mardi 14 août 2012

Etats-Unis : la catastrophe de la privatisation des universités


Certes, les grandes universités étasuniennes dominent la plupart des classements internationaux, mais depuis quelques années, les critiques se font de plus en plus fortes, sur l’aspect inégalitaire mais aussi les dépenses somptuaires et le coût exhorbitant des études supérieures aux Etats-Unis.

Une bulle universitaire

La critique du coût délirant des études n’émane pas d’une officine gauchisante alter-mondialiste, mais bien du très sérieux et très libéral The Economist, qui n’en est pas à sa première attaque. Dans un nouveau papier intitulé « la calamité du coût de l’université », l’hebdomadaire reprend les conclusions d’un rapport du cabinet de conseil Bain, qui pointe l’explosion de coûts. Il pointe que les universités étasuniennes ont augmenté leur endettement de 12% par an de 2002 à 2008.

Les dépenses d’équipement ont augmenté de plus de 6% par an et celles consacrées à l’instruction de près de 5% par an. Résultat, The Economist rapporte une envolée du coût des études puisque depuis 1983, le coût moyen d’un étudiant é a progressé trois fois plus vite que l’inflation. De 2001 à 2010, le coût des études est passé de 23% du salaire annuel moyen à 38%. Résultat, les étudiants s’endettent massivement : 1000 milliards de dollars aujourd’hui (dont quelques subprimes).

Cette étude complète un papier du même journal d’il y a deux ans qui pointait également les dépenses somptuaires des universités et le coût exhorbitant des études, alors que les étudiants et les professeurs travaillent de moins en moins. The Economist comparait alors ces fleurons des classements internationaux aux constructeurs automobiles étasuniens avant leur faillite ! D’autres études ont également souligné l’explosion des frais administratifs et la bureaucratie envahissante.

L’échec du privé

Bien sûr, tout cet argent permet de figurer tout en haut des classements internationaux en payant des professeurs reconnus. Mais même The Economist se pose la question du mauvais fonctionnement du marché dans ce domaine. En effet, le prix semble être devenu un argument de vente : plus il est élevé, plus la formation semble demandée. La concurrence devient totalement malsaine et anti-économique avec une bulle digne de celle des starts-ups de la fin des années 1990.

Pire, comme Paul Krugman l’avait noté dans son livre « L’Amérique que nous voulons », ce système pose un gros problème d’inégalités et d’injustice. Il rapportait en effet une étude sur les élèves de 5ème qui montrait que ceux qui étaient dans le premier quart de leur classe mais dont les parents étaient dans le 4ème quart pour les revenus avaient autant de chances d’aller à l’université que ceux qui étaient dans le 4ème quart de la classe mais dont les parents étaient dans le 1er pour les revenus !

En clair, par-delà l’énorme gâchis financier de cette bullle financière, cette envolée des frais de scolarité des universités étasuniennes produit une société de plus en plus aristocratique où les mauvais élèves de parents riches ont autant de chances de faire des études que les bons élèves de parents issus des classes populaires. Voilà une nouvelle démonstration des très grandes limites du marché, outre le cas de la santé, 50% plus coûteuse qu’en France pour un moins bon résultat.

Contrairement à ce que veulent faire croire les ayatollahs néolibéraux, le marché ne fonctionne pas toujours. Et dans le domaine si important de l’éducation, il démontre des failles colossales aux Etats-Unis qui devraient être prises en compte avant tout projet de libéralisation ailleurs.

22 commentaires:

  1. Robert Lohengrien14 août 2012 à 13:43

    Il est vrai que la sélection se fait au niveau de l'argent. Les pauvres essayent de suivre une formation à l'armée, ce qui a assez bien fonctionné dans le passé.
    Il existe une hiérarchie au sein des universités américaines (on a un phénomène similaire en France: clivage entre facs et grandes écoles, ou la sélections sociale joue énormement). La compétition entre les jeunes diplômés aux USA est devenue féroce (chômage de masse oblige), donc chacun essaye de s'inscire dans la meilleure fac, celle qui a une bonne réputation, reconnue par les employeurs. Je pense que nous avons à faire, dans ce cas précis, à un phénomène de masse; les individus tentent de sortir de l'anonymat de la masse grâce à un diplôme préstigieux.

