jeudi 19 février 2015

Les 10 commandements du postmodernisme (5/10) : Le rapport au politique, tu combattras tout gouvernement et tu prôneras la bonne gouvernance (billet invité)

Billet invité de l’œil de Brutus



Suite des recensions sur l’ouvrage de Dany-Robert Dufour, Le Divin Marché (Denoël 2007)

Lire également :

L’un des symptômes les plus marquants de la transformation postmoderne du rapport à la politique est le remplacement du terme « gouvernement » par celui de « gouvernance » (page 169). Il est à noter que cette transformation est conjointe de l’abandon du compromis fordiste, remplacé par l’emprise du capitalisme financier marqué par la cupidité actionnariale à court terme (pages 175-176).

La gouvernance marque la dislocation des organisations dans des mouvances floues qui s’auto-régulerait. Or, ce mythe de l’autorégulation qui a accouché du capitalisme financier prédateur est justement issu des courants libertaires des années 60. Par une « ruse de l’histoire », pour reprendre l’expression d’Hegel, ceux qui voulaient mettre bas le capitalisme autoritaire d’antan l’ont simplement remplacé par un capitalisme d’apparence libertaire mais bien plus oppressif (page 177), au point que le patrimoine des 300 premières fortunes de la planète est aujourd’hui équivalent à celui de la moitié de l’humanité (page 184) !

Si l’on revient à la gouvernance en elle-même, Dany-Robert Dufour constate qu’elle « cherche à ranger la chose publique au rayon des vieilleries et à la remplacer par l’ensemble des intérêts privés, supposés capables de s’autoréguler. C’est précisément en cette autorégulation des intérêts privés que consiste la gouvernance politique. Le problème est qu’une addition d’intérêts privés, même légitimes, ne fait pas l’intérêt général » (page 186). On joue alors « la société civile contre l’Etat ». Le concept de société civile avait été énoncé par Hegel en 1821 dans Les Principes de la philosophie du droit, en y désignant la sphère des intérêts privés. Ainsi, « Dans la société civile chacun est pour soi-même une fin, tout le reste n’est rien pour lui. Toutefois, sans relations avec un autre, il ne peut pas atteindre sa fin. Les autres sont donc des moyens pour les fins du particulier » (Hegel, cité page 188). C’est bien pour cela qu’il faut un Etat et c’est donc la conclusion à laquelle abonde Hegel : « L’Etat est la réalité de la liberté concrète » (page 189), ce qui équivaut à dire que pour « qu’aucun individu ne soit soumis à un autre, il faut que chacun puisse invoquer un sujet collectif à qui il aura fait allégeance et dont seule la volonté à force de loi » (page 190).

Cette conception est bien sûr complètement rejetée par l’idéologie libérale-libertaire qui refuse toute forme de soumission, fusse-t-elle au nom de la liberté. La privatisation de la décision publique, en ce sens qu’elle met à mal l’Etat, est donc un excellent moyen de flatter le troupeau égo-grégaire, soi-disant pour mettre fin aux vieux pouvoirs hiérarchiques et supprimer toute frontière entre gouvernants et gouvernés (page 193).

A suivre, le 6e commandement : Le rapport au savoir : tu offenseras tout maître en position de t’éduquer

5 commentaires:

  1. Nous parlons régulièrement ici de la politique avec un grand p, si on peut dire, tout en passant sous silence la vie quotidienne des Français, qui sont confrontés dans leur vie professionnelle aux résultats désastreux de l'application de ce que vous appelez les commandements 1 et 2. Pour une majorité de Français aujourd'hui, c'est soit le chômage, soit la souffrance au travail avec une charge de travail trop importante, une insécurité permanente, une pression difficile à supporter ... Le modèle de l'individualisme forcené, de la concurrence de tous contre tous, tant vanté et promu dans les années 90, auquel nous avons parfois cru, fait de plus en plus de ravages. Nous sommes réellement engagés sur une mauvaise voie dont nous devons sortir rapidement. Tout ceci n'a que trop duré, mais aurons-nous le courage et la force de le faire ou resterons-nous résignés et soumis, trop heureux de préserver ce que nous avons ? Dans l'attente d'un pire pour demain.

    DemOs

    RépondreSupprimer
  2. Malheureusement, je partage entièrement votre constat. Mais pas votre pessimisme. La France a une longue tradition de sauvetage d'elle-même. Une longue tradition, aussi, de trahison de ses élites. Ce qui fait que c'est toujours au bord du gouffre que le peuple français trouve des ressources insoupçonnées pour rebondir.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis réservé, mais je souhaite que vous ayez raison.

      DemOs

      Supprimer
  3. Quels que soient les travaux de débouchage que vous désirez accomplir à paris 6, paris 7 ou paris 8, appelez notre artisan de débouchage canalaisaton paris 6, de débouchage canalaisaton paris 7 ou débouchage canalaisaton paris 8 le plus proche de votre domicile.

    RépondreSupprimer
  4. Si vous recherchez un service de dépannage plomberie au moindre coût et une intervention en urgence? Contactez notre : plombier paris 1 ; plombier paris 2 ; plombier paris 3 ; plombier paris 4 ; plombier paris 5

    RépondreSupprimer