dimanche 30 octobre 2011

Le roman de la fin de l’euro, partie 2 : le PS contre-attaque

Le 22, à la surprise générale, le candidat Charles Delacroix élimine Nicolas Sarkozy du second tour et va affronter François Hollande dans un débat dominé par les questions européennes puisque l’invité surprise du second tour est favorable à la sortie de la monnaie unique. L’après premier tour confirme la dynamique de sa campagne. Jusqu’à…

25 avril 8H : au micro de Jean-Pierre Elkabbach, Jean-Claude Trichet attaque violemment Charles Delacroix, le qualifiant de « nationaliste passéiste ». Il prédit une « apocalypse économique » s’il est élu, et dénonce l’ensemble de ses plans économiques comme totalement farfelus.


25 avril 10H (QG du PS) : la réunion d’hier matin à Bercy a été éventée. Pour l’instant, personne ne sait et l’information est sous embargo. L’équipe de campagne du candidat socialiste y voit une opportunité pour affaiblir son adversaire. Laurent Fabius soutient qu’il faudrait sous-entendre que l’équipe au pouvoir s’est mise au service de Delacroix (qui a enregistré quelques ralliements de l’UMP). Cette ligne d’attaque semble très intéressante étant donné le discrédit majeur dont souffre Nicolas Sarkozy. Décision est prise de dénoncer la connivence entre leur adversaire et l’équipe au pouvoir juste avant les journaux de 20H, par surprise.

25 avril 14H : Jean-Claude Trichet reçoit un coup de téléphone de François Hollande. L’ancien président de la BCE. Tout fier de sa tribune de lundi et de son intervention du matin, il lui parle de son plan média de la semaine avec enthousiasme, lui disant qu’il fera tout ce qu’il peut pour l’aider. Embêté, Le candidat socialiste lui révèle qu’il a fait une étude concernant la tribune de lundi  et qu’elle ne l’aide pas du tout. L’électorat populaire est très méfiant à son égard. Il lui demande donc d’annuler toutes ses interventions médiatiques, qui pourraient bien davantage servir Delacroix que lui. Malgré les formes mises par le candidat, l’ancien grand argentier de l’Europe le prend assez mal et dit qu’il va y réfléchir.

25 avril 18H : la Bourse de Paris clôture en baisse de 5%, les opérateurs  étant extrêmement préoccupés par la montée de Delacroix. Le candidat ironise en indiquant que l’on voit bien qui les marchés ont choisi…

25 avril 20H : Alors même qu’un sondage donne les deux candidats au coude à coude 50/50, les titres des journaux portent tous sur cette « étrange réunion de Bercy » de la veille entre le ministre de l’économie et l’équipe du candidat Delacroix. Pierre Moscovici intervient sur TF1 pour dénoncer cette collusion avec l’UMP et demande aux Français s’ils veulent vraiment cinq ans de plus d’UMP au pouvoir… Manuel Valls critique sévèrement un « candidat qui s’y croit ».

26 avril 7H : Charles Delacroix organise une conférence de presse aux aurores pour éviter que les journaux du matin sur les radios répètent en boucle l’histoire habile concoctée par le candidat socialiste sans présenter sa version des faits. Il explique simplement qu’il est normal de chercher à préparer les décisions qu’il faudra prendre en cas de victoire du fait de ses positions sur l’euro et de leurs implications sur les marchés financiers. Mais les titres des journaux affirment qu’il « dément tout lien avec l’UMP », ce qui déplace le débat sur un terrain qui lui est moins favorable.

26 avril 13H : Laurent Fabius, reçu par Jean-Pierre Pernault, faussement ingénu, se demande avec qui Delacroix pourra-t-il gouverner. Il affirme que l’UMP fera partie de la majorité et que les Français n’auront pas vraiment le changement qu’ils souhaitaient…

26 avril 20H : un ancien ministre de gauche, figure respectée de la vie politique française, intervient pour annoncer son soutien à Charles Delacroix, « le vrai candidat progressiste du second tour ». Il balaie la mauvaise polémique sur les liens avec l’UMP en soulignant qu’en agissant de la sorte, il démontre sa responsabilité et son sens de l’Etat. Mais sur les autres chaines, socialistes, verts et Modem axent leurs attaques sur les liens avec l’UMP et utilise le moindre soutien comme la preuve d’une collusion…