    En revanche, la formation dans les facs américaines à forte réputation me semble très bonne. J'ai moi-même passé quelque temps à Harvard: nombre d'étudiants restreint pour suivre des cours (petits groupes), par conséquent les rélations avec les enseignants sont plus directes, le contraire de "l'usine à gaz" des facs parisiennes où l'étudiant est livré à lui-même, du moins jusqu'au Master.

    Je pense que l'injustice sociale - la sélection par l'argent - menace également l'Europe de l'ouest - c'est déjà le cas par endroits. Chaque étudiant rencontre une réalité incontournable: il faut de l'argent pour faire des études supérieures. Ou bien on va instaurer un numerus clausus généralisé, car le nombre des étudiants ne baissera pas, bien au contraire. Les facs ne pourront y faire face (le marché de l'emploi non plus). C'est une hypothèse qui est évoquée, en ce moment, en Allemagne.

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  2. En France, il y a encore moyen d'être payé pendant ses études, CIF, allocs chômage...

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  3. il a toujours fallut de l'argent pour faire des études supérieures même dans les année 60/70 personnellement j'ai fait mes études d’ingénieur en cors du soir ; c'est aussi une question de volonté . Est ce que "The Economist" puisqu'il se prend au sérieux ne joue pas les pompiers pyromanes ?

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  4. Certains nous ont bassiné avec les Etats Unis ou tout le monde avait sa chance le diplôme ne compte pas ou alors c’était juste pour pousser des caddies ?

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  5. N'importe quoi. La hausse des coûts exorbitante des universités américaine n'est absolument pas dû "au marché" où les prix ne peuvent que baisser par la concurrence, mais à la politique de l'Etat américain qui garantie les prêts étudiants. Massification des prêts -> les étudiants ne paient pas de leur poche -> les universités ne font aucun effort pour baisser les prix. Renseignez vous avant de parler de quelque chose.

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    1. les prix qui baissent grâce a la concurrence nous sommes sur le manège enchanté avec Pollux et Zebulon c'est du délire gnan gnan

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    2. C'est vous qui devez revenir à la réalité. Chaque industrie libre, où l'Etat ne vient pas mettre ses grosses pattes, connaît des baisses de coûts constantes. Ex : nouvelles technos.

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    3. J'ai bossé toute ma vie sur ce que vous appelez nouvelles techno qui quand ils arrivent sur le marché ont en général une trentaine d'années ces baisses sont dues a l’intégration des composants et a la miniaturisation qui est une sorte de loi naturelle en technologie

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    4. La grosse foutaise... l'essor des nouvelles technologies a d'abord commencé sous perfusion de l'Etat, qui a financé les recherches, et maintenant que les technologies en question sont arrivés à une certaine mâturité (par ex, l'informatique) ET qu'il y a des débouchés, et que les prix sont abordables pour les particuliers, que les entrepreneurs privés peuvent faire des bénéfices, on veut se débarrasser de l'Etat, -le vilain Etat-.

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  6. @ Anonyme

    Il faudrait que les trolls néolibéraux (qui pullulent sur Twitter) sortent de leurs théories pour regarder la réalité. Oui, le marché peut parfois dysfonctionner. Même The Economist, pourtant proche des néolibéraux est capable de l'admettre. Dans le cas des universités USA, les prix montent sous forme de bulles, sans rapport avec l'amélioration du cursus, malgré la concurrence, simplement parce les marchés ne fonctionnent pas comme des équations mathématiques.

    Soit dit en passant, tous les prêts étudiants sont loin d'être garantis par l'Etat. Au contraire, les banques ont obtenu que ces prêts ne puissant pas faire partie d'une faillite personnelle des étudiants.

    @ Patrice

    Complètement d'accord sur le dernier commentaire.

    The Economist pointe les dysfonctionnements du marché avec une certaine honnêteté. Le système actuel pose un double problème d'injustice sociale puisque le coût des études favorise une forte reproduction sociale. Ensuite, il y a tout simplement de l'argent jeté par les fenêtres. Il n'y a pas besoin que les études coûtent aussi cher. Nous sommes en présence d'une bulle, classique des marchés dérégulés.

