jeudi 28 juin 2012

Merkel : « pas d’euros obligations tant que je vivrai » !


La chancelière allemande ne pouvait pas mieux clarifier la situation avant le sommet européen qui commence aujourd’hui. Jamais l’Allemagne n’acceptera la collectivisation des dettes, une idée sortie du cerveau malade des eurocrates depuis deux ans.

Pourquoi l’Allemagne a raison

Les unes du Bild, le jugement de la cour de Karlsruhe ou encore un récent sondage indiquant que 79% des Allemands sont opposés aux euros obligations (et seulement 14% favorables) auraient du mettre un point final à cet incroyable débat. Mais non, la France ou The Economist font une campagne ouverte en faveur des euros obligations. C’est sans doute pour cela qu’Angela Merkel a mis ses pieds dans le plat en affirmant qu’il n’y aura pas de mutualisation des dettes de son vivant.

Et il faut dire que cela est totalement compréhensible du point de vue de l’Allemagne. Bien sûr, le pays risque de hâter la fin de l’euro de la sorte, provoquant alors une cascade de dévalutions compétitives des autres monnaies européennes face au deutsche mark. Mais Berlin en a déjà vu d’autres, comme en 1993, et cela n’avait pas mis l’économie du pays à terre. En effet beaucoup d’exportations allemandes n’ont pas de substitut et peuvent supporter une hausse des prix.

Mieux, une réévaluation a aussi des avantages, comme un gain de pouvoir d’achat sur les produits importés, et la possibilité de voyager à moindre coût à l’étranger. Bref, ce ne serait pas la catastrophe que certains annoncent. A mettre en parallèle avec les 4000 milliards d’euros de caution solidaire que demandait le mécanisme imaginé par l’institut Bruegel. Patrick Artus avait réalisé un calcul tendant à démontrer que le maintien de l’euro était préférable, mais cela était douteux.

Une idée totalement aberrante


Le calcul de l’économiste en chef de Natixis est en effet en bonne partie contestable. Tout d’abord, le choc sur le commerce extérieur n’a lieu qu’une année. Et l’expérience du début des années 1990 indique que ce serait bien moins que 5% du PIB. En revanche, il est vrai que le pays subirait une forte dépréciation sur ses actifs extérieurs. En même temps, ces actifs rapportent aujourd’hui beaucoup plus que les actifs allemands (taux des bons du trésor), ce qui est forcément lié.

Ensuite, Patrick Artus souligne que le fédéralisme budgétaire implique un transfert permanent de 4% du PIB (100 milliards d’euros) ce qui est considérable. Mais il oublie qu’avec les euros obligations proposées par l’institut Bruegel, Berlin devrait se porter caution solidaire à hauteur de 150% de son PIB, le tout sans gagner quoique ce soit. Bref, en corrigeant les hypothèses de Patrick Artus, on comprend pourquoi l’Allemagne refuse de faire tout ce qu’il faudrait faire pour essayer de sauver l’euro.

Et sur le fond, les Allemands ont bien raison de tuer cette idée délirante. Tout d’abord, une telle proposition est incroyablement déresponsabilisante, tant pour les pays les plus endettés et les créanciers de ces pays, qui se voient offrir le parapluie de ceux qui ont fait des efforts. Elle est donc totalement inacceptable pour les créditeurs de dernier ressort étant donnés les montants envisagés, qui peuvent aller jusqu’à 20 fois ceux engagés dans le MES ! Bref, c’est « nein » et cela le restera.

C’est sans doute la raison pour laquelle François Hollande a tout de suite levé le drapeau blanc. Les euros obligations sont logiquement inacceptables du point de vue allemand. Et de toutes les façons, elles n’auraient sans doute même pas réussi à sauver la monnaie unique.

