jeudi 14 juin 2012

2012, ou la victoire, temporaire, du bipartisme


Dimanche, la France devrait élire une Assemblée où seulement deux partis devraient très largement dominer l’hémicycle, comme jamais auparavant. Si le mode de scrutin porte une part de responsabilité, le cycle politique dans lequel nous nous trouvons est également en cause.

Quand l’UMP et le PS écrasent tout

Au second tour, les différentes projections n’accordent que moins de 10% sièges aux partis autres que le Parti Socialiste et l’UMP. Et encore, la plupart de ces circonscriptions devraient être gagnées par des partis qui ont un accord formel avec le PS, qui leur a réservé des sièges et leur a donné le précieux label majorité présidentielle tout en refusant d’investire un candidat socialiste : c’est ce qui va permettre aux écologistes, au PRG et au MRC d’avoir des élus le 17 juin.

Hormis ces trois partis, le Front de Gauche est le seul mouvement qui aura un nombre significatif d’élus. Et encore, il devrait perdre quelques sièges. Le Modem risque d’être totalement annihilé, à commencer par son chef. Le Front National pourrait avoir un ou deux élus, mais ce n’est pas encore fait. Seul Debout la République semble avoir l’assurance de retrouver son président à l’Assemblée Nationale, étant donné que Nicolas Dupont-Aignan a réuni 43% des suffrages dimanche.

Un tel résultat peut paraître surprenant tant les Français ont été déçus des précédents gouvernements UMP et PS. Néanmoins, après 10 ans d’opposition, les socialistes se sont refaits une forme de virginité politique qui peut expliquer que l’espoir de changement repose sur leurs épaules. Et cela s’explique aussi parce que le Modem a complètement échoué à se différencier solidement et que les autres grandes alternatives restent confinées aux marges de la vie politique.

Quelle alternative pour demain ?

Du coup, on peut avoir l’impression que le système politique de notre pays est totalement bouché et que rien ne pourra nous sortir de cette alternance illusoire entre PS et UMP, qui ne remettent pas du tout en cause le cadre européen et la mondialisation anarchique. Néanmoins, les choses devraient être différentes dans cinq ans (et même plus tôt) si le gouvernement actuel ne parvient pas à sortir notre pays de la crise économique dans laquelle il est enfermé depuis maintenant 4 ans.

Mais vers qui les Français pourront-ils se tourner ? Le Modem et les écologistes n’ont été que des étoiles filantes, réunissant plus de 15% des suffrages en 2007 et 2009 respectivement avant de revenir à la réalité en 2012. Il faut dire qu’ils proposent le même cadre européen, sans remettre en cause la libéralisation anarchique de l’économie. Du coup, les Français devraient se tourner vers un parti qui remet plus fondamentalement en cause les deux.

Le Front National pourrait sembler un candidat naturel à l’alternance, mais ses impasses font qu’il reste heureusement sous un plafond de verre extrêmement solide, comme l’illustrent le score de Marine Le Pen aux présidentielles, et plus encore celui du FN aux élections législatives. Dès lors, il restera deux alternatives pour notre pays : soit, comme en Grèce, la gauche radicale du Front de Gauche, malgré certaines incohérences, soit le projet gaulliste de Debout la République.

Bien sûr, une telle conclusion peut prêter à sourire. Mais tout indique qu’une immense majorité de Français ne veulent heureusement pas du FN au pouvoir. Dès lors, la véritable alternative ne pourra s’incarner que dans Jean-Luc Mélenchon ou Nicolas Dupont-Aignan.

15 commentaires:

  1. Alors là, Laurent, vraiment vous m'étonnez ! Vous n'avez pas remarqué que le bipartisme dont vous parlez dure depuis au moins trente ans ?
    Sancelrien

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  2. A mon avis, aucun espoir de voir des "petits partis" émerger au point de peser assez à l'Assemblée Nationale ou de pouvoir gouverner avec ce mode de scrutin et le découpage actuel des circonscriptions. C'est tout le système électoral (donc la Constitution) qu'il faut revoir... mais bien évidemment l'UMP ou le PS (sauf s'ils explosaient eux-mêmes) ne le permettront pas.
    Tout au plus, dans l'actuel système,pourrons nous rester des "think tank" ou la mouche du coche.

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  3. Te voilà bien optimiste Lolo! Le FdG semble désordre et je ne crois pas que DLR puisse atteindre la masse critique pour peser d'ici quelques années. La seule direction semble être celle indiquée par Todd. Hollande, poussé par la situation, fait des réformes, mais lesquelles? Je me demande s'il ne faudra pas 70% de gens vraiment pauvres pour que cela bouge et donc le quinquennat actuel devrait plutôt se traîner lamentablement.
    Jard.

