vendredi 23 août 2013

Renault Trucks, motif d’espoir ou arbre qui cache la forêt ?


Volvo a annoncé il y a quelques jours qu’il rappatriait la productionde camions Renault qui était faite en Turquie dans une usine française. Faut-il y voir un motif d’espoir pour le « fabriqué en France », comme le soutient Jack Dion dans Marianne, ou s’agit-il d’une exception qui confirme la règle ?



Pourquoi Volvo a pris cette décision ?

Jack Dion a bien raison de souligner qu’il n’y a pas que le coût de la main d’œuvre dans les critères de sélection d’une implantation industrielle, tout comme quand il rappelle que « la France est à peu près au même niveau de revenus salariaux » que nos principaux partenaires européens. En effet, les entreprises s’attachent également aux infrastructures, au prix de l’énergie, à la qualification et la productivité de la main d’œuvre, au cadre de vie… Et sur tous ces critères, l’hexagone est en bonne position. En outre, notre pays est au cœur des 5 principaux marchés européens.

Cependant, à y regarder de plus près, il n’est pas sûr que ce soit cela qui ait motivé la décision de Volvo. En effet, ce papier du Figaro évoque des raisons différentes. Les camions produits en Turquie ne l’étaient pas par une usine Renault mais par un partenaire. Or, le marché européen a baissé de 13%, faisant chuter la capacité d’utilisation des usines, et donc la rentabilité. En outre, Renault commercialise une nouvelle génération de camions, qui a nécessité pas moins de 2 milliards d’euros d’investissement. Il est donc probable que ce choix est davantage une rationalisation industrielle, le partenaire turc étant une soupape de sécurité pour ne pas augmenter les capacités en interne.

Le « fabriqué en France » est-il condamné ?

Certes, il y aura toujours des produits trop volumineux par rapport à leur prix pour qu’il soit rentable de les produire à des milliers de kilomètres, même avec de gros écarts de coûts salariaux. Et il est évident que la France a des opportunités majeures dans le haut de gamme, où la compétitivité prix est moins pressante. Malheureusement, il est à craindre que ce soient davantage des exceptions qui confirment la règle des délocalisations… En effet, les différentiels de coût sont trop importants et facilement saisisables pour ne pas être saisis par des entreprises sous la pression des marchés.

En effet, quand on constate la pression des producteurs étrangers dans l’agriculture ou dans l’industrie, il est difficile de ne pas croire que le « fabriqué en France » est en partie condamné. N’oublions pas que le coût horaire du travail en France est de 34 euros, contre 3,5 euros en Bulgarie ou 7,1 euros en Pologne. C’est la même chose pour l’Italie, qui a perdu 26% de sa production industrielle depuis 2007 (en baisse de 10% depuis 2011) : le textile est en baisse de 35%, la production automobile est passé de 911 000 à 397 000, et celle d’électroménager de 24 à 13 millions d’unités de 2007 à 2012.

Bien sûr, tout n’est pas perdu, mais à moins de mettre en place des mesures protectionnistes et de modifier drastiquement notre fiscalité, il est à craindre que la grande débacle industrielle de nos pays (Allemagne exclue pour des raisons bien particulières) se poursuive dans les années à venir.

25 commentaires:

  1. D'une certaine façon les pays mercantilistes subventionnent des pays comme la France dont les consommateurs peuvent consacrer plus de dépenses à des produits ou services nationaux. En revanche, l'une des causes principales de baisse du pouvoir d'achat est le prix de l'immobilier en France et ça n'est presque jamais évoqué par les dénonciateurs des importations.

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    1. @ Olaf

      "les pays mercantilistes subventionnent des pays comme la France dont les consommateurs peuvent consacrer plus de dépenses à des produits ou services nationaux"
      Non, les entrées de capitaux subventionnent LES IMPORTATIONS. A défaut, nous entrerions dans un cycle de déflation qui ne s'arrêterait que quand la baisse de la consommation globale aurait réduit les importations... ce que tentent de faire les pays d'Europe du Sud en ce moment.