27 avril 10H (QG de Delacroix) : toute l’équipe fulmine contre ce mauvais coup porté par l’équipe adverse. Toutes les interviews de la mâtinée ont encore tourné autour de la question de la proximité avec Nicolas Sarkozy et l’UMP. Les premiers sondages prenant en compte ce nouvel élément devraient tomber dans la journée. On craint que cette story ne casse la belle dynamique de la campagne. Certains pensent qu’il ne faut pas répondre et continuer à marteler le discours du candidat et que cette mauvaise polémique s’éteindra. Mais d’autres soulignent qu’il faut frapper un grand coup et répondre pour reprendre la main dans cette campagne.

27 avril 15H : Charles Delacroix assiste à la conférence téléphonique avec les ministres allemand, italien et espagnol. La réunion se passe bien et différentes options sont étudiées pour le soir du second tour. Mais les ministres soulignent qu’il faudrait envisager une fermeture des marchés ou au moins une restriction des mouvements de capitaux pour la prochaine semaine car les marchés financiers sont dans un état extrêmement fébrile. Une réunion sans l’équipe de Delacroix est convenue entre les différents ministres européens, la BCE et la Commission demain samedi pour étudier les éventuelles mesures à prendre pour la semaine prochaine.

27 avril 16H : Deux sondages indiquent une progression de François Hollande qui gagne sur l’électorat de gauche, qui semble affecté par la révélation de la réunion entre l’équipe du candidat adverse et le ministre de l’économie. L’un le donne à 51%, l’autre à 52%.

27 avril 18H : après avoir ouvert dans le rouge, le CAC 40 efface une partie des pertes de la semaine et reprend 4% à la publication des nouveaux sondages. Le porte-parole de Delacroix remercie les marchés d’indiquer aussi clairement leur préférence.

27 avril 19H : juste avant les journaux télévisés, le PS dévoile son nouveau tract, qui sera sur les marchés dès demain matin. Y est inscrit : « Voter Delacroix, c’est voter UMP ! ». Le soir, ne seront envoyés sur les plateaux que les personnes marquées à gauche, l’aile droite du PS étant appelée à se faire discrète dans les prochains jours.

27 avril 20H : Martine Aubry est l’invité du journal de France 2 et s’en prend vivement aux liens supposés entre Delacroix et l’équipe sortante. Elle insiste sur la continuité que représenterait l’élection de Delacroix et souligne que la crise que traverse la France depuis quatre ans nécessite une politique de gauche et que François Hollande est le président dont la France a besoin.

27 avril 21H (Zénith) : meeting jeunes du candidat socialiste. La salle est bondée, de nombreux jeunes seront obligés de rester dehors pour suivre le discours sur écrans géants. François Hollande peste, il voulait faire Bercy comme Delacroix. Mais son directeur de campagne souligne que la salle n’aurait pas été remplie et que Delacroix est fou d’avoir osé réserver le POPB, et qu’il n’arrivera jamais à le remplir.

28 avril 10H (QG PS) : Ce n’est pas sans une petite euphorie que les membres rapprochés de l’équipe du candidat socialiste se réunissent. Stéphane Le Foll vient de recevoir un coup de fil du patron de la Sofres qui vient de lui révéler que le sondage qui sort cet après-midi révèle une nouvelle progression de son candidat, qui atteint 53%. Martine Aubry se ravit de la situation : « avec cette histoire de proximité avec l’UMP, nous le tenons ! Delacroix est perdu ». Tous veulent continuer à marteler cette histoire qui semble les avantager. Laurent Fabius propose de lancer avec un journaliste ami la rumeur qu’un projet de gouvernement aurait été conçu par l’équipe de Delacroix et qui comporterait plus d’une moitié de ministres issus de l’UMP.