    @ Robert

    D'accord sur les deux points. Malheureusement, l'Europe suit les Etats-Unis. Et il y a naturellement des aspects positifs à prendre dans l'enseignement de ces universités.

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    1. Regardez cette vidéo. http://www.youtube.com/watch?v=DteBlI2eihA (à partir de 5O secondes)
      (et j'aimerais bien avoir une définition de "néolibéral", je ne sais pas ce que ça veut dire. Néo, ultra, turbo... définissez.)

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    2. @LP : a propos du Anonyme sans post-nom : sauriez vous me dire si d'après vous mon raisonnement est juste ou non ?

      la loi de l'offre et de la demande n'est qu'une théorie, qui a ses limites. Dans la réalité il est évident qu'elle stagne a un certain moment. Et ce moment est celui où l'offre satisfait pleinement la demande : le prix ne peut être ni nul ni négatif (sauf s'il existait un "revenu de base", a la limite, mais ca serait un changement pour le moins radical d'économie).

      Or si l'offre est très supérieure a la demande, le prix devrait devenir nul ou négatif, ce qui est impossible. par exemple si le riz, le blé, sont surabondant (limite on marche dessus), il devraient en théorie être distribués gratuitement (tout comme l'air qu'on respire) ... sauf si ces denrées sont détournées, captées, détruites, leur distribution freinée, spéculées, etc... dans le but d'augmenter artificiellement leur valeur.

      Idem pour le pétrole, qui est revendu X fois entre son lieu d'extraction et son lieu de raffinage. c'est une forme de captation qui augmente artificiellement les prix, et pourtant chaque intermédiaire est un "acheteur", considéré comme un "consommateur" (dans la théorie libérale), qui devient a son tour vendeur, etc.

      Dans cette idéologie simpliste du libéralisme, la non règlementation des marchés a cette faille majeure : si les distributeurs décident seuls de la disponibilité du produit, alors il peut-être rendu artificiellement "rare" par temporisation, destruction etc... : un marché libre n'est pas un marché court, ni libre, ni obligatoire, entre offre et demande.

      Si on part de là, les dysfonctionnements paraissent potentiellement très nombreux ...

      Age

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    3. "Or si l'offre est très supérieure a la demande"... le prix baisse. Logique élémentaire. Effectivement il est impossible qu'il devienne nul, à moins qu'il soit disponible en quantité illimité, ce qui est impossible pour un bien physique.

      Les seuls biens qui correspondent à cette caractéristiques sont les biens immatériels, les idées. (d'où la non légitimité de la "propriété intellectuelle" qui rend artificiellement rare ce qui ne l'est pas)

      Libéralisme est simple mais non simpliste.

      La libre coopération d'individus libres n'est jamais "parfaite". Ca n'existe pas. L'humain est faillible, il fait donc des erreurs. Les mécanismes de marché, avec l'essentiel mécanisme des prix, permettent de les corriger au mieux.

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    4. "à moins qu'il soit disponible en quantité illimité"

      non, en quantité suffisamment grande dans la réalité : la théorie appliquée ne peut être dissociée de la réalité. d'où l'application systématique de facteurs de correction dans les sciences véritables (et donc pas dans l'économie).
      cette loi est illimitée selon la théorie, cartésienne de base, ce qui en fait une loi fausse par son écart fondamental au réel.

      par contre, tout a fait d'accord avec la propriété intellectuelle, et donc tout concept logiciel, qui est purement intellectuel par définition mathématique.

      et cela implique tout autant l'éducation puisque le savoir du maitre est purement intellectuel, immatériel, de savoir/savoir faire.

      Son financement (étatique par défaut) devrait donc être un prérequis indispensable de son exclusion des économies qui sont celles de tout produits matériels.

      Age

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    5. La propriété intellectuelle ne rends pas rare ce qui ne l'est pas, la propriété intellectuelle permet de monnayer des idées, puisqu'on ne peut pas s'approprier GRATUITEMENT les idées d'autrui.