      Vous évoquez également les "dénonciateurs des importations" - je ne sais à qui précisément vous faites allusion, mais personne ici à ma connaissance ne dénonce "les importations" en général. Il s'agit de les contrôler, pour établir l'équilibre des échanges commerciaux et la protection de quelques branches ciblées, ce qui laisse un vaste domaine aux importations.

      Je suis en revanche d'accord avec vous sur l'immobilier.

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    2. Faudra m'expliquer comment vous faites pour établir l'équilibre mis à part les barrières non tarifaires pour raisons de normes de sécurité.

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    3. Avec un taux de change adapté, les échanges tendent vers l'équilibre. Si cela ne suffisait pas, il faudrait en effet installer des barrières douanières pour rationner les importations. La transition peut-être compliquée ("courbe en J") mais au final le problème me semble très surmontable.

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    4. "Avec un taux de change adapté, les échanges tendent vers l'équilibre."

      Ce n'est pas si évident :

      La dévaluation est souvent présentée comme LA méthode la plus simple et efficace pour relancer l'économie d'un pays. Il faut cependant prendre en compte l'effet-prix sur les importations, qui peut être très fort principalement pour les pays ayant peu de ressources naturelles (énergétiques + matières premières). En France, la facture énergétique est en augmentation constante depuis 4 ans et a atteint 69 milliards d'euros en 2012 (source: "Résultat du commerce extérieur en 2012 - Bercy"). De quoi faire réfléchir un peu toutes les personnes criant haut et fort que "l'euro est trop fort" et qu'il suffirait de dévaluer pour régler le problème...

      http://www.captaineconomics.fr/theorie-economique/item/350-condition-marshall-lerner-theoreme-elasticite-critique

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    5. @ olaf

      Vous ne pouvez pas raisonner comme si les économistes (je ne parle évidemment pas des conversations du Café du Commerce…) qui ont étudié l'impact sur l'économie d'une sortie de l'euro et de la dévaluation qui suivrait étaient sots au point d'avoir totalement ignoré la question du renchérissement des importations. L'impact d'une dévaluation sur l'inflation a notamment été modélisé à plusieurs reprises par J. Sapir (en dernier lieu : http://russeurope.hypotheses.org/987).

      On peut évidemment discuter son analyse sur des points techniques, mais certainement pas se contenter de laisser croire que la question a été purement et simplement ignorée. Pas plus qu'aucun des critiques un peu informés de l'euro fort, il n'a jamais par ailleurs présenté la sortie de l'euro comme la panacée qui résoudrait tous les problèmes et dispenserait d'engager de profondes réformes. Mais il s'agit d'un levier d'action indispensable sans lequel ces mêmes réformes risquent fort de jamais être menées à bien.

      YPB

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    6. @ Olaf

      "prendre en compte l'effet-prix sur les importations".Bien entendu ! On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.Mais pour en revenir à l'équilibre commercial, les élasticités ne sont pas les mêmes à court et à long terme. Les contempteurs de la dévaluation négligent qu'après quelques années (qui peuvent être un peu compliquées, c'est vrai) l'appareil productif et les consommateurs s'adaptent aux nouvelles conditions.L'énergie en est un bon exemple : développement des économies d'énergie, renouvellement du parc automobile, mise en oeuvre de capacités de production nationales (nucléaire, schistes solaires ou autres...).

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    7. Pour illustrer le post ci dessus on a l'exemple connu des moteurs d'automobiles états-uniennes ou australiennes. Ils sont de plus grande cylindrée et moins efficients que dans les pays ou le carburant est cher ou lourdement taxé.

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  2. Comme d'habitude, la faute des autres, cessons de nous regarder le nombril.....Vous connaissez mon raisonnement.
    Je vous invite à vous rendre sur Facebook (gilbert.perrin)vous y trouverez vieille de 2 ans ma réflexion avant les présidentielles....Devant son programme((il a rejoint le système), j'ai quitté BAYROU. J'ai choisi NDA, qui m'a confirmé son accord sur certains points...
    J'ai ESPOIR....J'espère que cet espoir ne sera pas déçu !!!

