romain et de l’Eglise romaine : impossibilité d’imaginer un entre deux, la pré-majorité, entre les situations de mineurs et de majeurs ; impossibilité, en religion catholique, d’imaginer la mort comme un passage entre deux, d’où les nombreuses absurdités – qui font hurler les orthodoxes – comme les musulmans, les protestants et même les enfants morts sans baptême longtemps mis en enfer… Face à ces pesanteurs d’origine culturelle, il y a un travail à faire dans les 500.000 lois et règlements qui bloquent notre pays ; travail d’autant plus salutaire à être fait par nous que cette situation sert de prétexte à nos adversaires  néolibéraux pour nous imposer leur idéologie.

En matière d’environnement, nous avons pourtant, paradoxalement, un atout énorme : les parcs naturels à la française, intégrant les habitants et des activités économiques, sont uniques au monde et deviennent, ces dernières années, un modèle pour d’autres parcs de préservation dans le monde. Ils sont pratiquement les seuls à intégrer ainsi nature et société et c’est désormais le paradigme le plus moderne en matière de recherche environnemental.

Ce paradigme peut se décliner dans de nombreuses thématiques : la ville qui est devenue le refuge des abeilles ; la consommation du papier qui donne des revenus aux sylviculteurs et donc permet de développer la forêt (l’inverse de l’idée reçue du papier qui tue les arbres).

L’ensemble des questions est trop vaste et nécessiterait de s’y pencher point par point dans cet esprit ; je pense, entre autres, à la question de la pollution lumineuse nocturne qui ne peut se résoudre autoritairement en plongeant sans explication les villes dans le noir...

Faire un bon programme, proche des citoyens, en environnement, est salutaire. Dans notre monde aseptisé, faire repousser partout où on peut le brin d’herbe à travers l’asphalte est un acte révolutionnaire. 

28 commentaires:

  1. Les prix de l'immobilier ont augmentés depuis les années 1980, mais sans doute de moins que 6. Il faut tenir compte de l'inflation.

    Par contre, il y a une différence de 1 à 2 entre la France et l'Allemagne, et plus en région parisienne. Cela vient sans doute en partie de l'évolution démographique, et peut-être également de choix politiques comme vous l'indiquez.

    Ce qui est sûr, c'est que cela pèse lourd sur un budget. Plus que la hausse des impôts, en tout cas, pour la plupart des jeunes.

    Quant au télétravail, il s'est déjà un peu développé : la modération des articles du Figaro, par exemple, s'effectue en partie en Afrique du Nord, tout comme un certain nombre d'emplois dans les centres d'appel.

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    1. J'ai gardé la mémoire de ces années 87-89. On trouvait une baraque à 150.000 francs et le SMIC était à 4500 balles...

      Maintenant, les baraques sont à 250.000 euros et le SMIC n'est pas à 6000 euros.

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    2. Sinon, je parle bien de travail en partie à la maison, pas à 100% à la maison en Chine...

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    3. Et encore, en 87-89 l'immobilier avait déjà fortement augmenté depuis la décision de Giscard dans les années 1970 d'interdire les immeubles de grande hauteur et d'annuler les programmes de villes nouvelles.

      Il y avait déjà un grand nombre de jeunes qui dormaient dans la rue ou dans les gares. La situation des jeunes et des plus pauvres était déjà intolérable et scandaleuse.

      Les classes moyennes s'en foutaient parce qu'elles croyaient qu'elles ne seraient jamais pénalisées par cette politique consistant à créer délibérément la pénurie, et donc sacrifier les plus démunis, pour faire monter les prix au seul profit de la classe possédante.

      Elles se sont trompées. Elles ont eu ce qu'elles méritaient.

      Ivan

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  2. Quelques coquilles.
    "qui a convaincu les gestionnaires du Parc d’interdire les incendies naturels… "... Qui a convaincu d'arrêter d'éteindre les incendies naturels, bien sûr.

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  3. "Ce funeste travers procède du droit romain et de l’Eglise romaine"

    Mais...Bonaparte n'aurait-il pas lui aussi trempé dans l'affaire, par hasard ?

    "Cette chasse aux absurdités ne peut se faire que par des cahiers de doléances."