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  4. Bien vu Laurent. Nous nous dirigeons de plus en plus vers un système à l'anglo-saxonne. Le FN n'est pas assuré d'avoir une représentation parlementaire (nous en saurons plus dimanche soir). On peut s'en réjouir ou pas. Personnellement, je considère ce parti aux antipodes de certaines valeurs républicaines, mais en démocratie il est toujours choquant de voir qu'un parti qui représente, au bas mot, le septième des suffrages exprimés n'a pas de représentation parlementaire. C'est pourquoi, bien que gaulliste, je suis pour l'introduction d'une dose de proportionnelle aux législatives. Quant à DLR, il sera, quoi qu'il en soit (et sauf cataclysme dimanche dans la 8e de l'Essonne) la seule force politique indépendante du bipartisme et authentiquement républicaine à l'AN. Il sera aussi le seul parti remplissant ces conditions éligible au financement public. Le printemps mauve a bien eu lieu.

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  5. En effet cela fait trop longtemps que le mode de scrutin élimine de la représentation nationale une forte part de nos concitoyens: depuis 1986 où la droite a cru bon de supprimer la dose de proportionnelle instillée par François Mitterrand. Quoique l'on en pense par ailleurs il n'est pas sain qu'un parti qui représente 15 à 20% des François soit éliminé de l'Assemblée: le FN mais aussi toutes les autres sensibilités politiques de notre pays. Je pense que ce plafond de verre va un jour craquer et alors ce sera un raz de marée parce que trop longtemps contenu, ce peut-être en 2017 en raison de la perméabilité de plus en plus forte entre une partie de l'UMP et du FN version MLP et parce qu'il n'est pas impossible qu'elle fasse une mue nettement plus prononcée que celle bien faible entamée. Alors Debout la République se renforcera et devra nouer des alliances politiques pour faire face à cette hypothèse qui peut être malsaine pour notre pays.

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    1. Absolument d'accord avec vous. D'ailleurs je pense que DLR devrait sérieusement commencer à réfléchir à ce genre d'alliances où l'expérience de NDA pourrait lui permettre un leadership naturel.
      Sancelrien

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  6. Sur la question du bipartisme, deux éléments contradictoires peuvent être mis en avant : l'implacable logique du système majoritaire d'un côté et la fondamentale diversité des traditions politiques nationales (elles-mêmes basées sur un fond anthropologique exceptionnellement varié) de l'autre, qui fait que la domination bipartisane malgré son apparente stabilité est et sera périodiquement et nécessairement remise en cause.

    Une des faiblesses consubstantielle de l'UMP vient justement de son aspect monolithique. La diversité niée tend alors à se manifester à un autre niveau avec le FN. La droite n'y a pas gagné. La solution de la gauche avec une hégémonie négociée est peut-être plus judicieuse, même si elle pose des problèmes évidents, l'alliance à distance du FdG n'ayant pas eu d'excellents résultats pour lui aux législatives (n'est-ce pas, M. Mélenchon).

    En ce qui concerne DLR, les résultats de l'Essonne sont évidemment une bonne nouvelle, mais la suite sera complexe à gérer. Autant la distance prise avec l'UMP sarkozyste au pouvoir était parfaitement judicieuse, à mon avis, autant un nouveau positionnement est sans doute envisageable au moment des recompositions qui vont accompagner le séjour dans l'opposition de la droite parlementaire.

    Ce qui a été vrai à gauche, avec l'émergence d'une gauche eurosceptique et protectionniste renforcée entre 2007 et 2012, le sera aussi sans doute à droite. Quel rôle DLR jouera-t-elle dans ce contexte? c'est toute la question.

    Emmanuel B

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  7. Je ne partage pas du tout votre analyse.
    Le système uninominal à deux tours favorise le bipartisme et la continuité et érode les nouveaux partis. La victoire de Nicolas Dupont Aignan n'est pas due à son engagement à DLR ou à ses positions nationales mais à son implantation locale ancienne. Partout, les candidats de DLR ont fait des scores moindres que Nicolas Dupont Aignan. A ce titre, ce sont les Verts qui ont raison, c'est en passant des alliances qu'ils ont réussi à s'implanter et à gagner des circonscriptions.

    J'ajoute que la personnalité charismatique de Nicolas Dupont Aignan est un handicap. Si son intégrité est une richesse pour la vie politique en général, elle rend difficile la compromission. Il a un vrai statut de leader qui est absolument nécessaire, mais qui rend difficile les alliances.

