mercredi 26 septembre 2012

Moscovici et Hollande nous plongent dans la récession


37 milliards d’euros : c’est l’ajustement budgétaire que Pierre Moscovici prépare pour 2013. Cela revient à près de 2% du PIB et devrait pousser notre économie, qui ne croit plus depuis quelques trimestres, vers une nouvelle récession. Quand des socialistes mènent une politique profondément antisociale.

Comme un parfum des années 1990

La situation est extrêmement paradoxale. En effet, la plupart des pays européens décalent aujourd’hui leurs objectifs de réduction des déficits budgétaires, mais l’équipe au pouvoir tient absolument à baisser le déficit à 3% du PIB dès 2013. Son calcul politique est sans doute assez simple : autant essayer d’équilibrer les comptes le plus vite possible, quite à être impopulaire, pour se donner le temps de reconquérir l’opinion dans la seconde moitié du mandat et gagner en 2017.

Mais ce calcul n’est pas sans poser de gros problèmes. En effet, tous les économistes sérieux conviennent qu’un tel ajustement, qui s’ajoute aux plans de presque tous nos voisins devrait pousser notre économie, déjà pas bien vaillante, dans la récession, comme le dit Jacques Sapir sur son blog. En clair, cela devrait pousser des centaines de milliers de personnes de plus au chômage, tout cela pour tenir un objectif que les marchés auraient sans doute accepté de voir différer d’un an.

Cet épisode rappelle le début des années 1990, quand les gouvernements socialistes avaient préféré sacrifier l’économie réelle, et donc provoquer une envolée du chômage, plutôt que de remettre en cause la parité du franc avec le mark, propulsant les taux d’intérêts à des niveaux aberrants, qui permettaient de confortablement s’enrichir en dormant pour toute personne fortunée (taux directeurs supérieurs à 8% pour une inflation à 2%, soit un rendement net à 6% sans risque).

L’incroyable bêtise économique du PS

Cette récidive est d’autant plus incroyable que les exemples des autres pays démontrent qu’une austérité trop brutale, outre le fait de plonger l’économie dans la récession et de faire s’envoler le chômage, ne parvient même pas à rétablir les finances publiques, comme l’a bien montré Jacques Sapir dans une note récente. La Grèce et l’Espagne peinent à réduire leur déficit malgré les innombrables tours de vis fiscaux et budgétaires mis en place depuis quelques années.

Mais ce n’est pas tout. En ce mois de septembre, Paul Krugman et Joseph Stiglitz, deux récents « prix Nobel d’économie » sont en tournée en Europe pour faire la promotion de leurs derniers livres. Ils en profitent pour dire tout le mal qu’ils pensent de ces politiques d’austérité actuellement menées en Europe et proposer des politiques radicalement différentes, qui correspondent à ce que les auteurs alternatifs proposent depuis maintenant depuis plus de deux ans.

Bien sûr, certains souligneront que ces deux économistes progressistes sont franchement classés à gauche aux Etats-Unis, mais il faut voir que le centre de gravité politique outre-Atlantique n’est pas du tout le même que chez nous. Tant Krugman que Stiglitz semblent proches de notre centre économiquement, entre sociaux-démocrates-chrétiens soucieux de protéger un certain modèle social et gaullistes attachés au rôle de l’Etat, tout en étant attaché à l’économie de marché.

C’est pourquoi il est proprement stupéfiant de constater le grand écart entre les politiques qu’ils préconisent et la potion amère préparée par le PS à peine installé au pouvoir. Les conséquences sociales seront dramatiques mais le Parti « Socialiste » semble n’en avoir cure !

14 commentaires:

  1. L'analyse de Jacques Sapir est légèrement différente de la vôtre. Elle suppose calculs machiavéliques et arrière-pensées soigneusement cachées chez le gouvernement, qui serait par ailleurs convaincu de l'inanité de l'austérité, mais souhaiterait pousser ses pions en vue d'une intégration fédéraliste à marche forcée, alors que vous pensez que cette préférence pour l'austérité correspond à un éthos socialiste fondamental demeuré inchangé.