    Peut-être. Mais, dans ce cas, il faudra prendre soin de mettre une limite d'âge, ne laisser commenter que les plus de 30 ans par exemple.

    Vous savez bien comment procède EELV : ils font de la retape auprès de nos jeunes concitoyens, toujours un peu mous du choux, et risqueraient d'influencer la consultation de cette manière.

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    1. Bonaparte a bien sûr trempé dans l'affaire, à fond...

      Vous continuez d'ailleurs dans le genre, en excluant les jeunes, qui sont loin d'être séduits par les bobos d'EELV... Vous vous trompez d'une génération et les 68tards ont 65 ans aujourd'hui.

      Au passage, voici mon travail pour la pré-majorité des 15-17 avec mes lycéens, de façon à, au contraire, inclure rapidement les jeunes : http://www.pre-majorite.fr

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  4. Ce qui a rendu la vie à la campagne insupportable, ce ne sont pas seulement ces hideux lotissements pavillonnaires où on n'a même pas le droit de décider soi-même de la couleur des volets ou de la hauteur de la cloture, et où on a moins d'intimité que dans une barre ou une tour HLM.

    Il y a aussi la décision d'empêcher les jeunes et les pauvres d'avoir une voiture :

    -permis de conduire transformé en parcours du combattant hors de prix, un scandale unique au monde,
    -contrôle technique obligatoire pour que les jeunes ne puissent plus trouver de voiture d'occasion à un prix abordable comme dans les années 1970,
    -accès à la ville de plus en plus difficile pour ceux qui n'y habitent pas (suppression de voies d'accès, de places de stationnement et renchèrissement de celles-ci)
    -suppression de la licence qui permettait aux jeunes de conduire une 125 dès l'âge de 16 ans après une simple épreuve théorique.

    Signalons aussi que les contôles d'alcoolémie systématiques et draconiens à la sortie des bars, restaurants et discothèques ont pour but d'acculer les restaurants en rase campagne à la fermeture comme de priver les jeunes de véhicule, et que cela a marché.

    Ivan

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    1. Excellents constats. J'ai, en effet, trop tendance à débuter l'histoire à l'époque où je me suis fais ma conscience politique (années 1980-90, mes années d'études secondaires).

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    2. Merci !

      Ma conscience politique date des années 1970, et ceux qui ont bien connu les années 1960 et 1950 me considèrent comme un naïf ou un ignorant.

      Comme on ne pouvait pas acculer les bars des villes à la fermeture seulement avec les contrôles d'alcoolémie, vu qu'on n'a pas besoin de voiture pour aller au bistrot quand on habite dans le centre, ils ont aussi interdit le tabac.

      Les fumeurs sont obligés de sortit pour fumer leur cigarette, cela fait du bruit et les riverains, surtout les bobos qui désormais sont les seuls à avoir les moyens de payer les loyers de ces quartiers, exigent la fermeture administrative.

      Il y a une relation mécanique entre la manière dont on traite les gens qui habitent en ville et ceux qui habitent à la campagne. Ne serait-ce que parce que quand on bloque toute construction supplémentaire en ville les citadins en surplus sont bien obligés de chercher en proche puis en lointaine banlieue, faisant monter les prix jusqu’à la campagne.

      Merci pour cet excellent papier.

      Ivan

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  5. Saine lecture, il est toujours bon de rappeler que le paysage ne se construit pas ex nihilo, mais de la main de ceux qui sont au pays, les paysans. Et que le paysage n'est pas une carte postale, mais un milieu de vie, qui influence ses habitants.
    M. Dumouch, avez vous écrit, où peut on trouver des voix similaires à la votre ?
    Contrescarpe, amateur passionné d'habitat vernaculaire

