jeudi 17 mai 2012

Gouvernement attendu pour président modéré


Hier, l’Elysée a annoncé la formation du premier gouvernement de François Hollande. Pas de grosses surprises, beaucoup de ministres se retrouvant là où ils étaient annoncés. En revanche, avec 34 personnes, l’équipe est deux fois plus importante que la première équipe Sarkozy.

Une composition sans surprise

La première non surprise a clairement été le choix de Jean-Marc Ayrault comme Premier Ministre. Manuel Valls était un peu tendre et beaucoup trop droitier pour aborder les élections législatives et le comportement très agressif de Martine Aubry lors des primaires socialistes ne donnait sans doute guère envie à François Hollande de travailler avec elle au jour le jour. La promotion de ce notable de province ressemble beaucoup à celle de Jean-Pierre Raffarin en 2002.

Comme prévu, Laurent Fabius récupère les Affaires Etrangères, Vincent Peillon l’éducation, Pierre Moscovici l’économie, Marisol Touraine les affaires sociales, Manuel Valls l’intérieur, Arnaud Montebourg, l’industrie, rebaptisé « redressement productif », Jean-Yves Le Drian la défense, Aurélie Filippetti la culture, Stéphane Le Foll, l’agriculture, Jérôme Cahuzac le budget, Fleur Pellerin les PME et l’innovation. Michel Sapin et Najat Vallaud Belkacem complètent ce tableau.

Outre la surprise du nombre de ministres, qui permet la promotion de nombreux inconnus du grand public, l’accession à la justice de Christiane Taubira, radicale de gauche, candidate en 2002 mais qui avait soutenu Arnaud Montebourg aux primaires, et de Cécile Duflot aux territoires et au logement est un peu plus surprenante. L’autre surprise est l’arrivée de Yamina Benguigui comme ministre déléguée aux Français de l’étranger. La parité homme femme est respectée.

Quel sens politique ?

L’accession de deux partisans du « non » au TCE de 2005 aux affaires étrangères et à l’industrie pourrait donner l’impression d’une ouverture aux idées alternatives. Mais il ne faut sans doute pas s’enthousiasmer. Laurent Fabius a mis beaucoup d’eau dans son vin et il ne faut pas oublier qu’il a été un des ministres de l’économie les plus libéraux de notre pays. Et on se demande quelles mesures ils pourraient bien prendre pour infléchir la course actuelle dans une impasse.

En outre, la tonalité globale du cabinet reste profondément sociale libérale et européiste. Le président, le premier ministre et le ministre de l’économie et des finances sont en effet tous les trois clairement sur une ligne d’acceptation de la mondialisation, et de remise en question très modérée du système actuel, uniquement à condition que cela passe par une Europe… qui n’a jamais œuvré que dans le sens d’une plus grande déréglementation dans tous les domaines.

Bref, il s’agit d’une équipe très modérée, qui n’a guère de chance de remettre en question la ligne suivie depuis des décennies et qui semble bien mal équipée pour infléchir les politiques européennes, ou mieux encore, arriver à trouver une solution durable à la crise de la zone euro, qui secoue notre continent depuis maintenant deux ans et demi. A ce titre, si cela vous intéresse je vous invite à poursuivre le débat, relancé par Jacques Sapir, dans le papier que j’ai publié hier.

François Hollande a rassemblé les socialistes, de Montebourg et Hamon à Valls, dans ce gouvernement. Ce large rassemblement engage fortement ce parti qui sera bien le seul responsable, dans toutes ses tendances, de la réussite ou de l’échec des cinq prochaines années. 

13 commentaires:

  1. Sapin : ministre de l’économie du gouvernement Beregovoy en 1992, en première ligne pour la phase à ce jour la plus calamiteuse de la politique économique française, quand le gouvernement sacrifiait l'emploi (période record du taux de chômage) et l'industrie pour la "défense" de la monnaie. Moscovici faisait partie des négociateurs français du TCE.
    Bien sûr chacun peut changer mais ces deux-là n'ont jamais exprimé d'autocritique, il y a fort à parier qu'il sont là pour poursuivre encore et toujours le néolibéralisme européiste.

