samedi 1 décembre 2012

Une rencontre avec Pierre Moscovici, adepte de TINA


Mardi soir, j’étais invité avec une douzaine d’autres blogueurs à une rencontre avec Pierre Moscovici, à l’initiative du ministre de l’économie. L’occasion de mieux comprendre le raisonnement du meilleur représentant de l’aile social-libérale (même s’il se dit social-démocrate) du PS.

« Il n’y a pas d’alternative »

Comme le rapporte le blog Politeeks, j’ai démarré les questions politiques en posant une ministre sur les politiques d’austérité menées en Europe en soulignant qu’elles sont aujourd’hui contestées de toute part, y compris au FMI à l’OCDE, mais surtout par les libéraux progressistes que sont les « prix Nobel d’économie » Krugman et Stiglitz. Après avoir admis que la situation n’était pas idéale, il a justifié le plan d’austérité par les marchés, en affirmant que sans cela, les spreads (le ministre est très adepte des anglicismes) risquaient de s’envoler et de placer la France dans la position de la Grèce.

Je lui ai alors répliqué en avançant qu’il y avait une solution pour se soustraire à l’influence des marchés, à savoir la monétisation des dettes publiques. J’ai fait l’erreur de citer l’exemple de la Grande-Bretagne, ce qui a permis au ministre de répondre à côté, en disant que la Grande-Bretagne n’était pas un exemple pour lui, qu’elle menait, elle, une vraie politique austéritaire, comme si j’avais suggéré que c’était un exemple, alors que j’avais dénoncé ces mêmes politiques juste avant…

En fait, comme le souligne Politeeks, Pierre Moscovici a été cohérent dans son discours social-libéral tout au long de l’heure et demi qu’il nous a accordée. Le ministre semblait beaucoup plus préoccupé par le niveau de la dette et notre compétitivité que par celui du chômage alors que de nombreux auteurs ont démontré que le niveau de la première n’est pas si élevée dans une perspective historique et qu’il existe des moyens pour gérer cela de manière plus humaine, sans pratiquer l’austérité.

L’impasse tranquille

En fait ce dialogue d’une heure et demie a eu l’immense intérêt de bien éclairer ce qui cloche dans le discours du Parti Socialiste. Pierre Moscovici a répété les trois priorités avancées par le président de la République lors de sa conférence de presse, à savoir, le désendettement, la résolution de la crise européenne et la compétitivité. Soit dit en passant, voici un agenda que pourrait parfaitement partager l’UMP, s’ils réfléchissaient au lieu de se battre entre eux.

J’aurais voulu poser une question sur l’illusoire quète de compétitivité de notre pays, où le coût salarial horaire est de 34 euros, alors qu’il est à 3,5 euros en Bulgarie ou 7 euros en Pologne afin de souligner la nécessité du protectionnisme pour protéger nos emplois et notre modèle social. Baisser l’écart de un ou deux euros ne changera rien aux décisions d’implantation des entreprises, BPI ou pas. Il m’aurait sans doute répondu spécialisation industrielle et dit que le protectionnisme mène à la crise, ce qui est démenti par des prix Nobel d’économie et la crise de 2008.

Bref, pas grand chose à attendre d’un tel débat. Le PS reste coincé dans un cadre où les biens et les capitaux sont libres de tout mouvement, où nous avons un euro géré par une banque centrale indépendante et dogmatiquement monétariste sans jamais se poser la question de remettre ce cadre en question. Bien sûr, le PS prend des mesures différentes de l’UMP, mais cela s’apparente à changer la décoration du Titanic sans remettre le moins du monde en question sa direction…

Je remercie le ministre pour cette invitation mais aussi pour les rencontres très sympathiques que j’ai pu faire, outre Sébastien Musset, que je connaissais déjà, Melcalex, Politeeks, Polluxe, Adrien Saumier et Vogelsong, qui nous a donné l’occasion de poursuivre la discussion dans un café.

13 commentaires:

  1. L'économie - la théorie économique encore moins - n'est pas l'essence du politique. Tout cela n'est que l'intendance et est éminemment secondaire. Continuer à employer principalement le vocabulaire économique pour parler de politique s'est s'enferrer dans les rets des raisonnements que portent, en eux-mêmes, les concepts économiques. Toute réflexion sur la politique commence par une réflexion sur la langue, le verbe. Ne pas vouloir le comprendre c'est ne rien vouloir changer !

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  2. Nous avions vu que Moscovici était très "strauskanien" lors de toutes les émissions TV où il apparaissait avant les élections; et encore, on a eu de la chance de ne pas avoir DSK ...
    Rien à attendre d'une équipe aussi bloquée si ce n'est de montrer au Peuple que "There Is Notre Alternative"

    Je me souviens de Hollande dans la petite vidéo http://www.dailymotion.com/video/xh26ks ... qu'attendre d'eux ? surement pas qu'ils changent d'avis !

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  3. Bonjour, au sujet de la traduction de l'expression anglaise TINA "There is no alternative", le mot alternative a un sens plus restreint en français, puisqu'une de ses acceptions est choix à deux branches, alors qu'en anglais, il signifie simplement choix.

    http://www.cnrtl.fr/definition/alternative

    TINA, à mon sens se traduit par : « Il n'y a pas le choix » ou encore mieux par « Vous n'avez pas le choix ». Ce qui traduit bien le peu de considération de la prise en compte de l'opinion des citoyens par ce type de dirigeants politiques.
    Je suis bien d'accord avec l'analyse de Laurent Pinsolle et je le remercie pour son activité militante.

    gilles du forum du Plan C

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  4. @ Gilles

    Merci pour ces précisions

    @ A-J H

    Merci pour le lien sur Hollande. Je ne vois pas l'ombre d'une chance pour le "hollandisme révolutionnaire"...