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    1. Eh bien, à vrai dire, c'est toute la géographie rurale classique :
      BECHMANN R., Des arbres et des hommes, la forêt au Moyen Age, Paris, Flammarion, 1984, 384 p.
      BLOCH M., Les caractères originaux de l’histoire rurale française, Paris, Armand Colin, 1988, 316 p.
      DEFFONTAINES P., L’homme et la forêt, Paris, Gallimard, 1969, 186 p.
      DION R., Histoire de la vigne et du vin, Paris, Flammarion, 1959, 768p + 15p de planches.
      DION R., Essai sur la formation du paysage rural français, Tours, Arrault, 1934, nouvelle édition 1991, 173 p.
      FLATRES P., Géographie rurale de 4 contrées celtiques : Irlande, Galles, Cornwall & Man, Rennes, librairie Plihon, 1957, 620 p.
      FLATRES P., L’évolution des bocages, Norois, Poitiers, tome 26 n° 103, 1979, pp 303-320.
      MEYNIER A., Les Paysages agraires, Paris, 1958, A. Collin, 192 p.
      MEYNIER A., Atlas et géographie de la Bretagne, Paris, Flammarion, 1976b, 293 p + 32 p de cartes et 98 p de planches.
      PITTE J-R, Histoire du paysage français, Paris, Taillandier, 2003, 444 p.
      PINCHEMEL P., Géographie de la France, Paris, Armand Colin, 1964, 2 tomes, 662 p.
      SORRE M., Les fondements biologiques de la géographie humaine. Essai d'une écologie de l'homme. Paris, Armand Colin, 1943, 440 p.

      OUVRAGE ANCIEN REMIS EN CAUSE MAIS TRES SYMPA :
      ROUPNEL G., Histoire de la campagne française, Paris, Grasset, 1932 rééd. 1974, 431 p.

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    2. Et ici une liste (loin d'être exhaustive) d'ouvrages et articles plus modernes :

      ANTOINE A., Archéologie du paysage et histoire culturelle de l’Ouest, Rennes, PUR, 1998.
      ABBE J.-L., « Formation du paysage médiéval dans le bassin parisien : Villeneuve-l’Archevêque (Yonne) ». Archéologie médiévale XXIII, Paris, CNRS Editions, 1993, pp 57-105.
      ANTOINE A., Paysages de l’historien, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, 340p.
      ANTOINE A. (dir.), La maison rurale en pays d’habitat dispersé, de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, 2005, 417 p.
      BAILLOUD G., BERTRAND G., FOURQUIN G., LE GLAY M., La Formation des campagnes françaises, des origines au XIVe siècle, tome 1 de DUBY G., WALLON A. (Sous la direction de), Histoire de la France rurale (en 4 tomes), Paris, Seuil, 1975, 624 p.
      BALENT G. (éd.), La forêt paysanne dans l’espace rural. Biodiversité, paysages, produits. Etudes et recherches sur les systèmes agraires et le développement n° 29, Versailles, INRA, 1996, 267 p.
      BAZIN P., SCHMUTZ T., La mise en place de nos bocages en Europe et leur déclin, Nancy, Revue forestière française, n° spécial, 1994.
      BERQUE A., Médiance de milieux en paysages, Montpellier, GIP-Reclus, 1990, 163 p.
      BERTRAND G., « Le paysage entre nature et société », Revue de géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, 3, Toulouse, PU du Mirail, 1968b.
      BONNAMOUR J., Géographie rurale, position et méthodes, Paris, Masson, 1993.
      BOULLIER D., Derrière chez moi l’intérêt général, le bois de Soeuvres à Rennes dans Le Génie Associatif, 10 portraits, Paris, Textuel, 2001, 95 p.
      BRUN A. (dir.), Le grand atlas de la France rurale, Paris, de Monza, 1989, 494 p.
      BRUNET P., L’Atlas des paysages ruraux en France, Paris, De Monza, 1992, 200 p.
      BUREL F., Dynamique d’un paysage, réseaux et flux biologiques. Thèse de doctorat en sciences naturelles, option écologie, Rennes, Université de Rennes 1, 1985, 235 p.
      CHALEARD J.-L., CHARVET J.-P., Géographie agricole et rurale, Paris, Belin, 2004, 240 p.
      CHOUQUER G., Histoire d'un paysage entre Bourgogne et Franche-Comté - de l'époque gauloise à nos jours, Paris, Editions Errance, 1993, 119 p.
      CHOUQUER G., « Aux origines antiques et médiévales des parcellaires », Histoire et sociétés rurales n°4, pp 11-46, 1995.
      CHOUQUER G., L’étude des paysages. Essai sur leurs formes et leur histoire, Paris, Edition Errance, 2000, 208 p.
      DANAIS M., du bocage au développement soutenable en Bretagne, Penn ar bed, n° 153/154, «Talus de Bretagne », Brest, SEPNB, 1994.
      DIRY J.-P., Les espaces ruraux, Paris, SEDES, 1999, 192 p.
      DONADIEU P., Campagnes urbaines, Arles/Versailles, Actes Sud, 1998, 219 p.
      DUPRE A., « L’essartage dans les arrondissements ardennais de Mézières et de Rocroi entre 1824 et 1835 : technique et réglementation », Revue historique Ardennais tome XXXVI, Charleville-Mézières, Société d’Etudes Ardennaises, 2003-2004, pp 63-86.
      GALOCHET M., HOTYAT M., « L’Homme, facteur de diversité en milieu forestier », Bulletin de l’Association des Géographes Français, 2001-2, pp 151-163
      GEHU J.-M., « Les lisières forestières », Colloque phytosociologique, VIII Lille, 1979.
      GEHU J.-M., « Aspects dynamiques de la forêt et des paysages végétaux dans le Nord de la France », Hommes et Terres du Nord 1980-3 pp 6-13, Lille, Institut de géographie, Faculté des lettres de Lille, 1980.
      GOUILLOUX M, Frontières, paysages et territoires entre France et Belgique : Exemple du secteur de l’Oise à la Thure », Mémoire de maîtrise, Lille, 24 mai 2004, sous la direction de Monsieur Picquet, UST, Lille 1.
      GROUPE d’HISTOIRE DES FORÊTS FRANCAISES, Histoire des forêts françaises, Paris, Editions du CNRS, 1982, 193 p.
      KAYSER B., La renaissance rurale, Paris, A. Collin, 1989, 316 p.
      LACOSTE Y., De la géopolitique aux paysages, dictionnaire de la géographie, Paris, Armand Colin, 2003, 413p.
      LAMBERT J., Campagnes et paysans des Ardennes, 1830-1914, Charleville-Mézières, Editions Terres Ardennaises, 1988, 585 p.
      LEBEAU R., Les grands types de structures agraires dans le monde, Paris, A Colin, 7e édition, 2000.