    Concernant l'euro : ces gens là s'accrocheront jusqu'au bout à leur joujou. Je reviens sur l'acharnement absurde de Beregovoy en 1992, puis de Balladur. Ils ont tout sacrifié pour sauver le Système Monétaire Européen et c'est sans doute de ces années qu'on peut dater l'amorce de l'effondrement de l'économie française.A l'époque la plupart des économistes sérieux pensaient que la France renoncerait devant l’explosion du chômage. Il n'en a finalement rien été, et le Traité de Maastricht fut appliqué alors même que ses "conditions (les "critères de Maastricht), déjà imposées par l'Allemagne, n'étaient pas respectées.
    En Grèce, l'oligarchie représentée par les ND-PASOK se refuse à réorienter le pays alors qu'elle avait ces dernières semaines toutes les cartes en main. Le seul recours apparait dans un séisme électoral ou social mais l'acharnement des européistes à gagner du temps aura ruiné le pays avant qu'il ait réussi à échapper à leur griffes. L'autre option, guère plus réjouissante, est la panique financière...

    RépondreSupprimer
  2. Comme vous invitez à poursuivre le débat sur l'euro et la Grèce je ne suis pas hors sujet !

    Une question, pourquoi l'aspect géopolitique n'est pas abordée ? Même si l'abandon de l'euro est une bonne chose pour la Grèce à moyen terme, il y a tout de même à court terme un chaos à craindre avec des prédateurs qui guettent (Chine - Turquie...)
    Pour "repartir" la Grèce aura besoin d'aides, l'Europe versera t - elle ces aides ou va t - elle laisser la Grèce se réorientaliser ?

    RépondreSupprimer
  3. Je croyais Nicolas Sarkozy définitivement parti mais le voilà déjà revenu place Beauvau en la personne de Manuel Valls, son clone "socialiste". Il est vrai qu’avec Valls, "le mot socialiste ne veut plus rien dire" (1).

    (1) « "Le mot socialiste ne veut plus rien dire", selon Manuel Valls » in Libération avec AFP, 10 juin 2009.
    http://www.liberation.fr/politiques/0101573124-le-mot-socialiste-ne-veut-plus-rien-dire-selon-manuel-valls

    RépondreSupprimer
  4. "Pour "repartir" la Grèce aura besoin d'aides, l'Europe versera t - elle ces aides ou va t - elle laisser la Grèce se réorientaliser ?" : la deuxième solution serait encore la meilleure pour elle. Être oriental, ce n'est pas une honte ou une tare.

    RépondreSupprimer
  5. @ Opsomer

    Possible...

    @ Anonymes

    La Grèce s'en tirera mieux si on l'aide, mais elle peut également s'en tirer seule. C'est la leçon des crises asiatiques de 1997 où les pays qui ont refusé les plans du FMI s'en sont mieux tirés ou de l'Argentine, que les plans d'aide de 1998 à 2001 avait plongé dans une situation proche de la Grèce et qui est allée beaucoup mieux en dévaluant et en faisant défaut.

    En même temps vu "l'aide" que lui apporte l'Europe, il ne serait pas totalement étonnant que la Grèce se tourne ailleurs à l'avenir, même si le conflit à Chypre ferme sans doute la porte à une coopération solide avec la Turquie.

    @ Joël Halpern

    Complètement d'accord. Mosco et Sapin, c'est un très mauvais signe. Je partage complètement votre point sur la politique monétaire d'il y a 20 ans, point fondateur de ma construction idéologique. Les socialistes avaient sacrifié un million de chômeurs pour ne pas casser la parité avec le mark, signe de leur dogmatisme européen absurde.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Possible ? Certain ! Voici ce qu’écrivait l’an dernier Guillaume Tabard des Echos à propos de Manuel Valls :