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  3. @Laurent Pinsolle,
    vous avez suivi la nomination de Jean Pisani-Ferry à la présidence du comité de prospective, le machin crée par Hollande pour montrer qu'il a de la vision?
    Outre le fait que les membres du gouvernement, après dix ans d'opposition, ont été incapable de préparer un programme politique digne de ce nom, ce qui montre à quel point ce comité est une fumisterie, comme est-il possible de nommer un énergumène pareil? Comme tout bon eurocrate français vivant dans le quartier européen de Bruxelles, ce type déteste la France, est un furieux atlantiste et surtout un fervent partisan de l'économie des services, au détriment de l'industrie: comment Hollande peut-il montrer un tel mépris envers l'industrie, source d'emploi bien plus pérennes que celle des services?
    Franchement, je ne partage pas votre optimisme, et les mots ont un sens: créer un ministère de la réussite scolaire, et supprimer l'intitulé "ministère de l'industrie", c'est en soi, une politique...

    CVT

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  4. Concernant l'immobilier qui gangrène la France :

    Il est question d'augmenter les droits de mutation (taxe payée par l'acheteur d'un logement, qui vient s'ajouter aux frais de notaire dans le coût d'acquisition d'un logement). Plus précisément, les départements qui le souhaiteront pourront le faire. Certes, la hausse autorisée est modérée. A titre indicatif (chiffres BFM TV), elle représenterait 1 400€ pour l'achat d'un bien à 200 000€. Pas de quoi fouetter un chat, dira-t-on. Mais plus que l'envergure, c'est la tendance qui, elle, est déplorable.

    http://econoclaste.org.free.fr/dotclear/index.php/?2013%2F07%2F17%2F2132-l-un-des-impots-les-plus-cons-va-etre-augmente

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  5. Même le tourisme se porte mal :

    Non, franchement, quand la France affirme être une plateforme mondiale du tourisme, c'est faux, c'est une imposture! Cette affirmation ne tient pas la route une seconde. En fait nous nous enivrons de ce chiffre magique de "83 millions de visiteurs", et de notre place de "pays numéro 1 pour le nombre de touriste", et on oublie l'essentiel : le chiffre d'affaires réalisé au final par tous ces touristes. Et là, il y a de quoi pleurer.

    http://www.challenges.fr/economie/20130820.CHA3143/non-la-france-n-est-pas-championne-du-monde-du-tourisme.html

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  6. Cher Laurent, je connais très bien Renault Trucks pour y avoir consacré 12 ans de ma carrière.La relocalisation en France est motivée d'une part par les nouvelles normes européennes Eurocargo et la nouvelle gamme en cours de lancement et d'autre part par les faibles volumes produits par Karsan en Turquie.
    C'est une pure logique industrielle sans grosse incidence sur les volumes français.

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  7. OLAF, vous faites une découverte : TOUT va mal en FRANCE. L'origine c'est l'injustice et l'inégalité entre les français ?

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    1. Je savais qu'un certain nombre de choses n'allaient pas bien, mais je découvre que ce qu'on nous montre comme l'une des perles de l'économie française, le tourisme, est mal en point tandis que le patrimoine naturel et historique devrait en faire un fleuron. Ça confirme ce que j'ai constaté les dernières fois où je suis allé en vacances en France, des tarifs élevés voire délirants, hôtels, restauration, accueil pas toujours agréable, péages autoroutiers, des trains mal entretenus...

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  8. Il n'y a qu'une solution avec ou sans protectionnisme c'est de minimiser le cout horaire en robotisant au maximum ce qui bien sur n’arrangera pas le chômage ; ceci dit c'est uniquement dans le cas ou nous continuerons a nous suicider par le consumérisme mais nous voyons bien que le mur arrive a grande vitesse et avec la mondialisation c'est mondial ; alors nous continuons les conneries ou nous changeons drastiquement notre façon de vivre et bien sur la question de la surpopulation se pose en premier lieu le reste est littérature

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  9. et la solidarité interne çà ne vous dit rien... patriotisme

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  10. Hors sujet mais pour ceux qui sont intéressés par la sécurité de leurs données informatiques voici un article de Ragemag qui décrit simplement le minimum de ce qu'il faut faire .