28 avril 10H (QG Delacroix) : les mines sont un peu défaites devant le succès remporté par l’initiative malhonnête des socialistes. « On n’arrive pas à en sortir ». Cette histoire a fortement ébranlé certains gens de gauche qui le soutenaient et qui ont peur de voir revenir les ministres de Sarkozy. Le directeur de campagne enrage : « On ne va quand même pas perdre la campagne pour ça ! ». Il plaide pour une vaste offensive : « Il faut leur rentrer dans le lard. Ce sont eux qui représentent la continuité avec l’UMP : mondialisation, financiarisation, chômage de masse, Europe supranationale, démantèlement des services publics, plans de soutien aux banques, Afghanistan, ils ont toujours voté ensemble ». Il griffonne sur un petit papier des affiches : « Mondialisation : Hollande = Sarkozy », « Plans de soutien aux banques : Hollande = Sarkozy », « Euro : Hollande = Sarkozy ». Les réserves des premiers jours sur la tonalité trop dure ou extrémiste tombent naturellement. Delacroix s’enthousiasme : « c’est très bon ça ! ». Il demande au directeur de la communication en combien de temps il peut faire imprimer les tracts. Décision est prise de révéler cette nouvelle campagne dimanche à 18H et de muscler le discours entre temps.

28 avril 13H : le sondage de la Sofres qui donne Hollande à 53% sort. Les médias glosent sur la dynamique du candidat socialiste, sur l’erreur de la réunion de l’équipe de Delacroix avec le ministre de l’économie. On ne parle plus du fond, mais simplement de stratégie et de communication.

6 commentaires:

  1. Sur son blog, le ouiste Jean Quatremer écrit :

    Silvio Berlusconi, le premier ministre italien, qui s’est fait remonter les bretelles dimanche par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel pour qu’il s’engage dans des réformes structurelles, vient de faire l’expérience de la souveraineté limitée qui se met en place dans la zone euro.

    http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/10/la-zone-euro-roule-des-m%C3%A9caniques.html

    Cette phrase est d'une très grande importance : « Silvio Berlusconi vient de faire l’expérience de la souveraineté limitée qui se met en place dans la zone euro. »

    Le ouiste Jean Quatremer utilise la même expression qui désignait les pays d'Europe de l'est, pendant la Guerre Froide.

    Quand les pays d'Europe de l'est étaient soumis à l'URSS, leur souveraineté nationale n'existait plus : on parlait à cette époque de « la souveraineté limitée. »

    Au moins, c'est clair : l'Union Européenne est en train de devenir ce qu'était l'URSS pour les pays d'Europe de l'est : une dictature.

    Maintenant, nous avons le choix : la souveraineté nationale, ou alors la souveraineté limitée.

    Choisis ton camp, camarade.

    RépondreSupprimer
  2. Suite à l'article consacré à NDA/L'aide de la Chine dans Le Monde (J'approuve le fond mais pas la forme), ceci pourrait intéresser:

    http://ecologie.blogs.liberation.fr/euro-ecolos/2011/10/sommet-europ%C3%A9en-le-deal-secret-avec-la-chine.html

    RépondreSupprimer
  3. Votre exercice de politique-fiction reste amusant, Laurent.
    Mais il y a une idée extrêmement intéressante et avec laquelle je suis (à nouveau) d'accord avec 350%.
    C'est vrai que quel(le) que soit le (la) candidat(e) qui recevra le soutien de l'ex-président ignominieusement viré et de sa pitoyable ex-Majorité Présidentielle, ce sera pour lui ou pour elle un épouvantable handicap. C'est une vraie boîte de Pandore pour 2012, il me semble.

    Sancelrien

    RépondreSupprimer
  4. @ BA

    Très juste. Mais le voile se déchire un peu plus tous les jours. Les peuples vont finir par se rebeller.

    @ Euro 2.0

    Intéressant. Merci.

    @ Sancelrien

    Merci

    RépondreSupprimer
  5. "Suite à l'article consacré à NDA/L'aide de la Chine dans Le Monde (J'approuve le fond mais pas la forme), ceci pourrait intéresser:"

    On this topic, the most twisted opinion I have ever read (and commented):

    http://finance.blog.lemonde.fr/2011/10/29/la-fiction-des-cent-milliards-de-reduction-de-la-dette-grecque/#comment-19852

    RépondreSupprimer
  6. J'espère que ce Delacroix (je crois deviner de qui il s'agit), va l'emporter.

    RépondreSupprimer