      La création de logiciel, la mise au point de procédure de savoir-faire, etc, c'est du travail, il faut le rémunérer. Point.
      Arrêtez de noyer le poisson au prétexte que le savoir est immatériel.

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    6. D'un autre point de vue Linux nous montre que la rémunération n'est pas le seul moteur possible

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    7. Personne ne disait que la seul motivation possible était la rémunération.

      C'est le créateur qui décide de faire câdeau de ses idées, ce ne sont pas les gens qui sont intéressés par les idées en question, qui décident unilatéralement qu'ils peuvent s'approprier les idées qui leur plaisent, au prétexte que les idées, c'est immatériel.

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    8. Dans le domaine des idées c'est beaucoup plus complexe qui a eu le premier l 'idée ? Cette idée est elle le fruit de l'assemblage d'autres idées etc ...

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  7. D'après ce que j'ai compris de l'article ce n'est la l’immatériel que les universités américaines font payer aux élèves mais bien le confort matériel qui doit correspondre dans cette société de classes aux classes concernées et celles qui veulent y entrer

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  8. @ Laurent Pinsolle,
    Il faut également savoir que les diplômes délivrés par une université prestigieuse comme Harvard ont la même valeur que les mêmes diplômes délivrés par l'université d'état du Massachusets sur le plan légal.

    J'ai bien dit sur le plan légal, et non selon les critères des éventuels employeurs et des réseaux professionnels, qui ne verront pas du même oeil un jeune diplômé de Harvard et un jeune diplômé d'une université public.

    Le même principe existe en France, entre des établissements élitistes et les établissements publics (peut-être moins assumés).

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  9. @ Anonyme

    Néolibéral : libéral dogmatique, qui croit que le marché fonctionne forcément bien et mieux que la puissance public, en toute circonstance, qui refuse toute évidence de dysfonctionnement du marché. Sous la double influence des modèles mathématiques appliqués à l'économie (malgré des hypothèses hautement improbables) et d'une forme de darwinisme social.

    "L'humain est faillible (...) les mécanismes de marché les corrigent au mieux" : vous prêtez au marché des vertus qui le dépasse largement. Ces mécanismes ont des vertus, mais aussi de gros défauts. Le fait de placer les marchés au-dessus de l'humain est typique de ce que j'appelle un néolibéral.

    @ Abd Salam

    C'est juste. C'est comme les écoles d'ingénieurs ou de commerce en France. Mais, ce n'est pas aussi extrême chez nous.

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  10. C’est faux ! La flambée des prix dans le domaine de l’éducation aux États-Unis est très récente. C’est parce que le gouvernement a voulu offrir des études universitaires à tous les jeunes américains en garantissant leurs emprunts auprès des banques que la situation en est arrivé là. Les universités américaines n’ont plus aucune raison de diminuer ou de rationaliser leurs coûts puisque les étudiants sont capables par leurs emprunts garantis par l’État de les payer quel que soit le montant. Quand on crée une demande virtuellement infinie pour une offre finie, la flambée des prix est inévitable.
    Ce sont les gouvernements qui créent les bulles ! La FED fait tourner la planche à billet et les politiques redirigent l’argent vers les secteurs de leur choix. Résultat : ces secteurs connaissent un boom. Ils l’ont fait pour l’immobilier en garantissant les prêts hypothécaires et on a eu la bulle immobilière. (D’ailleurs, des politiques similaires ont été adoptées en France.)
    Quand un secteur connait un boom artificiel, ça veut dire qu’il grossit de manière disproportionnée par rapport aux besoins réelles de l’économie, en s’accaparant des ressources (main-d’œuvre, capitaux, matières premières...) qui seraient plus utiles ailleurs. Ce dérèglement est le vrai problème. La correction arrive lorsque la bulle éclate. La récession c’est le moment où l’économie essaie de corriger les erreurs commises lors du boom artificiel en redéployant les ressources. Malheureusement, nos politiques aiment la période de boom, détestent la récession pourtant salutaire et font tout pour l’empêcher en utilisant les mêmes mesures qui ont créé le problème au départ. En empêchant la correction, on fait durer la souffrance pour tout le monde et on finit par tourner une récession en une dépression durable.

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