jeudi 10 novembre 2016

Trump : après le Brexit, nouveau rejet légitime des élites par le peuple




Trump, l’enfant de Piketty et Stiglitz

Il n’était pas peu réjouissant de voir la majorité des élites s’étrangler à l’élection de l’homme d’affaires, ancienne star de télé-réalité, peu regardant du politiquement correct de Washington. Et ce n’est pas illogique puisque cette élection représente d’abord un rejet de ces élites autistes, qui ont laissé faire une dégradation des conditions de vie de 90% de la population, tout en gagnant toujours plus, laissant entrer les importations venues d’Asie ou du Mexique sans se soucier des fermetures d’usine, sauvant à coup de centaines de milliards de dollars les institutions financières et les multinationales en laissant des millions de ménages abusés par les banques perdre leur maison, outre leur emploi.

En cela, Donald Trump est bien, paradoxalement, l’enfant de Thomas Piketty et Joseph Stiglitz. Les 99% ont voté Trump quand les 1% ont voté Clinton, comme le montrent les sondages de sortie de vote. Ceux qui ont décrit cette explosion des inégalités ont analysé les ressorts de cette élection. Les classes moyennes et populaires, ballottées par une globalisation qui ne profite qu’à une minorité aux Etats-Unis et en Europe, ont exprimé une révolte démocratique logique contre ceux qui laissent faire, dont Hillary Clinton n’était pas la moins mauvaise des représentantes. Et quel meilleur signe de cela que les évolutions des marchés, qui, en votant Clinton, envoyaient sans doute un message pour Trump.

Même si le protectionnisme de Trump peut être un vrai progrès, en sonnant le glas de cette mondialisation financiarisée, comme le dit Romaric Godin, le reste de son programme, même s’il était bien moins délirant que certains de ses opposants républicains, pose quand même des problèmes : en supprimant l’impôt sur les successions, en baissant l’impôt sur les sociétés à 15% et en réduisant la tranche marginale de l’impôt sur le revenu, son choc fiscal sert d’abord ses intérêts et serait profondément inégalitaire, au grand dam de ses électeurs. Si la vague qui porte May et Trump est plus patriote et moins laisser-fairiste sur le plan commercial, l’orientation économique reste très libérale.

Certains avaient bien saisi ce qui se passait, notamment Michael Moore, qui annonçait la victoire de Trump dès l’été, au contraire de Joseph Stiglitz, emporté par les sondages, qui en parlait au passé il y a quelques jours. Mon analyse de fin juillet, elle, a plutôt bien résisté au passage du temps. Inévitablement, la question qui se pose en France, c’est celle des leçons que nous pouvons en tirer. Juppé, le chouchou des élites, aurait du souci à se faire, d’autant plus que Sarkozy ne cache pas de s’inspirer du nouveau président-élu. A moins que cela ne signifie que Marine Le Pen pourrait accéder au pouvoir en 2017, Trump étant, après tout, plus proche du FN que des Républicains, sur certains aspects.


Le message d’espoir que l’on peut voir dans l’élection de Trump, malgré les limites du personnage, c’est qu’il est toujours possible de changer en démocratie, qu’il ne faut pas se résigner à ce même personnel qui échoue depuis des années. Toute la question qui se pose maintenant, c’est de savoir à quel point Trump va changer le cours politique de son pays et s’il tiendra ses paroles…

16 commentaires:

  1. La véritable question, c'est : est-ce que Trump, qui est un démagogue, va réellement respecter ses promesses ? Le veut-il réellement ? Et même si la réponse était positive, le pourrait-il ? Car le congrès, même s'il est républicain, est sous influence des lobbys.

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  2. Ce qui est paradoxal et aussi risible avec D. Trump, c'est qu'il se pose comme le rempart contre la mondialisation et l'ultra-libéralisation de l'économie protégeant ainsi la majorité que l'on n'entend plus à savoir classes populaires de plus en plus précarisées et classes moyennes en déclassement vitesse chute libre. Il se présente contre l'immigration. Or, juste sur ces 2 points, 2 remarques:
    - D. Trump est un produit du monde de la finance et des affaires, monde qui reste à la base de l'ultra-libéralisme économique et commerciale. Donc je pense qu'il ne pourra pas faire grand chose car la caste dont il est issu (qui a dû le soutenir en partie et en réaction contre la dynastie Clinton)ne le laissera pas s'attaquer à leurs intérêts;
    - l'immigration : question qui perturbe les pays industriels dans leur ensemble. Néanmoins,l'immigration illégale est une manne pour le patronat américain et D. Trump aura du mal avec s'il touche vraiment à l'immigration clandestine. Il renverra des charters à grands coups de pub-réalité mais pas plus;
    - les relations avec le Mexique: les accords passés entre les USA et le Mexique ont été portés par une partie de l'industrie américaine qui a pu gentiment délocalisé là-bas pour trouver de la main d’œuvre pas chère.Si D. Trump titille ces derniers, il aura aussi beaucoup de mal à se faire entendre;
    - en revanche en matière sociétale, il a moins à risquer. Et là, il pourra faire.