    Dans la conjoncture politique française, je doute que DLR puisse se poser en leader d'une pensée capable d'offrir une alternative à un moment donné (sauf très grave crise, ce qu'on ne saurait souhaiter). Si c'est son voeu, il faudra qu'elle change quelque chose. Et à priori, je la vois plus comme une force d'avant garde qui impose ses idées que comme la pierre angulaire autour de laquelle ces idées s'articulent. Dans un cas comme dans l'autre, il faut qu'elle réfléchisse à la place qu'elle souhaite occuper et à la stratégie de communication qui reste à construire.

    Mais de toute évidence, elle est indispensable à la vie politique.

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  8. @ Sancelrien

    Faux : il y avait le RPR et l'UDF à une époque. Le bipartisme a moins de dix ans en France.

    @ A-J H

    La crise réveille les peuples, comme on le voit en Grèce.

    @ Jard

    Je ne crois pas une seconde à une conversion du PS.

    @ Eric A

    A titre personnel, je suis favorable à une réforme du Sénat qui permettrait une meilleure représentation des courants politiques, mais pas à l'AN.

    @ Cording

    Le plafond de verre est solide tout de même. Le FN fait moins qu'en 1997, MLP fait moins que son père et BM en 2002. Il n'y a aucun progrès, malgré un contexte bien plus favorable.

    @ Emmanuel B

    A nous d'écrire cette nouvelle page.

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  9. C'est un point sur lequel je vous rejoins absolument.

    Si l'Assemblée nationale doit rester l'institution qui représente la diversité des territoires et favorise la décision, le Sénat doit devenir celle qui favorise la diversité des opinions politiques et la proposition. L'élection du Sénat au scrutin proportionnel enrichirait beaucoup la parole politique française et constituerait un facteur d'équilibre.

    Verra-t-on cette proposition comme proposition importante de DLR ?

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  10. Pour ma part je pense que la droite populiste de l'UMP fera scission et rejoindra le FN après les élections... je ne crois pas, Laurent, à ton "plafond de verre", j'ai vu autour de moi beaucoup de gens qui ont franchi le pas et qui ne considèrent plus que le FN serait diabolique.

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  11. Je ne crois pas non plus au plafond de verre le fn a franchit un pas considérable dans les esprits je crois même que c'est devenu un parti alter mondialiste Daniel Mermet (la bas si j'y suis) y consacre d'ailleurs une émission il faut que je la retrouve et la gauche olfactive n'a plus d'arguments dire nauséabond raciste en sautant sur sa chaise comme des cabris cela fonctionne un temps c'est terminé . Mais contrairement a Leonard je ne crois pas que la personnalité charismatique de NDA soit un handicap la grave crise non y allons le pied a fond sur l’accélérateur et en klaxonnant le problème pour nous sera bien le fn et penser qu'il a fait le plein de voix et une grave erreur de jugement

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  12. Dimanche soir nous verrons si le "plafond de verre" est aussi solide que tu le dis. De plus il ne faut pas oublier la "contamination" idéologique de l'UMP par les idées du FN qui a progressé sous le quinquennat Sarkozy. Rappelle-toi le "cordon sanitaire" qui existait du temps de Chirac et où Michel Noir disait qu'il vaut mieux perdre une élection que son âme. L'existence voire l'influence de la droite "populaire" est un signe de mes arguments.

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    1. Une fois de plus d'accord avec vous et Patrice Lamy.
      Là-dessus, pour mon premier post, Laurent, bon, bon, il aurait mieux valu dire "bipolarisation". Là-dessus, aujourd'hui, pour moi, les différences réelles, sur le fond entre le PS et l'UMP sont tellement négligeables que je ne parlerais même plus de bipartisme mais de parti unique auquel les deux seules alternatives sont DLR et le FN.
      Sancelrien

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  13. Le FN peut-il percer le "plafond de verre" , Oui, si une partie de l'UMP le réintègre dans le jeu des alliances. Mais la base en serait la partie détestable du programme du FN, à savoir les mesures discriminatoires anti-immigrés et anti-islam. En revanche, ce qui peut sembler séduisant dans le discours actuel du FN, à savoir la sortie de l'euro et les mesures protectionnistes, ne sont pas UMP-compatibles. Si une telle recomposition se produisait, elle nous dégagerait probablement le terrain.

    Pour ce qui est de nos propres alliances, il faut rester ouverts à toutes les opportunités mais ne pas brûler les étapes. Pour le moment l'encéphalogramme de la gauche républicaine est désespérément plat. Mais les contradictions de Hollande pourraient la ranimer. patience, donc. Quant au FdG, ces erreurs stratégiques des derniers mois (discours gauchiste, obsession anti-FN, confusion dans le positionnement par rapport au PS) l'ont mis hors-jeu pour un moment.

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