jeudi 28 février 2013

Parasites fiscaux : comment y mettre vraiment fin ?


Nicolas Sarkozy n’a pas été le dirigeant politique le plus tendre à l’égard des parasites fiscaux… en parole. Il a fait de leur suppression un objectif politique. Et selon l’OCDE, suite à un certain nombre d’accords, il n’y aurait plus de pays dans la liste noire des états non coopératifs. Coup de bluff ou réalité ?

Ce qui a été fait

La réaction des Etats a été double. D’abord, ils ont menacé les banques de certaines juridictions (notamment la Suisse) pour obtenir des informations sur les contribuables nationaux qui avaient déserté fiscalement, allant parfois jusqu’à payer pour obtenir cela. C’est le choix qu’a fait l’Allemagne. D’autres ont fait des lois d’amnistie pour faire revenir les capitaux qui étaient partis. Cela a été le cas de l’Italie. Mais l’action principale a été menée par le G20 avec l’OCDE.

En effet, l’OCDE publie une liste de parasites fiscaux non coopératifs. Devant le scandale déclenché par la crise financière de 2008, la pression a monté sur ces juridictions, qui ont toutes pris des mesures pour sortir de cette liste, dès 2009. Mais comme je l’avais rapporté alors, et comme le précise The Economist, la reclassification est en bonne partie artificielle. En effet, il suffit, pour être sorti de la liste, de signer un accord de transfert d’information fiscale avec seulement 12 juridictions. Pire, ces accords peuvent être signés avec d’autres parasites fiscaux, même si ce n’est pas toujours le cas.

Encore pire, il n’est pas compliqué pour ceux qui veulent échapper à la curiosité des autorités fiscales ou judiciaires, de monter une cascade de compagnies fantômes pour se protéger en faisant transiter les fonds par exemple par le Delaware avant de les placer dans les îles Caïmans via Jersey… Bref, les mesurettes prises au niveau international n’ont pas changé grand chose. Au final, contrairement aux promesses et aux déclarations de Nicolas Sarkozy, tout reste à faire.

Ce qui faudrait faire

Pourtant, il ne serait pas bien compliqué de mettre fin à l’activité des parasites fiscaux. Mais il faudrait remettre en question un des dogmes les plus solides de la pensée économique actuelle : la liberté de circulation des capitaux. En effet, si l’argent ne pouvait pas circuler totalement librement entre les Etats, alors les bénéfices réalisés par les transferts dans les parasites fiscaux seraient contrebalancés par les difficultés à les y placer et à les récupérer ailleurs ensuite…

Naturellement, les traités européens, aussi anti-démocratiques que néolibéraux, interdisent toute remise en question de la liberté de circulation des capitaux, non seulement au sein de l’Union Européenne (ce qui est tragi-comique sachant que l’UE comporte des parasites fiscaux) mais également avec l’extérieur. Il faudrait donc une remise en question profonde de nos manières de faire. Personne, à l’UMP comme au PS ne s’exprime en faveur d’une telle réforme, pourtant essentielle.

Cependant, l’opinion change. Joseph Stiglitz, le « prix Nobel d’économie » 2001, avait déjà noté dans « La Grande désillusion » que la Malaisie s’en était mieux sortie que les autres en mettant en place un contrôle des changes, alors critiqué par le FMI. Depuis, même il a admis que les mouvements anarchiques de capitaux pouvaient être un frein au développement, comme le rapporte Jacques Sapir, et Joseph Stiglitz a de nouveau insisté sur ce point dans son dernier livre.

Oui, il est possible de mettre fin à ses sangsues qui détournent la base fiscale de nos Etats. Il faudra juste de la volonté politique pour mettre fin à la circulation anarchique des capitaux sur la planète et ne pas hésiter à faire un blocus des juridictions non coopératives, comme l’avait fait le Général de Gaulle avec Monaco.

11 commentaires:

  1. Bonjour à tous, je ne parviens pas à comprendre comment on peut défendre la circulation des capitaux et en même temps critiquer les personnes qui quittent la France par milliers.Ces personnes sont cohérentes avec les dogmes à la mode !

    RépondreSupprimer
  2. Voilà bien un des chevaux de bataille que DLR pourrait enfourcher avec succès. D'autant que l'expression de "parasites fiscaux" reste à populariser et que la presse raffole des néologismes. La Marianne du logo de DLR a une posture offensive, qu'elle porte sa démondialisation en bandoulière, aucune concession au politiquement correct et à la pensée unique économique. Et bien sûr toujours la proposition pour suivre la dénonciation ! Une Marianne de DLR tonique que l'on retrouve aujourd'hui sur ce blog et celui de NDA à propos de M. Lamy, la Marianne qu'on aime !

