jeudi 1 décembre 2011

Un autre regard sur la crise japonaise


C’est une des raisons pour lesquelles on peut aimer lire The Economist, malgré leur biais libéral. L’hebdomadaire britannique n’hésite jamais à aller contre les idées reçues en cherchant à analyser les informations avec un regard original qui fait réfléchir, comme ici sur le Japon.

Relativiser la crise du Japon

Pourtant, The Economist a souvent été très critique devant ce qu’il juge le conservatisme des autorités japonaises face à la crise qui secoue le pays depuis vingt ans. Bien sûr, le PIB Japonais n’a cru que de 0.8% par an de 2001 à 2010, contre 1.6% aux Etats-Unis et 1% dans la zone euro. Cependant, l’examen de la croissance du PIB / habitant inverse cette hiérarchie puisque le Japon passe en première position avec une croissance de plus 0.7% par an.

Certes, l’écart est assez faible avec les Etats-Unis et l’Union Européenne, qui sont légèrement au-dessus et au-dessous de 0.6%, mais ce chiffre relativise les idées préconçues sur le Japon. En outre, The Economist souligne que le pays a un taux de chômage de seulement 4%, qui n’est jamais allé au-delà de 6%, alors que la zone euro, qui n’est jamais passé durablement sous les 8%, est au-delà de 10% aujourd’hui, quand les Etats-Unis sont au-dessus de 9% depuis deux ans.

Le rôle de la démographie

Le journal britannique souligne l’influence jouée par la démographie. En effet, la population du Japon baisse depuis quelques années, ce qui explique en partie la moindre croissance du pays et la rend également beaucoup moins problématique, à partir du moment où la richesse du pays par habitant continue à augmenter. Nous sommes un peu dans le même cas que l’Allemagne et l’Italie, dont la croissance a été très faible, mais dont la croissance du PIB par habitant est moins faible.

En effet, un pays comme la France a besoin d’une croissance plus importante pour assurer suffisamment de création d’emplois (ce qui n’est pas le cas). Autre point important, la décrue démographique pèse sur le prix des actifs, notamment immobilier (qui n’ont pas augmenté en Allemagne ou au Japon depuis vingt ans), ce qui libère du pouvoir d’achat, au contraire de la France, de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis où la hausse des prix de l’immobilier pèse lourd pour les ménages.

Le bémol commercial

Malgré tout, le facteur démographique ne permet pas, seul, de juger du niveau de la croissance des pays. Dans une analyse comparable de la situation allemande, The Economist était allé plus loin dans l’analyse en creusant la part du commerce dans la croissance de nos voisins d’outre-Rhin. Et c’est là que le bât blesse pour l’économie allemande : la croissance des années 2000 provient presque exclusivement de l’accroissement démesuré de leur excédent commercial. D’ailleurs, dans le même temps, les salaires ont baissé, notamment en bas de l’échelle.

Cette croissance est totalement intenable car il est bien évident qu’elle ne pourra pas continuer de la sorte pendant longtemps et elle est en partie à l’origine de la crise actuelle de la zone euro. De même, on peut imaginer qu’une part importante de la croissance japonaise vient de son commerce, ce qui relativiserait cette analyse. Il n’y a de croissance durable et profitable pour la population que quand elle repose principalement sur le marché intérieur et pas sur les exportations.

Merci donc à The Economist pour cette analyse rafraîchissante. J’y apporterai le bémol que parce que les pays ne peuvent pas être tous en excédent commercial en même temps, il est illusoire de vouloir baser sa croissance sur les exportations, comme l’expliquait bien Keynes.

5 commentaires:

  1. @LP
    Dans son système national d'économie politique, F.List défend également le développement du marché intérieur, seul capable d'être stable et d'entrainer avec lui le reste de l'économie durablement. Néanmoins, je ne perçois pas pourquoi la croissance tirée par le commerce extérieur ne correspondrait pas à un enrichissement provisoire certes, mais bien réél...? Est ce simplement trop risqué à terme? Que dit Keynes exactement?
    merci.

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  2. depuis longtemps je pense que le japon est un modèle ; nous Français avons des liens très fort avec ce pays et sans doute une fascination mutuelle beaucoup plus inintéressante que nos voisins proches si nous voulons de la diversité c'est dans ce sens qu'il faut aller

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  3. L'article met en lumière un point très important qu'on pourrait d'ores et déjà généraliser.

    Pour comprendre et évaluer les divergences au sein même de l'Europe, il s'agirait sans doute de tenir compte tout autant du taux de croissance ou de régression du PNB/habitant que du PNB brut. Tous nos systèmes sociaux dépendent de la croissance certes, mais tous n'ont pas besoin des mêmes taux de croissance pour rester viables.

    Emmanuel B

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  4. @ FL

    Bien sûr, une croissance tirée par le commerce extérieur est bien réelle, mais Keynes soutenait qu'il fallait viser l'équilibre du commerce extérieur, proposant même à la Havane de mettre en place des pénalisations autant pour les pays en excédent qu'en déficit.

    @ Emmanuel B

    Et cela condamne toute politique unique

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  5. @Laurent,

    C'est évident. Cela permet en outre de raffiner : préconiser par exemple des objectifs de croissance communs n'aurait pas grande pertinence en soi si l'on tient compte de cette variable.

    Emmanuel B

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