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    3. Suite (dépassement de l'espace imparti) :

      LE ROY LADURIE E., « Civilisation rurale », Encyclopaedia Universalis, Paris, édition électronique, 1998
      MACE G., Un département rural de l’Ouest, la Mayenne, Rennes, J. Floch Editeur, 1982, 2 volumes, 1011 p.
      MEYNIER A., Champs et chemins en Bretagne, Paris, 1943, Les belles lettres, Conférences Universitaires de Bretagne, pp. 159-178.
      MOINDROT C., Les systèmes agraires, Encyclopédie de Géographie, Paris, Economica, 1992, 1132 p, pp 445-470.
      OTTO H.-J., Ecologie forestière, Paris, IDF, 1998, 397 p.
      PLAISANCE G., Guide des forêts de France, Paris, la Nef, 1961, 477p.
      PLAISANCE G., Dictionnaire des forêts, Paris, La Maison Rustique, 1968, 314 p.
      PLAISANCE G., La forêt française, des visages, ses richesses, son avenir, Paris, Denoël, 1979, 373 p.
      SOLTNER D., L’arbre et la haie, Angers, Collection sciences et techniques agricoles, 1995, 208 p.

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    4. Vous m'avez pourri mon budget bouquins pour 3 ans :)

      Sur les liens avec l'agriculture agro-sylvo-pastorale, que pensez vous des travaux de Claude Bourguignon ?

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    5. Ce sont surtout des références pour choisir un ou deux ouvrages. Beaucoup se citent et se recoupent.

      Les travaux de Claude Bourguignon mais c'est un autre domaine que celui traité par cette bibliographie : il fait de la pédologie et de l'agronomie à l'échelle microbiologique.

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    6. @ Contrescarpe
      Au sujet de l'agro-sylvo-pastotalisme
      agroforesterie.fr

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  6. Bonjour Rodolphe Dumouch,

    Le fond de votre propos est fort intéressant.