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  11. je n'ai pas besoin d'informatique, mes propositions sont justes et honnêtes et sont solidaires !!!!
    Je suis en décalage avec les privilégiés....

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  12. YPB

    "On peut évidemment discuter son analyse sur des points techniques, mais certainement pas se contenter de laisser croire que la question a été purement et simplement ignorée."

    Je ne dis nulle part qu'elle a été ignorée par Sapir, mais possiblement sous évaluée, en revanche elle l'est souvent par les non-économistes qui pensent qu'abracadabra et puis voilà, d'autant plus que si tout le monde sort de l'Euro, c'est la guerre des monnaies tous azimuts au moins disant, à part l'Allemagne qui cherchera à limiter une montée trop forte en achetant des devises étrangères, mais continuera à avoir une monnaie plus forte lui permettant l'achat d'actifs étrangers, de stocks de matières et de baisser le prix de ses intrans inclus dans ses exportations à faible élasticité prix. Avec une monnaie commune on obtiendrait un résultat similaire mais en moins violent.

    L'Allemagne pourrait être la grande gagnante d'une sortie de l'Euro, ou à minima la moins perdante, et les autres les grands perdants. Sapir, pas plus que le FMI, n'est infaillible. L'Euro tel que construit pourrait bien être un piège dont on ne sort qu'en s'amputant une jambe, voire les deux, avec des hémorragies pas prévues.

    Quant au Bancor, autant rêver comme Jorion, c'est encore plus illusoire qu'une Europe fédérale.

    olaf


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    1. @ olaf

      S'il s'agit de dire qu'il n'y a pas de sortie simple, facile et sans douleur de l'euro, je suis entièrement d'accord. La question est de savoir si les effets pervers d'un maintien coûte que coûte dans l'euro ne sont pas malgré tout plus profonds que les risques liés à une sortie.

      YPB

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  13. suivons la ligne de Nicolas dupont Aignan !!!! sur ce point particulièrement

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  14. @ Olaf

    Un peu plus compliqué il me semble. C’est un système qui s’équilibre : les excédents des pays comme l’Allemagne servent à financer les achats des pays qui leur achètent. Mais s’ils ne les finançaient pas, ils ne leur achèteraient pas autant, et perdraient donc des ventes et des emplois… C’est le dilemme du prisonnier, qui existe entre la Chine et les USA. Sur l’équilibre, je crois que cela doit être un principe de bonne gestion : aucun pays ne doit avoir un déséquilibre supérieur à 1% du PIB, que cela passe par des qutoas, des droits de douane ou des normes… Sur l’euro, pas d’accord, beaucoup de travail est fait sur le sujet, notamment par Sapir.

    D’accord sur l’immobilier.

    Sur le taux de change, si la France avait le franc, il aurait baissé, et certes, cela aurait dans un premier temps augmenter notre facture énergétique, mais dans un second temps, cela nous aurait poussé à aller plus vite dans les économies d’énergie et cela aurait réduit les autres importations et augmenter nos exportations.

    Intéressante analyse sur le tourisme, même si c’est un peu le verre à moitié vide.

    D’accord sur le bancor, malheureusement, encore qu’il serait peut-être possible de constituer un front anti-dollar avec une partie de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique Latine.

    @ J Halpen, YPB & TeoNeo

    D’accord sur vos réponses.

    @ CVT

    Il faut que je regarde. En effet, il est assez désespérant de voir le gouvernement, après 15 mois en poste, se demander finalement ce qu’il faudrait faire à long terme. Il faut que je me renseigne sur son profil.

    @ Roger

    Merci pour cette précision.

    @ Patrice

    La priorité doit être l’emploi.

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  15. "Nous ne voyageons pas pour le plaisir de voyager, que je sache, nous sommes cons, mais pas à ce point." Samuel Beckett

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