dimanche 13 février 2022

Orpéa, ou l’horreur oligarchiste

La question des conditions de traitement des pensionnaires d’EPHAD n’est malheureusement pas nouvelle. François Ruffin alertait le gouvernement à l’Assemblée dès 2017, montrant que l’étonnement affiché de l’exécutif est profondément malhonnête. Heureusement, le livre de Victor Castanet a provoqué une onde de choc salutaire sur des dérives révoltantes. Malheureusement, il est à craindre que ce scandale ne change finalement pas grand-chose à la logique intrinsèque de notre système économique.

 


La logique oligarchiste mise à nue

 

Car derrière l’horreur du manque de personnel soignant pour prendre soin des pensionnaires, derrière les économies sur la nourriture (avec des repas coûtant moins d’un euro) ou les économies sur les couches, il y a une logique simple : dégager toujours plus de profits. C’est bien ce que représente ce scandale : une quête jamais interrompue de gagner toujours plus, des actionnaires, qui, quand ils obtiennent une somme, veulent toujours plus l’année d’après, et des dirigeants qui appliquent ces désidératas, d’autant plus qu’ils sont rémunérés en fonction de l’atteinte de ces profits toujours croissants. Et quand les dirigeants doivent faire plus de profits, ils peuvent augmenter les prix comme baisser les coûts, comme le montre ce livre, jusqu’à sacrifier l’alimentation ou le soin de leurs pauvres pensionnaires.

 


C’est ce qui ressort des rapports annuels d’Orpéa, disponible sur Internet. Les chiffres sont étourdissants. Le groupe a réalisé 3,92 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020, dont plus de la moitié en France et en Belgique, deux fois plus qu’en 2014 ! L’excédent brut d’exploitation représentait 23,6% du chiffre d’affaires en 2020, et sans l’impact de la crise sanitaire, l’EBE aurait atteint 26,1%. Et comme la France est plus profitable que la moyenne, on peut estimer que l’activité dans notre pays a généré 28,3% d’EBE en 2020. Bien sûr, après amortissements et frais financiers, les résultats présentent un profil moins himalayen, mais il faut noter que le groupe génère quand même un flux de trésorerie supérieur à 11% de son CA et qu’il est probable qu’une partie des frais financiers rémunèrent les actionnaires.

 


Bref, Orpéa n’est pas un groupe en difficulté financière qui doit couper dans les coûts pour survivre, mais une entreprise en forte croissance, très profitable, qui cherche seulement à faire toujours plus de profits pour toujours plus rémunérer ses actionnaires, comme il s’en vante sur son site… Dès lors, c’est bien l’avidité sans fin des actionnaires et des marchés qui pousse à ces économies de bout de ficelle, qui, en s’additionnant année après année, finissent par devenir inhumaines et révoltantes. Orpéa, c’est bien une allégorie de l’économie oligarchiste actuelle, où les plus riches extraient toujours plus d’argent du système, fût-ce au prix de la condition humaine d’une grande majorité, sans la moindre humanité. Les pensionnaires des EHPAD, c’est la majorité des citoyens, et les actionnaires, ce sont les 1%.

 

Bien sûr, l’Etat a son rôle à jouer. Mais on peut craindre que les innombrables coupes dans le nombre des fonctionnaires chargés de contrôler les normes ait joué un rôle important dans ces dérives. Il faut dire que l’Etat oligarchiste adopte un laisser-faire toujours plus grand à l’égard du monde des affaires, protégeant ses secrets, allégeant à la fois tous ces devoirs, et contrôlant toujours moins les devoirs qui restent… De manière effarante, la Cour des Comptes continue à appeler à la modération des dépenses, signe malheureux que l’Etat ne pousse pas forcément dans le bon sens sur ces sujets. Bien sûr, les coûts de la dépendance sont importants, mais la dignité humaine devrait être la première des priorités, et les comptes d’Orpéa démontre qu’il s’agit surtout d’une lucrative rente sans états d’âme humains…

 

Que faire dans une telle situation ? Au-delà de la nationalisation des EPHAD, il faut sans doute développer plus rapidement les EPHAD publics et renforcer considérablement le contrôle pour éviter de telles dérives. On pourrait imaginer aussi une limitation stricte à la rentabilité de ces établissements pour éviter cette course au toujours plus, dont le caractère malsain est ici particulièrement choquant et révoltant.

3 commentaires:

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  2. Les EHPAD font clairement partie de la stratégie l'oligarchie pour rincer les populations.
    3000€ par mois (avant l' € c'était 5000 balles par mois) pour 1 € de repas par jour et une aide soignante pour 30 résidents... Ils pompent rapidement toutes les économies d'une vie et, comme ça ne leur suffit pas, ils vont ensuite rackéter les enfants, les petits enfants, les gendres, etc.
    Cela contribue au dépouillement des Français, pour installer leur nouveau monde où il n'y aura plus besoin d'être propriétaire, sauf pour les milliardaires bien sûr, qui seront propriétaires de tout et nous loueront leurs cages à rats (il paraît que c'est bon pour l'écologie de vivre sur des petites surfaces : on les voit déjà venir !).

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  3. https://www.youtube.com/watch?v=A-E450keU10

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