    En tout cas merci pour votre blog cher Laurent, c'est toujours un plaisir de vous lire !
    Bonne journée
    Sylvie

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  3. un milliardaire ne fait il pas, par construction, partie des élites ????

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    1. Par construction, le candidat d'un grand parti politique fait partie des élites...

      A ce compte là, celui qui est élu est toujours une élite.

      Mais quand vous avez les grands médias contre vous, les grandes institutions financières contre vous et les représentants de l'establishment (politiques, artistes, bonnes consciences, etc) contre vous, vous incarnez par construction la révolte contre les élites.

      L'avenir dira quelle construction est la plus solide dans le cas Trump.

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  4. En tout cas les motivations des électeurs qui ont voté Trump (d'ailleurs moins nombreux que ceux qui ont choisi Clinton)ne sont pas aussi caricaturales que nous le disent les médias dominants :

    http://www.slate.com/articles/news_and_politics/politics/2016/11/debunking_myths_about_trump_voters_with_exit_polls.html

    Ivan

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  5. " Les 99% ont voté Trump quand les 1% ont voté Clinton"

    "En cela, Donald Trump est bien, paradoxalement, l’enfant de Thomas Piketty et Joseph Stiglitz."

    "Même si le protectionnisme de Trump peut être un vrai progrès"

    Vous êtes en roue libre complète, du grand nawak !

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  6. "Trump, l’enfant de Piketty et Stiglitz" ?

    Stiglitz et Piketty seraient certainement horrifiés par votre rapprochement...

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  7. @ Moi

    Très juste. Après la Grèce et la Wallonie, que va-t-il se passer et dans quoi mettra-t-il de l’eau dans son vin ? Et comme vous le notez, le président US a nettement moins de pouvoir que le nôtre…

    Quand je dis qu’il est l’enfant de Piketty et Stiglitz, c’est pour dire qu’il est l’enfant de l’explosion des inégalités, illustrée, théorisée et expliquée par ces deux intellectuels

    @ Sylvie

    Merci. La réaction de Wall Street peut être considérée comme inquiétante.

    @ Kous et Victor

    Je suis d’accord avec Kous. Un membre de l’élite peut remettre en cause un agenda qui ne profite qu’à son groupe social, ce que fait Trump avec le libre-échange.

    @ Ivan

    Merci

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  8. "Le message d’espoir que l’on peut voir dans l’élection de Trump"... Laurent je te trouve décidément très optimiste. J'aurais plutôt dit que c'est un message de désespoir au contraire.
    Et on a vu ce qu'a donné le message d'espoir Obama...

    Il ne faut pas oublier non plus dans l'analyse qu'au suffrage direct, la Hillary aurait été élue avec 200.000 voix de plus recueillies.
    Le système américain est d'ailleurs vraiment bizarre.

    Avec la peste Hillary, on était pratiquement certain que sa politique menée allait être une belle merde.
    Avec le choléra Trump, allez, gageons que ça ne sera pas beaucoup mieux. Peut-être moins belliciste (et encore), mais certainement pas terrible au niveau social et environnemental.
    Quant aux promesses de redresser l'industrie et de créer des millions d'emplois, faut-il rappeler l'adage que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent ?

    Trump, après Bush fils, est le 2ème clown élu en peu de temps par la soi disant plus grande démocratie du monde. ça n'est quand même pas glorieux.
    Je pense que Trump sera assez maléable car il n'a aucune conviction politique. Du moment qu'on lui laisse faire un peu le show, il écoutera bien docilement la voix de son maître et de sa classe.

    En tout cas Sarko retrouve espoir et est remonté comme un coucou.
    Le show continue aussi chez nous !

    ***Jacko***

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    1. "Il ne faut pas oublier non plus dans l'analyse qu'au suffrage direct, la Hillary aurait été élue avec 200.000 voix de plus recueillies."

      Non.
      On ne sait pas ce qu'il se serait passé dans le cadre d'une élection au suffrage universel direct... puisque ça n'a pas eu lieu !

      La manière de faire campagne aurait été différente ! Les électeurs auraient agi différemment ! Par exemple vous êtes Républicain et habitez en Californie. Vous savez que cet état sera gagné par le candidat démocrate quoi qu'il arrive. Si vous avez autre chose à faire, ben vous ne votez pas..

