lundi 9 juillet 2012

Le scandale LIBOR-Barclays, symptôme de l’anarchie financière


« Banksters » (contraction de banquier et gangster), « Le cœur pourri de la finance » : The Economist n’y est pas allé de main morte pour dénoncer le scandale de la manipulation du LIBOR par la banque Barclays, qui a abouti à la démission de son patron et une amende de 450 millions de dollars.

Un scandale inquiétant

Le LIBOR (London Inter-Bank Offered Rate) est un taux d’intérêt de référence des marchés financiers, sur lequel repose la bagatelle de huit cent mille milliards de dollars de contrat, plus de 10 fois le PIB de la planète… Le LIBOR est un taux fixé tous les jours par la compilation du coût de financement à trois mois en dollars estimé par 16 banques. Les 4 taux les plus élevés et les 4 taux les moins élevés ne sont pas pris en compte. Le LIBOR est la moyenne des 8 taux médiants.

De manière intéressante, on constate que ce taux fondamental sur les marchés financiers ne reflète même pas la réalité de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché, mais est seulement la moyenne d’estimations informelles fournies par quelques banques. Cette méthode pose beaucoup de problèmes car les banques sont juges et parties dans l’affaire. Communiquer un taux trop élevé (les chiffres sont publics) indique ainsi qu’une banque a des difficultés de financement.

Ensuite, ce taux détermine également une partie des coûts et des revenus d’une banque. Du coup, en fonction de son portefeuille, une banque peut avoir intérêt à faire baisser ou faire monter le LIBOR. Et c’est justement là que le scandale intervient. The Economist rapporte ainsi que Barclays a été reconnue coupable de manipulation du niveau du LIBOR, en soumettant presque toujours le taux plus élevé. Pire, il semble qu’elle ait agi en coordination avec d’autres banques.

A quand le karcher pour la finance ?

En réailté, nous n’en sommes qu’au début des révélations sur ce scandale absolument retentissant. En effet, l’amende de Barclays (450 millions de dollars) a été réduite parce que la banque a coopéré avec les autorités ! Et The Economist évoque que les enquêtes se poursuivent à Citigroup, Deutsche Bank, HSBC, JPMorgan Chase, RBS et UBS. Bref, le gratin mondial de la finance pourrait bien être impliqué dans cette manipulation des taux d’intérêt.

Ce nouveau scandale nous rappelle deux choses. La première, c’est le privilège incroyable des banques dans le monde occidental, et plus particulièrement européen. En effet, les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie presque à volonté (permettant à la BNP de tripler son bilan de 2002 à 2008) du fait de normes prudentielles extrêmement laxistes. Mieux, leur importance systémique (trop grandes pour faire faillite) impose aux Etats de venir à leur aide, quelqu’en soit le coût.

La seconde leçon, encore plus effrayante, c’est que nos dirigeants ne font rien ou presque pour réformer ce système financier devenu monstrueux, où les conflits d’intérêt sont légions, où les rémunérations restent encore complètement déraisonnables. Pire, les quatre années qui viennent de passer ont consacré l’irresponsabilité chronique de ce monde, qu’on ne peut pas laisser faire faillite, et qui a droit à une forme d’assurance gratuite de la part des Etats et des contribuables.

Les raisons qui expliquent le manque d’attention des politiques sur ces sujets restent mystérieuses. Aux intérêts croisés, je crois aussi qu’il y a également trop de conformisme et un manque de compréhension. A croire, que, comme le souhaite Lordon, il faudra une explosion du système pour le réformer.

10 commentaires:

  1. Ce "scandale" rappelle le changement des règles comptables en 2009, autorisant les banques à comptabiliser leurs actifs à leur "coût amorti" et non plus à leur valeur de marché. En maquillant légalement ou pas, les indicateurs de leurs solvabilité, les banques se soustraient un peu plus à l'économie de marché. Le "coût amorti" comme le trucage du LIBOR effacent pour un temps le risque systémique mais au détriment de l'efficience du système. Délivrées des signes extérieurs de leurs pertes, et assurées d'un refinancement automatique par des banques centrales de plus en plus impuissantes, les banques élargissent leur marge de manœuvre. Je comprends l'usage polémique du terme de "banksters", mais je crains qu'il cache la logique systémique de ces comportements. Cupides ou pazs, les banquiers comme les politiciens cherchent avant tout à préserver le système bancaire, ce qui suppose à l'heure actuelle de s'affranchir de la plupart des règles "normales". La hantise des autorités est l'éclatement d'une crise ouverte dont nul ne maîtrise la dynamique. Elle emporterait certes la caste financières, mais obligerait les États à réviser du tout au tout les politiques néolibérales (libre-échange intégral, désindustrialisation,précarité de l'emploi, mise en cause de" la protection sociale, etc.). Autoriser les banques à s'affranchir des règles comptables (ou fermer opportunément les yeux) est la seule alternative au grand saut dans l'inconnu...