    @ Jaurès

    Oui, l'économie n'est pas l'essence du politique. Mais non, ce n'est pas de l'intendance. Les choix en matière d'économie ont une grande influence sur le cours des choses.

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  5. A ces gens-là, tu leur parles uniquement de la gamelle. Sont-ils conscients que la politique d'austérité va considérablement renforcer les deux fronts et représente la plus grande menace pour l'UE?
    Jard

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  6. C’est l’imposture de ce début de siècle. Les socialistes se sont fait élire en faisant marcher leurs électeurs sur leurs propres ressorts. Une fois élus, leur action est guidée par leur doctrine économique qui est celle du néolibéralisme. L’UMP aurait agi à l’identique. Toutes les promotions de l’ENA depuis 1974 (merci Giscard) ont été soumises à cet endoctrinement.
    Son objectif préliminaire est de faire disparaître les états-nation en les submergeant par la dette publique. Cela entraine la disparition des classes moyennes et, par conséquent, celle de la démocratie. Ce préalable est indispensable à l’établissement d’un gouvernement économique mondial qui ressemble de plus en plus à une mise en place d’une hégémonie de l’oligarchie financière anglo-saxonne.
    Sur le plan de la sémantique, les socialistes français se sont convertis il y a une dizaine d’années à la social-démocratie, alors que leurs homologues anglais et allemands étaient déjà passés au « social-libéralisme ». Il est curieux de constater que le terme « libéralisme » a remplacé celui de « démocratie ». Comment ne pas évoquer le propos de J Madison (4ème président américain) tenu en 1804 : « Il y a incompatibilité entre la propriété privée et la démocratie » ?

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  7. " J’ai fait l’erreur de citer l’exemple de la Grande-Bretagne, ce qui a permis au ministre de répondre à côté "

    Le ministre a bien vu ou vous vouliez en venir. Le simple fait de s'en tenir exclusivement à la Grande-Bretagne sans ouvrir le débat démontre bien la mauvaise foi du personnage, et la langue de bois utilisée par les membres de ce gouvernement.

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  8. Mosco n'est-il pas qu'un fonctionnaire européen de plus ?

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  9. Mais Laurent, qu'alliez-vous faire chez cette crapule autiste ( et je vous fais grâce de beaucoup d'autres épithètes ) ?
    Vous allez me répondre : "Mais c'est un ministre !" et moi je vous dirai : "Raison de plus pour refuser de l'approcher ! Vous avez votre dignité, non ? Et d'ailleurs ce serait la même chose s'il était UMP."

    Personnellement je refuserais de m'abaisser à adresser la parole à ... Mais la liste serait trop longue ; disons simplement : "Quiconque appartenant à la classe politico-médiatique".

    J'arrête la, je vais me laisser emporter par l'enthousiasme.

    Sancelrien

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  10. Laurent, en tant que futur ministre de l'économie de NDA tu as vu ce qu'il ne faut pas faire avec les blogueurs ... répondre à côté
    ;-)

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  11. Plus que l'économie, ce qui pose problème en France c'est la civilité. Dans les boites les gens se disputent ou se dénigrent en permanence, se font des coups bas, s'insultent aussi parfois.
    La hiérarchie y est autoritaire et bornée. Les transports en commun sont souvent dégradés, sortes de défouloirs, les gens laissent les crottes de leurs chiens sur le trottoir...

    Je ne vois rien de cela en Allemagne, les gens sont polis et souriants, négocient les désaccords sans haine, l'espace public est respecté et pas dégradé ou sali. Il y a nettement moins de SDF, le droit au logement y est donc bien plus respecté.

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  12. @ Bertrand Buisson

    Si, on en a parlé. Il nous a soutenu que comme la gauche de la gauche n’était pas contente, ainsi que les banquiers, cela devait vouloir dire qu’il était au bon point d’équilibre… Présentation habile des choses qui peine à masquer le manque de radicalité de la réforme.

    @ Jard

    Je crois que leur pari, c’est de sacrifier le court terme pour se sauver dans 5 ans, sauf que la reprise a un côté pensée magique…

    @ Cliquet

    D’accord (encore que NDA, passé après 1974, montre que l’on peut s’en sortir). Sur les socialistes français, je crois que leur conversion est beaucoup plus ancienne : dès la 4ème République. La parenthèse dirigiste des années 1970 et du début des années 1980 donne l’impression que cela est plus récent, mais n’oublions pas que le Général disait qu’il n’aimait pas les socialistes parce qu’ils n’étaient pas socialistes. En outre, le Fabius de 1984 avait beaucoup cédé au néolibéralisme ambiant (cf Acte Unique), Rocard a autorisé la libre-circulation des capitaux, Jospin a plus privatisé que Balladur et Juppé, signé la libéralisation des services publics…

    @ Michel

    Erreur face à un interlocuteur qui ne débat pas de manière parfaitement honnête en effet.

    @ Sancelrien

    C’est toujours intéressant de voir comment il raisonne. Il faut connaître son ennemi comme le dit Sun Tsu.

    @ A-J H

    C’était assez décevant d’avoir des réponses aussi convenues et le fait d’être une douzaine ne permettait pas de relancer autant qu’on le souhaitait.

    @ Olaf

    Ne faisons pas de généralités. Cela peut être vrai mais ce n’est pas partout pareil.

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