12 commentaires:

  1. bonjour

    pourquoi toujours tenir des propos catastrophistes dès qu'on parle de l'euro ?
    il n'y a aucune raison que cette monnaie disparaisse.
    sa création était un bel effort européiste pour unifier l'europe de l'ouest, seulement on a enlevé aux etats les barrières douanières en plus, ce qui fait qu'il n'y a plus d'outil macroéconomique pour s'adapter.
    la zone euro est sans doute trop grosse, elle va devoir dégonfler. mais svp arrêtez de dire que cette monnaie va disparaitre, exploser, imploser ou je ne sais quoi, c reprendre la logorrhée verbale des européistes fous qui veulent faire peur.
    cordialement et bonne continuation.

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  2. Là, tu nous donnes l'exemple d'un débat franco-français complètement délirant, comme beaucoup d'autres, mais qui s'est, cette fois, très vite heurté à la réalité.
    Si Hollande a très vite renoncé, pourquoi l'a-t-il mis en avant, apparemment, comme solution prioritaire?
    Jard

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  3. Il me semble que les exportations allemandes vers les pays de l'Euro en grande difficulté ne sont pas si importantes et de toute façon ne deviendraient pas zéro en cas de sortie.

    Il y aurait donc une récession temporaire en Allemagne entrainant progressivement, après une hausse, un réajustement à la baisse de sa monnaie. J'imagine une période de rééquilibrage sur 2 à 3 ans, avec recours au Kurzarbeit tout à fait tenable sur une telle période.

    Je suppose que les dirigeants allemands ont évalué cette possibilité, d'où leur position ferme actuelle qui est compréhensible car les finances allemandes ne sont pas si solides que ça. Ils préféreront s'endetter un peu plus pour passer l'orage et soutenir leur économie plutôt que de signer le chèque en blanc de la mutualisation.

    Ils sont à 80% de dette, il y a de la marge avant d'arriver à 110% qui n'est pas jugé si grave selon :

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2012/06/27/quel-est-le-bon-niveau-de-dette-publique/

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  4. Il est tout de même amusant (ou effrayant ?) de voir Angela Merkel raisonner comme si elle était chancelière à vie ("tant que je vivrai"). Il aurait été pourtant si simple de dire : "Aucun chancelier n'acceptera jamais, etc". Ce n'est pas qu'une manifestation de vanité. Il semble qu'on investisse dans les débats autour de la crise actuelle toutes les passions d'une guerre de religion.

    YPB

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  5. Si Merkel a raison sur un sujet precis il n'y a pas de quoi faire son éloge.
    Si elle a raison sur les eurobligations c'est juste parce qu'elle ne veut rien payer. Cela est tout a fait compréhensible mais ca n'a rien d'extraordinaire.
    Merkel n'a aucune solution pour l'Europe. Elle ne propose pas un nouveau systeme monetaire qui permettrait à chaque pays d’équilibrer ses échanges. Elle veut à la fois le maintien de l'€ sans réguler les déséquilibres et sans jamais rien payer...Elle assume les politiques d’austérité les plus stupides pour continuer a nourrir les parasites financiers. En bonne neoliberale elle est prete a éliminer tout contrôle démocratique sur l'economie et elle est totalement insensible aux problèmes de chômage de ses voisins. Elle a dit plusieurs fois qu'il serait normal de rester 10 ans dans cette situation. Comment on peut accepter un tel manque d'humanité ?
    Les eurobligations sont certes très couteuses mais elles ne sont qu'une idée coherente avec l'€. Comme toute sorte de transfert des regions riches vers les regions pauvres elles sont une conséquence inevitable de la monnaie unique. L'€ montre justement sa stupidité en amenant à des solutions démentielles pour se maintenir

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  6. LP,

    De l'économie, encore et toujours... Quand parlerez-vous vraiment de politique ? La politique en son essence même ? DLR prend un drôle de chemin. On pense la politique avec Hugo et Rousseau, non avec Keynes et Hayek. Là est votre erreur fondamentale, première, et qui vicie tout le reste. Le monde de l'économie ou par l'économie est une prison idéologique qui fait de nous de simples agents économiques, des colonies de fourmis qu'il convient de gérer par des courbes, des moyennes et des ratios. La théorie économique masque les vraies enjeux. DLR fait ainsi fausse route cher porte parole.