    Le "plan B" n'est pas de propager la vertu en sacrifiant quelques bouc-émissaires cupides, mais de se résoudre à prendre le contrôle des banques en faillite, épurer les dettes, bloquer les mouvements de capitaux et construire les bases d'un marché efficient des services bancaires.... cela parait horriblement révolutionnaire, mais ce ne l'est guère plus que se résoudre au dentiste quand la carie progresse...

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  2. merci au nom de tout les profanes pour ces éclaircissements sur cette affaire, la finance étant un monde pour le moins obscur...

    Du coup on s'étrangle quand on lit "800.000 milliards" @_@ un chiffre pareil demande qu'on se penche plus précisément sur ce qu'est le LIBOR ...

    vous dites : "Le LIBOR est un taux fixé tous les jours par la compilation du coût de financement à trois mois en dollars estimé par 16 banques"

    en allant sur wikipedia, je comprend que le LIBOR fixerait chaque jour un taux moyen auquel certaines grandes banques de Londres prêtent "en blanc"* à d'autres grandes banques, certaines devise, pour une échéance donnée.

    *sans que le prêt soit gagé par des titres. (happy hour ?)

    soit.
    donc pour expliciter, que se serait-il passé si le LIBOR avait été plus faible ? les devises concernées auraient perdu de la valeur ?

    quels types de contrats constituent ces 800.000 milliards (virtuels donc si je comprend bien) ? ce sont des prêts aux personne, entreprises, états ? ou des opérations de change ? ou autres ?

    merci ^^

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  3. a certain moment je me demande s'il ne serait pas bon de faire revenir Saint Just et Robespierre avec la bascule a Charlot pour faire un grand ménage de printemps ?

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  4. @ J Halpern

    Très juste. On met des rustines à un système en faillite pour éviter d'admettre la vérité. Mais si on peut comprendre le souci de ne pas tout faire exploser, il est tout de même incroyable qu'aucune réflexion de fond pour préparer une vraie réforme n'ait été lancée.

    L'issue risque d'être celle qu'évoque souvent Lordon, à savoir un effondrement du système qui permettra alors de nettoyer les écuries d'Augias.

    @ Anonyme

    Le LIBOR détermine à la fois des coûts des banques (puisque certains contrats - par exemple des SICAV vendues aux clients de la banque - sont fonction du LIBOR) mais aussi en partie leurs recettes (avec des prêts indexés sur le LIBOR). Selon la position de la banque sur les instruments liés au LIBOR, une banque peut avoir intérêt à ce que le LIBOR baisse ou monte. Un LIBOR plus faible diminue à la fois certaines recettes (intérêts de prêts fonction du LIBOR) et des coûts (placement des clients font la rémunération est fonction du LIBOR).

    Je ne sais pas si le taux du LIBOR influe le cours des monnaies. C'est probable, mais je n'en ui pas sûr.

    Pour les contrats, cela peut être des SICAV monétaires achetées par les clients de la banque tout comme prêts de la banque à ses clients fonction du LIBOR. Il doit y avoir beaucoup d'instruments liés vus les montants évoqués.

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    1. ok, c'est tout de même compliqué ces trucs ... surtout si ces taux sont fixés au doigt mouillé ...

      et les emprunts d'états, concernés aussi ... ?

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    2. Non, cela ne concerne pas les emprunts d'Etat.

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  5. Laurent,

    Je te recommande vivement cet article qui montre que la manipulation n’a pas beaucoup de conséquences en réalité puisque en définitive, les taux suivent les taux directeurs de la banque centrale, en tous les cas aux USA :
    http://frappermonnaie.wordpress.com/2012/06/30/hysterie-sur-le-libor/

    Il n’en reste pas moins que le fonctionnement du système bancaire est tout simplement scandaleux comme tu le dénonces justement. Je suis d’accord avec N.Roubini : il faut détruire les banques et pendre les banquiers :
    http://www.atlantico.fr/pepites/pour-empecher-banques-faire-choses-immorales-detruisons-pendons-salarie-dans-rue-banque-barclays-libor-scandale-414554.html

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  6. @ RST

    Merci. je vais regarder. Il faut que je me penche sur le chartalisme, dont même The Economist a parlé. Cette école de pensée économique me semble intéressante.

    Ce système est proprement sidérant.

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  7. Face aux scandales des banques d'affaires ! Citoyens, Exigeons une vraie réforme bancaire avec la loi des séparations des banques !

    Signez et faites circuler l'appel Glass Steagall : http://www.appel-glass-steagall.fr

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  8. bonjour je tiens à votre disposition l'utilisation du LIBOR CHF 3 mois coté à Londres dans un dossier concernant des prêts immobiliers aux primo accédents et investisseurs "modestes" d'une grande banque française. Mr le sénateur maire de St Etienne s'est déjà penché sur ce dossier étant un acteur malgré lui au niveau de sa mairie

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