dimanche 25 septembre 2011

Paul Krugman dénonce la politique de la corbeille


Mais outre son analyse économique, qui démontre l’intérêt d’une plus grande régulation du cours des monnaies comme des flux de capitaux, Paul Krugman porte un regard plus politique sur ces crises et appelle à une reprise en main des politiques.


Les dangers du fanatisme du marché


Dans ce livre, Paul Krugman attaque sévèrement les partisans du tout marché qui pensent qu’une main invisible permet à l’économie de retrouver la croissance après une crise. Il dénonce les erreurs des gouvernements japonais qui ont beaucoup trop tardé à intervenir pour sortir le pays de la trappe déflationniste. Il souligne le temps pris à baisser les taux, à soutenir la dépense publique (le budget est en excédent de 2.9% du PIB en 91), ou même à assainir le système bancaire.


Comme Joseph Stiglitz et Jacques Sapir, il souligne l’immense paradoxe des plans de soutien du FMI aux pays émergents puisqu’alors que les pays développés recourent à des baisses de taux et des plans de soutien budgétaire, nous avons recommandé l’exact inverse aux pays émergents asiatiques victimes de la crise de la fin des années 90, accentuant des récessions violentes. Pour lui, la raison est « la peur des spéculateurs ». En clair, la politique se fait à la corbeille.


En outre, Paul Krugman dénonce le caractère auto-réalisateur des marchés : « il est théoriquement possible qu’une perte de confiance dans un pays puisse engendrer une crise économique qui justifie cette perte de confiance ». En clair, les marchés sont tellement puissants que leurs mouvements sont justifiés par les conséquences même de ces mouvements. Il montre que le marché a tendance à exagérer les cycles, provoquant des bulles qui finissent toujours par éclater.


Il souligne toute la perversité du phénomène puisque la crise nourrit la crise comme l’a bien montré la crisse des subprimes. La baisse du prix des maisons provoque des faillites du fait des montages financiers hasardeux des banques. Ces faillites provoquent des saisies et une augmentation de l’offre de maisons, qui pousse plus encore les prix à la baisse, ainsi de suite. Il dénonce également le caractère moutonnier du marché qui accentue déraisonnablement les mouvements à la hausse comme à la baisse.


Pour un retour du politique


A contrario, Paul Krugman cite l’exemple de Hong Kong qui fut victime d’une poussée spéculative à la fin de l’été 1998. Des fonds empruntaient des actions de la bourse de Hong-Kong (pariant sur leur baisse) pour les échanger contre des dollars étasuniens. Cette manœuvre avait pour but de provoquer soit une dévaluation du dollar hongkongais, soit une hausse des taux d’intérêts, qui aurait poussé la bourse à la baisse. Dans les deux cas, les spéculateurs jouaient gagnants. Il leur suffisait de faire le marché.


Mais Hong-Kong déjoua la manœuvre des spéculateurs par le biais de l’autorité monétaire locale, qui utilisa ses réserves pour acheter des actions au moins à hauteur des ventes à découvert des fonds, faisant monter les cours et provoquant des pertes pour les fonds. Cette politique fut dénoncée par Milton Friedman qui critiqua la manipulation des marchés. Mais le gouvernement fit face et instaura de nouvelles règles pour limiter la vente à découvert, ce qui lui permit de triompher de la spéculation.


Krugman ne s’attarde pas beaucoup sur les solutions mais suggère que des taux de change flottants et un contrôle des mouvements de capitaux permettent une meilleure stabilité de l’économie. Il montre également à quel point les régulateurs ont trop laissé faire les institutions financières, laissant croître les actifs au-delà du raisonnable en terme de montant, et en-dehors de tout véritable contrôle. Il démontre les dangers de ce casino financier beaucoup trop vulnérable à la baisse du marché.


Il souligne également que la mondialisation a l’effet pervers de faciliter la transmission des crises d’un pays à l’autre, frappant alors des pays au comportement pourtant vertueux. Il appelle à des plans de soutien plus importants, en ligne avec les décisions de l’administration Obama. Enfin, il souligne que « l’économie américaine tint assez bien au début face à l’éclatement de la bulle en grande partie grâce à la faiblesse du dollar qui permit une augmentation des exportations ».


Outre son analyse et sa description des mécanismes de la crise, ce livre pose plus largement la question d’une mondialisation, qui, en effaçant la souveraineté des Etats, a tendance à provoquer de profonds déséquilibres dans les économies en les exposant aux aléas exubérants des marchés.


Source : « Pourquoi les crises reviennent toujours », Paul Krugman, texte publié en février 2009

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