      Nan parce que si on commence à étudier la politique aux USA en partant d'un "si les USA n'avaient pas été les USA", c'est juste n'importe quoi.

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    2. Trump et Clinton sont les deux faces d'une même pièce, non, mais ce qui me fait marrer et je ne suis le seul, c'est de voir la gueule de bois des bien pensants et des démocrates d'opérette qui nous gouvernent (si bien) ;-)))

      DemOs

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  9. Cet effet anti 'establishment' actuel dans nombre de pays est manifeste.. Mais comment va-t-il se manifester en France ?
    Marine Lepen sans doute ... (Sarko contre l'establishment c'est drôle).
    A moins que les patriotes se rassemblent avec NDA ... Mais ça j'en doute.
    Lenormand

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  10. @ Jacko

    Le message d’espoir pour moi, c’est le fait de savoir remettre en cause ceux qui les ont mené dans cette mauvaise direction.

    Sur le total des voix, certes, mais c’est le choix des USA et la campagne aurait été différente au suffrage universel. Je reviendrai sur Trump lundi (papier en cours de travail)

    @ Kous

    Vous avez raison sur l’élection

    @ Anonyme

    Papier sur le sujet probablement mercredi

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  11. @Kous et @Laurent

    OK pour vos arguments, j'aurais dû dire simplement que la Hillary avait eu 200.000 voix de plus que Trump dans ce système USA (Gore en avait eu 500.000 de + que Bush Jr en 2000).
    C'est quand même un élément important à prendre en compte pour éviter de s'emballer sur un rejet soudain des élites par le peuple et pour parler d'espoir.
    Et Trump fait partie intégrante de ces élites et du système, à la limite plus que les politiques car lui les a financés pendant des années. C'est un guignol absolu. Où est l'espoir là dedans ??? J'vois pas...

    ***Jacko***

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    1. On ne sait pas ce que Trump fera, ce qui par les temps qui courent, est déjà un espoir !
      Surtout si on compare avec Clinton dont on est sûrs qu'elle aurait continué la même chose que depuis 30 ans.

      Plus sérieusement, Trump prouve qu'on peut gagner les élections avec les médias et les financiers contre soi. Et ça c'est un vrai motif d'espoir.
      Surtout en France où le président de la République a énormément de pouvoir. Ce qui fait que s'il était vraiment décidé à changer les choses, il en aurait l'occasion.

      Sinon, pour en revenir au total de voix, on est d'accord c'est serré. Comme le Brexit, ça peut basculer dans l'autre sens pour pas grand chose. Mais la tendance actuelle est plutôt de faire basculer les choses dans le sens de ceux qui incarnent un possible changement de politiques.

      Et c'est serré en total de voix parce que les métropoles mondialisées sont très peuplées (et peut-être plus mobilisées lors des élections ? Faudrait trouver des données pour vérifier ça).
      Et ce sont elles, et elles seules, qui votent pour maintenir le système actuel.

      Car hors de ces métropoles, le vote Trump est majoritaire partout.
      Ce qui favorise, il est vrai, un changement selon le mode de scrutin US plutôt que selon le nôtre...

      La carte importante est celle ci (vainqueur du vote par "comté") : https://f.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/981/files/2016/11/A-01-Carte-Trump-2.jpg

      A compléter par celle-ci où vous pouvez jouer avec la carte (zoomer/dézoomer) pour voir comme les villes concentrent le vote Clinton selon leur taille : http://www.francetvinfo.fr/monde/usa/presidentielle/carte-presidentielle-americaine-dans-quels-comtes-donald-trump-a-t-il-fait-ses-meilleurs-scores_1914727.html#xtor=AL-67-[article]

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    2. "Plus sérieusement, Trump prouve qu'on peut gagner les élections avec les médias et les financiers contre soi."
      Eh Kous, on peut gagner les élections USA en étant milliardaire ! ouah super, quelle surprise !
      Jo Kennedy avait dit en son temps qu'avec tout le pognon qu'il avait mis dans la campagne de son fils, il aurait pu faire élire son chauffeur ou son facteur, j'sais plus.
      Ne t'en fais pas, il a aussi de sacrés bons appuis derrière lui le Trump !
      Relativisons, relativisons, et ne nous emballons pas sur les guignols bourrés aux as !
      Quand on voit la gueule d'enfant gâté de Trump jeune et de son fils actuel, bonne réplique sismique, quand on voit la gueule de son parcours, ya vraiment pas de quoi espérer quoi que ce soit...
      Mais bon, le problème c'est que l'on a tendance à répliquer ses propres espoirs en fonction des événements (je me mets dans le lot ne t'en fais pas).
      Salutations amicales !

      ***Jacko***

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