    RépondreSupprimer
  3. La politique menée hier par Sarkozy et aujourd'hui par Hollande nous mène droit dans le mur. Malgré la réduction des dépenses publiques, l'augmentation des impôts directs et indirects, Monsieur Hollande doit continuer à "donner des gages de sa bonne volonté à Bruxelles". Eh oui, quand on met le doigt dans l'engrenage .... Haro sur les retraites. Nouveau tour de vis et potion amère en plus des nouvelles réductions des dépenses publiques et de l'augmentation
    "subsidiairement"(sic) des impôts. Sacré François, à peine a-t-il fait une promesse que déjà il doit se dédire.
    A propos de retraite, Monsieur Emmanuelli, qui fait partie de l'aile gauche du PS, a commis aujourd'hui une déclaration aussi surréaliste qu'indécente dans le Monde. "Je vois des gens qui auront passé plus de temps en retraite que dans la vie active" a-t-il dit. S'agit-il là de "camarades" socialistes particulièrement vigoureux ou peut-être a-t-il connu Jeanne Calment ?

    RépondreSupprimer
  4. Mon intervention ne concerne pas le sujet du jour mais je voudrais partager une information que j'ai découverte aujourd'hui en parcourant l'actualité et dont certains n'ont peut-être pas entendu parler : la compensation écologique.

    De quoi s'agit-il au juste ? Eh bien, on peut aujourd'hui gérer la biodiversité, c-à-d. qu'on - des politiques, des industriels par exemple - peut envisager de modifier, transformer, détruire un lieu si l’on compense ailleurs, après travaux de génie écologique s'il le faut, ce qui a disparu grâce à l'équivalence écologique, mais on - les banques et les sociétés financières - peut également gagner de l'argent . La méthodologie, commune aux dossiers biodiversité et de la loi sur l’eau, est proposée par le plus gros bureau d’étude environnemental français (et accessoirement agence de com), Biotope. La compensation écologique, comme la compensation carbone, est quantifiée par des “Unités de Compensation” qui peuvent être vendues et devinez qui seront les vendeurs ? Des banques « d’actifs naturels » comme la CDC-Biodiversité, opérateur financier de la biodiversité d'après sa plaquette, ou des multinationales telles que Veolia ou Bouygues. Ces sociétés vont ainsi pouvoir faire des profits supplémentaires grâce à ce marché compensatoire. Quel que soit le sujet, on retrouve donc toujours les mêmes à la table du banquet.

    De nouvelles sources de profits pour les multinationales et la finance au détriment de l'environnement. Merci au Grenelle de l'environnement. Elle est pas belle la vie !

    RépondreSupprimer
  5. Bonsoir Laurent.

    S'il n'y avait pas de spoliation fiscale alors il n'y aurait pas de pays à fiscalité modérée. Vous parlez de parasites, mais savez vous que par exemple au Luxembourg pour 100 000 euro de revenus vous paierez 3000 euros d'impots de plus qu'en France. Vous ne le saviez certainement pas.

    De meme, pour ouvrir un compte au Luxembourg, il faut soit etre résident ou travailler au pays, ou alors disposer de quelqu'un qui vous donne sa garantie morale et ensuite une enquête est menée. Tiens cela non plus vous ne deviez pas le savoir.

    Les impots sur les entreprises c'est 29.5% soit à peine moins qu'en France, et il n'y a pas de dégressivité par la taille. Par contre, vous ne payez que 15% sur les dividendes distribués et rien sur les plus values latentes. Tout est fait pour encourager l'investissement.

    Par contre, des entreprises ayant des activités régulières hors du pays vont pouvoir modérer l'assiette de leurs revenus réalisés à l'étranger par la consolidation au Luxembourg, plutot que de ne rien payer localement et optimiser dans les autres pays où sont leurs activités.

    Cela s'appelle prendre un peu sur quelque chose, et cela change de la réthorique de prendre beaucoup sur rien. 30% de 0 = 0 ...

    Songez-y Laurent, cela vous permettra de ne pas vous faire retoquer dans un débat. J'ai eu l'occasion de clouer le bec à un de nos ministres en place dans un débat (tout en formulant de suite une solution pour que son silence ne s'éternise pas et qu'il ne soit pas mal à l'aise).

    Je vous conseille de bien étudier ce que font les autres, en particulier Suisse et Luxembourgeois, car c'est plein de bon sens et si nous avions cela en France alors nous en serions pas dans cette situation.

    Bien cordialement,

    JPL

    RépondreSupprimer
  6. Stiglitz est cité ici cité deux fois, à juste titre par ailleurs, compte-tenu de la qualité de ses analyses et de l'écho international qu'elles reçoivent. Il peut être intéressant de noter que sa position vis-à-vis de la politique économique de l'U. E. n'a cessé d'évoluer dans un sens de plus en plus critique ces derniers mois. Voir à cet égard ses toutes récentes déclarations sur la crise de l'Eurozone à l'occasion du World Leaders Forum de l'Université de Columbia :

    “This is a man-made disaster, and it has four letters: the Euro,” Stiglitz said. “We don’t have adequate solidarity to make the Euro work.”