    J'avoue que je suis séduit par l'analyse de Jacques Sapir. Le fond de l'air a beaucoup évolué ces derniers temps. Comme vous l'aviez très finement pressenti en en donnant compte rendu anticipé, la parution des ouvrages de Paul Krugman et John Stiglitz ont largement contribué à faire bouger les lignes en ce début d'automne. D'autre part, une large partie de l'éditocratie (Joffrin, Juillard, Lenglet) est complètement convaincue de la nocivité des politiques d'austérité. A l'intérieur même du PS, qui peut penser que les Bachelay, Hamon, Montebourg et autres Aquilino Morelle les voient d'un bon œil malgré toute leur discipline manifeste?

    La supposition de Sapir que François Hollande, lui-même, pense l'austérité contre-productive en elle-même et donc inapplicable en dépit des engagements avec lesquels il se lie imprudemment les mains, me paraît donc la plus vraisemblable. Dévoiler l'enjeu de ses paris idiots devient dans ce cadre un exercice salutaire consistant à faire le jour sur une duplicité confinant à la schizophrénie.

    Emmanuel B

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  2. Laurent,
    sur votre blog nous sommes habitués à consulter les notes de J. Sapir, de P. Krugman et J. Stiglitz, voire de lire leurs ouvrages ou s'intéresser aux résumés qui en sont faits.
    Mais un socialiste libéral (ou plutôt un libéral socialiste) est imperméable à tout cela. Il a forgé ses convictions depuis des décennies, puisque vous évoquez le début des années 1990. Il est illusoire d'envisager le moindre début de questionnement au sein de ce cénacle en grande partie constitué d'énarques qui ont appris qu'on devait gouverner avec moins d'Etat, ce qui est reposant quand on prétend en tenir les rênes. Faire confiance à la BCE, trouver la Commission de Bruxelles efficace et obéir à l'Allemagne par amour béat de l'Europe, c'est la pilotage automatique. On savait à quoi s'en tenir lorsqu'à partir du mois de mai on a vu revenir ce charmant profil psychologique au pouvoir.
    Mais à la différence des années 1990, c'est une baisse des taux d'intérêt pour les emprunts d'Etat que vise l'équipe socialiste en nous concoctant une énième amère potion d'austérité. Et en avant pour une piqûre supplémentaire, le drogué n'est pas disposé à prendre le chemin du centre de désintoxication. Encore une dose, Monsieur le bourreau.
    A côté de cette réjouissante perspective, les grandes tournées en mission de Stiglitz, Krugman voire Sapir ou Lordon sont des prêches dans un désert intellectuel absolu.
    Francis Commarrieu.

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  3. Le social-libéralisme (qu'elle oxymore ridicule bientot on parlera de comunno-capitalisme...) nous plonge dans la recession. Rien de surprenant.

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  4. Il est bon de rappeler la constance des socialistes dans l'erreur depuis 1990 parce que pour eux l'Europe, n'importe quelle europe, est préférable à pas d'europe du tout en se disant comme Guillaume Bachelay que le TSCG va "enfoncer un coin dans l'europe conservatrice". Même un jeune dirigeant veut encore vendre cette illusion comme du temps de Jospin ( 1997 à 2002) et d'une majorité de dirigeants socialistes qui devaient faire l'europe sociale! Quelle insondable naïveté! Responsables et coupables! L'aile gauche du PS finit toujours par se coucher comme Montebourg par solidarité gouvernementale. Voir l'impasse Montebourg sur le blog de Bertrand Renouvin.

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  5. Pendant ce temps, Krugman enfonce le clou sur l'aveuglement sadique et stérile des politiques d'austérité : http://krugman.blogs.nytimes.com/2012/09/26/euro-update-the-perils-of-pointless-pain/

    YPB

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  6. De toute façon on sait tous ce qu'il faut faire :

    - démonter l'euro unique.
    - casser les traités de libre-échange pour faire du protectionnisme ciblé.
    - soulager les entreprises de leurs charges, les petites notamment.

    Ce que Dupont-Aignan DLR proposent.

    Moi ça me parait tellement évident.