      "Manuel Valls place Beauvau, l’hypothèse est tellement crédible que Nicolas Sarkozy y avait pensé en 2007, à l’époque où il pratiquait l’ouverture. Cette préférence n’avait rien de fortuit : Manuel Valls a toujours incarné l’aile droite du PS. [...] Sur les questions de sécurité aussi, le maire d’Evry tient un discours qui ne choquerait pas à droite : développement de la vidéosurveillance, construction de places de prison, sanction prévue dès la première infraction, refus de légaliser le cannabis, etc." (1)

      Comme le souligne le sociologue Laurent Mucchielli, le député-maire d’Evry "s'est depuis longtemps positionné sur les questions de sécurité, comme par ailleurs d'immigration, d'une manière telle que les médias n'ont pas tardé à le dénommer "le Sarko de la gauche" (Le Point, 2 août 2007). La sécurité est de fait l'un de ses thèmes de prédilection. Pour les journalistes politiques, il ne fait pas de doute que M. Valls souhaiterait être ministre de l'Intérieur si la gauche remportait les prochaines élections présidentielles et législatives. Au vu de son livre, il n'est pas sûr toutefois que M. Valls connaisse en profondeur les problèmes de sécurité, de police et de justice. Au-delà d'une posture autoritaire - au demeurant identique à celle de la plupart de ses adversaires politiques -, on ne trouve en effet dans son livre aucune piste précise et originale pour imaginer ce que pourrait être une politique de sécurité "de gauche", alternative à celle conduite depuis une dizaine d'années." (2)

      Conclusion : Manuel Valls est bien le fils spirituel de Nicolas Sarkozy... et les antisarkozystes sont les premiers cocufiés par François Hollande au nom de la realpolitik. Finalement, comme l'écrivit Giuseppe Tomasi di Lampudesa dans son (unique) roman Le Guépard, "il faut que tout change pour que rien ne change".

      (1) Guillaume Tabard, "Manuel Valls : objectif place Beauvau" in Les Echos, 19 avril 2011.
      http://blogs.lesechos.fr/guillaume-tabard/manuel-valls-objectif-place-beauvau-a5576.html

      (2) Laurent Mucchielli, "La posture autoritaire et populiste de Manuel Valls" in Vous avez dit sécurité ?, 5 juin 2011.
      http://insecurite.blog.lemonde.fr/2011/06/05/la-posture-autoritaire-et-populiste-de-manuel-valls/

      Supprimer
    2. ce discours n'est ni de gauche ni de droite si nous voulons de la sécurité c'est cela ou nous n'en voulons pas mais c'est un autre problème .
      Mais Valls a quand même un coté bisounours et anti Républicain sur le financement des mosquées

      Supprimer
    3. @ Opsmomer
      Laurent Mucchielli est signataire de l'appel des Indigènes de la République.

      Supprimer
    4. Assez d'accord avec Patrice Lamy. La sécurité ne devrait pas tellement être de droite car ce sont les plus faibles qui en sont les victimes.

      Mais c'est clair que Manuel Valls a un positionnement très droitier pour un socialiste au global. La forme lui donne également un côté sarkozyste.

      Supprimer
  6. La raciste Taubira qui n'a rien de modéré va encore donner du grain a moudre au FN et s'il y a panique financière ils n'auront même pas a se baisser pour ramasser la mise

    RépondreSupprimer
  7. Papier intéressant sur les clivages : Les populistes contre les médiagogues

    http://www.polemia.com/article.php?id=4850

    RépondreSupprimer
  8. Moscovici mauvais signe ? C'est une catastrophe !

    http://ecodemystificateur.blog.free.fr/index.php?post/Moscovici-mauvais-choix

    RépondreSupprimer
  9. @Laurent

    J'ai rencontré Manuel Valls lors de la réunion de F. Hollande à Besançon. Il ne m'a pas du tout fait l'impression d'être "sarkozyste sur la forme". Dans ta classification des trois gauches, on pourrait le placer à équidistance de la gauche sociale-libérale et de la gauche populaire. N'oublions pas qu'il était opposé au TCE dans le débat interne au PS.

    RépondreSupprimer