    Stiglitz suggested that it might be necessary to sacrifice the Euro and reform the “European framework.”

    http://www.columbiaspectator.com/2013/02/26/papandreou-stiglitz-consider-economic-state-europe

    YPB

    RépondreSupprimer
  7. @ Exvil

    Très juste. C’était un des paradoxes de la polémique sur Gérard Depardieu.

    @ CyrilCG

    Je suis bien d’accord. Des choses se préparent.

    @ Démos

    Complètement d’accord. Les socialistes virent antisociaux. Merci pour l’information sur la compensation écologique. Mais comment de telles choses peuvent-elles être mises en place.

    @ JPL

    Vous montrez bien comment le Luxembourg fait du parasitisme fiscal sur la fiscalité du capital. Et je ne pense pas que ce que font la Suisse et le Luxembourg soit du bon sens. SI on rentre dans cette logique, on aboutit à la fiscalité que vous décrivez : lourde sur le travail, faible sur le capital. Je ne crois pas que cela soit juste. C’est ce que produit l’absence de frontières malheureusement. En Suisse, il faut ajouter qu’il y a une faible fiscalité sur les entreprises et le secret bancaire.

    Bien cordialement,

    @ YPB

    Merci pour l’information

    RépondreSupprimer
  8. Cher Laurent,

    J'apprécie souvent votre ouverture d'esprit et votre questionnement, mais il vous faudrait vraiment prendre une fois le temps d'aller dans ce que vous appelez des parasites et vous renseigner.

    La fiscalité sur le travail c'est 12.25% de charges patronales et 11% de charges salariales, et un SMIC à 1870 euro, ce qui fait en cout pour l'entreprise moins que le SMIC français avec les charges.

    C'est vrai que les impots pour la classe moyenne sont plus élevés qu'en France mais les salaires sont nettement plus élevés.

    Egalement, les fonctionnaires sont hyper bien payés. Par exemples les profs oscillent entre 88 000 euros par an pour le primaire et 103 000 euros par an pour les autres, le tout après 15 ans d'ancienneté. Ne dites pas cela aux profs en France sinon le Luxembourge verra une immigration sauvage ...

    Mais au Luxembourg, il y a beaucoup de dépenses francaises qui n'existent pas. Pas de clandestins (s'ils sont pris c'est dehors de suite sans autre forme), pas d'immigrés ne disposant pas de ressources suffisantes et d'un contrat CDI (les CDD vivent à la frontière le temps de passer CDI).

    La justice ne rigole pas et les policiers utilisent leurs armes quand il le faut : la délinquance est limitée, voire très limitée même si les cambriolages existent mais il est de tradition que les maisons soient sous alarme.

    Quand il y a un problème comme par exemple avec une invasion de demandeurs d'asile, l'Etat analyse la faille et passe une loi de suite pour la corriger et les pseudo réfugiés sont renvoyés et les nouveaux ne peuvent plus s'incruster dans une procédure.

    Toutes ces mesures de bon sens font qu'il y a une très faible déperdition d'énergie financière, laquellle permet de ne pas avoir une surpression fiscale comme en France.

    Voila, je ne critique pas votre vue qui me semble rapide sur ce pays et nous pourrions aussi parler la suisse où j'ai passé plusieurs années aussi.

    Le problème en France est que la plupart des gens qui décident ou donnent leur avis ne sont jamais sortis de France et donc ils ne font que réchauffer de vieilles idées, mais jamais ils ne profitent des bonnes idées découvertes ailleurs. C'est dommage de passer à coté de tant de choses (et je ne parle pas que du Luxembourg ou de la Suisse).

    Allez-y une fois en vacances, cela vous sera profitable ...

    Bien cordialement.

    JPL

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. c'est une constante consternante chez les eurosceptiques ils ne connaissent que leur petit monde d'immédiate proximité ...Voyez Hollande il découvre le ... MONDE TEL qu'il EST !

      Supprimer
  9. Contrairement à ce que dise la plupart des médias, il semble relativement simple de "détruire" les paradis fiscaux si seulement la volonté existait. Lorsque les USA et l’UE ont cessé les relations commerciales avec l'Iran ils ont stoppé l'accès de l'Iran au système bancaire international (il me semble). Ne pourrait-on pas dès lors faire la même chose avec ces états ?

    RépondreSupprimer
  10. personne ne sait si le Paradis existe , mais tout le monde sait que les paradis fiscaux existeront toujours ... l'avidité est dans la nature humaine

    RépondreSupprimer