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  7. @Laurent Pinsolle
    je suis d'accord avec votre article lorsqu'il insiste sur l'importance de la responsabilité de chaque Etat. Un Etat n'est pas responsable des dettes de son voisin. Un libertarien comme moi est donc, pour une fois, d'accord avec vous.

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  8. Vendredi 29 juin 2012 :

    Zone euro : voie ouverte à la recapitalisation directe des banques (Van Rompuy).

    La zone euro veut mettre en place d'ici fin 2012 un mécanisme qui permettra de recapitaliser les banques directement via ses fonds de secours et d'assouplir les conditions pour qu'ils achètent de la dette souveraine sur les marchés, accédant à une demande de l'Espagne et de l'Italie.

    "Quand ce sera prêt, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourra avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques", a déclaré M. Van Rompuy lors d'une conférence de presse à Bruxelles au terme d'un sommet de la zone euro.

    La recapitalisation directe des banques se fera sous certaines conditions.

    "La zone euro est également prête à ce que les fonds de secours interviennent pour rassurer les marchés", a ajouté M. Van Rompuy, ce qui signifie que le FESF et le MES pourront acheter directement des titres de dette sur les marchés.

    http://www.romandie.com/news/n/Zone_euro_voie_ouverte_a_recapitalisation_directe_des_banques_Van_Rompuy_RP_290620120642-23-204095.asp

    Cette dernière phrase est hilarante !

    "La zone euro est également prête à ce que les fonds de secours interviennent pour rassurer les marchés", a ajouté M. Van Rompuy, ce qui signifie que le FESF et le MES pourront acheter directement des titres de dette sur les marchés.

    Mais avec quel argent ?

    Avec quel argent le FESF et le MES pourront-ils acheter directement des titres de dettes sur les marchés ?

    Et c'est pareil pour la recapitalisation directe des banques : avec quel argent le FESF et le MES pourront-ils recapitaliser directement les banques ?

    Rappel : le FESF et le MES sont des coquilles vides. Le FESF et le MES n'ont pas les milliards d'euros nécessaires pour acheter directement des titres de dettes. Le FESF et le MES n'ont pas les milliards d'euros nécessaires pour recapitaliser directement les banques.

    Donc le FESF et le MES vont d'abord devoir emprunter des milliards d'euros sur les marchés internationaux.

    Ensuite, avec cet argent, le FESF et le MES pourront intervenir.

    Bref, on va rajouter des montagnes de dettes par-dessus les montagnes de dettes qui existent déjà !

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    1. Si le MES a le statut bancaire il pourra se financer directement auprès de la BCE non ?

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  9. http://www.spiegel.de/international/europe/merkel-concessions-at-euro-crisis-summit-smarter-than-they-seem-a-841772.html

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  10. http://www.les-crises.fr/le-super-sommet-europeen/

    " Épilogue

    Bref, encore un beau flan européen, saupoudré de beaux copeaux d’enfumage, gage de nouvelles dettes rajoutées aux dettes actuelles déjà non remboursable, le jeu va donc continuer 3 mois de plus.

    Car la seule question qui vaille est bien entendu : “où trouver de l’argent“, et du vrai, donc pas de l’argent emprunté… .

    D’où ma conclusion pour ce sommet : Diplôme du foutage de gueule"

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  11. @ Jard

    En effet, c'est incompréhensible. Le PS n'est pas très malin...

    @ Olaf

    Très juste

    @ YPB

    Un moyen pour elle de gagner les prochaines élections face à un SPD plus hésitant sur la question ?

    @ Global

    C'est tout de même l'actualité du moment...

    @ Gidmoz

    Il y a un tel principe d'irresponsabilité derrière les euros obligations et dans le discours de ceux qui les défendent qu'il est logique de le dénoncer.

    @ BA

    Merci.

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