    Mais pourriez-vous s'il vous plait adopter une forme plus "sobre" dans vos prochains billets, sans que ne transparaissent à chaque ligne mépris et rage envers vos contradicteurs ?

    Peut-être est-ce une question de tempérament mais en l'état, la violence de votre style pamphlétaire me rend la lecture de ce billet très inconfortable, alors même que je suis globalement d'accord avec ce que vous dites.

    Merci d'avance.

    Talisker (un géologue)

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    1. Allez voir l'histoire du paysan Philippe Layat, victime non d'une expropriation mais d'un véritable déguerpissement comme on en voit dans les républiques bananières (1 euro le m² au lieu de 300).
      Vous comprendrez que ma rage n'est pas trop forte et qu'il y a, en France, des pourriture à passer par les armes.
      Bien à vous.

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  7. J'espère que vous avez lu "la transition énergétique" de Philippe Murer.

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    1. J'avoue que c'est un peu récent (moins de 6 mois) et que non.

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    2. Je vous invite à le lire, c'est bien étudié donc convaincant.

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  8. Article très intéressant qui foisonne d'idées ouvertes et si humaines. En les lisant, deux ou trois remarques me viennent à l'esprit :
    - d'abord, que la culture et la transmission des idées sont précieux pour chacun d'entre nous afin de savoir où aller au-delà des manipulations quotidiennes des politiques et des médias traditionnels. Culture et éducation sont une priorité
    - ensuite, que les exemples que nous prenez démontrent que notre démocratie est morte, si tant est qu'elle ait jamais existé au sens de circulation et de partage des idées pour une vie meilleure (et pas un "mieux-vivre ensemble" du discours techno foireux)
    - enfin, qu'il nous faut lutter contre cette société oppressive que des hommes et des femmes savent faire bouger les autres par des initiatives concrètes

    Merci à vous.
    Demos

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    1. * oppressives et que des hommes et des femmes fassent bouger les autres ...

      Demos

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    2. Merci à vous pour votre commentaire.

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  9. Juste pour qu'on rigole un peu : j'ai envoyé le lien au sociologue Gerald Bronner. Sa réaction = blocage.

    Type injoignable, qui ne laisse même pas son courriel à ses étudiants... Cela fait 12 ans que mes lycéens ont mes coordonnées électroniques et même le téléphone pour les révisions du bac : jamais de soucis.

    Ces types, qui se prennent pour des élites, vivent enfermés dans leur parano.

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  10. Article pertinent auquel j'adhère à 100% face au massacre actuel de nos paysages, de nos villages et de nos particularités régionales.
    Cela ne peut passer que par une relocalisation de l’économie mais peut elle se faire dans une économie où la croissance du PIB est un horizon indépassable et la concurrence libre et non faussée un saint canon.
    Quant aux parcs régionaux, je suis un peu plus circonspect que toi là-dessus. Bien qu’ils ont un intérêt indéniable pour sauvegarder le patrimoine et éviter le bétonnage idiot de lieux magnifiques, ils tendent à la muséïfication des paysages et villages. De plus, ce sont les bureaucrates des parcs régionaux qui sont chargés de faire la pédagogie auprès des jeunes en lieu et place des anciens. A ce titre, je te conseille la lecture du livre de J-Pierre Le Goff intitulé « La fin du village ».
    En revanche, il y a des lieux en France qui restent préservés parce qu’ils sont éloignés des centres économiques et/ou parce qu’il y a une volonté politique de préserver un cadre de vie: les exemples de la Nièvre ou de l’Ariège sont intéressants là-dessus.
    Quoiqu’il en soit, il y a urgence à stopper avec la globalisation qui tend à unifier et araser les hommes comme les villages et à mettre sous cloche, par le biais des parcs naturels, les quelques espaces préservés. Ces derniers sont un faire-valoir territorial pouvant être considérés comme une forme de marchandisation de l’espace (création d’une industrie touristique). Bref, tant que notre politique sera entièrement vouée à la croissance économique, nous ne ferons que tourner en rond
    Au plaisir de t’avoir lu,
    Laurent Mahé

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  11. Cet article apporte une réflexion très stimulante.

    « les démagogues sordides à la Ségolène Royal » : c'est bien vu aussi.

    ;)

    YPB

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