    Les médias ont fait du bon boulot pour ne pas que les français veulent ça ou du moins en aient peur... Le catastophisme qu'ils ont fait autour d'une chute de l'euro est dingue, les gens seraient pour s'ils n'avaient pas en tête 10 ans de bourrage de crane où on leur a dit que ça serait catastophique. Pareil sur le libre-échange, BFM business fait des exposés pour montrer que le libre-échange à permis aux pays émergents de faire passer leurs exportations de 30% à 70% vers chez nous, inondant notre marché et tuant nos emplois, mais tout de suite après les intervenants économiques sur le plateau s'empressent de dire "oui mais il n'est pas question de faire du protectionnisme, il faut que eux ouvrent leurs pays et fasse grimper socialement leurs travailleurs" (un rêve qui prendra des décennies et qui de tout façon est inutile car les pays émergents qui deviennent des pays "normaux" sont remplacés aussitôt par de nouveaux pays émergents.. c'est sans fin et pendant ce temps là le chômage grandit en France).

    Vivement que l'euro éclate et qu'on protège nos emplois de l'importation déloyale.

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  7. @ Emmanuel B

    L'analyse de Sapir est assez culottée. Je suis partagé. D'une part, on peut se dire que la simple étude des faits devrait leur faire se rendre compte de l'impasse et peut conduire à ce double-jeu, mais de l'autre, s'ils pensaient vraiment que cela provoquerait une récession qui n'améliorerait qu'à peine les comptes, pourquoi n''abandonneraient-ils pas cet objectif mortifère de descendre à 3%;, ce qui, en réduisant la récession, leur profiterait ? En outre, la capacité des gouvernements à réagir à court terme et à oublier le long terme est assez stupéfiante (cf Hollande qui annonce un retournement du chômage dans un an, une ânerie qu'on lui ressortira dans un an). En tout cas, si c'est à cela qu'ils pensent, je trouve cela assez tordu (mais qui le rend donc crédible).

    @ Francis

    L'histoire va dans le sens de ce que vous écrivait, clairement.

    @ Cording

    Très juste

    @ YPB

    Merci. Je l'avais raté.

    @ Flo

    Très juste également.

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  8. L'analyse de Sapir n'est pas sérieuse sur ce point c'est du genre conspirationniste cela fonctionne bien dans les romans année 50 mais nous sommes dans la vie réelle ( ou non ) ; il n'y a que 2 possibilités , rester dans l'ue et faire ce que fait hollande et ses petits amis ou sortir de l'ue les compromis ue avec ou sans Euro ue avec ou sans Schengen sont ridicules et ne tiendront pas sur le long terme parce que l' ue ne peut être qu'une fédération et c'est une fédération de régions qui se met en place pas de nations .

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  9. variable d'ajustement quelle nouvelle ! depuis 1973 on ajuste,
    un parfum '90? quelle nouvelle aussi ! mais c'est la politique Delors encore et toujours c'est pourtant pas sorcier à comprendre ...le franc fort, l'euro fort ( et mal foutu ) Delors-Trichet et maintenant Mario qui joue au yoyo, les objectifs à tenir sont toujours les mêmes, ceux de cette mondialisation que l'on subit alors qu'on aurait dû la faire. le reste c'est littérature et temps perdu que l'on ne retrouvera jamais, Proust n'est pas qui veut...

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  10. Tordu et crédible : Claude Bartolone ce matin sur France Inter.

    http://www.franceinter.fr/emission-interactiv-claude-bartolone

    Emmanuel B.

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  11. @ Patrice Lamy

    Jacques Sapir a peut-être raison. Il est possible que le PS affiche la volonté de faire 3% tout en sachant qu'ils ne le feront pas, et en se disant soit que les critères seront relâchés, soit que cela imposera à l'Allemagne de suivre leur agenda. A titre personnel, j'en doute. Je crois qu'il y a un tel dogmatisme européen qu'ils pourraient bien tout faire pour arriver au 3%.

    Soit dit en passant, même en faisant ce que Hollande veut faire, cela exploserait aussi car cela ne règlerait pas les problèmes des pays en manque de compétitivité.

    @ Anonyme

    Oui, mais il est bon de le rappeler.

    @ Emmanuel B

    Qu'a-t-il raconté ?

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  12. @ Laurent,

    Qu'il faudrait sans doute revoir l'objectif des 3%...

    Emmanuel B

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