vendredi 6 septembre 2013

En sabrant l’histoire, c’est la République qu’on assassine


Mais qu’est-ce que le ministère de l’éducation nationale a contre l’histoire ? Après la lamentable suppression de l’histoire-géographie par le gouvernement de Nicolas Sarkozy (heureusement remise en question), les programmes sont soit conçus de manière ubuesque soit charcutés, comme à cette rentrée.



Un nouveau mauvais coup

En 2012, c’était déjà le programme de Première qui avait subi des coupes. Là, il semble qu’une grande partie des enseignants se plaignaient de la lourdeur du programme puisque, selon le Monde, « cinq syndicats – aux tendances très diverses – avaient lancé une pétitition pour dénoncer ‘un survol indigeste de thèmes qui s’enchaînent à un rythme effréné’ ». Du coup, les ciseaux ont frappé : sur l’échafaud du programme de Troisième, la première partie sur le 20ème siècle, et l’évolution du capitalisme et du système de production. En Terminale, c’est la construction européenne et le Général de Gaulle qui sont sacrifiés pour garder du temps pour les guerres mondiales et les régimes totalitaires.

Il semble effarant de choisir de couper la partie sur le capitalisme en Troisième en pleine crise, et qui pouvait servir d’introduction à l’économie. Concernant les coupes du programme de Terminale, il semble étonnant de supprimer la partie sur l’Europe, à moins de vouloir cacher sa faillite et zapper le Général de Gaulle est particulièrement étonnant du fait de la Cinquième République. Et outre, le débat persiste entre les partisans d’une histoire chronologique (aujourd’hui, on étudie séparément la Seconde Guerre Mondiale et la vie politique française de 1940 à 1946) et sur les priorités du ministère. On se souvient de la polémique sur la disparition de François 1er, Henri IV, Louis XIV et Napoléon du collège.

Des choix idéologiques ?

Un survol des programmes actuels amène à se poser de nombreuses questions. Tout d’abord, il semble ubuesque d’avoir choisi un enseignement thématique et non chronologique. Comment permettre aux élèves de comprendre l’histoire sans avoir de clairs repères chronologiques ? Cela est d’autant plus ubuesque que l’enseignement thématique démarre dès le primaire. Après, on s’étonne de la baisse du niveau des connaissances des élèves… Ensuite, on reste assez effaré devant les priorités du ministère, qui préserve l’étude de cultures lointaines mais n’hésite pas à tailler dans le programme de l’histoire de France. De là à croire à un agenda anti-national à la rue de Grenelle…

Bien sûr, il est important d’apprendre aux élèves à réfléchir, mais si on ne leur inculque pas un minimum de connaissances et de repères, cela est vain. C’est à croire que l’on veut avoir des enfants qui sont capables de disserter sans rien savoir ! Un tel programme est sans doute adapté à l’université, mais pas au primaire ou au collège, ni même sans doute au lycée (ou alors, à dose limitée). En outre, les cours d’histoire sont aussi essentiels dans la formation de notre collectivité nationale, donnant les mêmes repères aux enfants. Aujourd’hui, malheureusement ces repères ne sont plus donnés. Quand on lit les programmes, on sent un biais idéologique fort anti-national et internationaliste.

Cette coupe des programmes est un nouveau mauvais coup apporté à l’enseignement de l’histoire. Il est heureux qu’Alba Ventura, la chroniqueuse qui a remplacé Alain Duhamel sur RTL, s’en soit émue. Mais il est effarant que nous poursuivions dans cette voie délétère, malgré tant de critiques.

16 commentaires:

  1. C'est la marche vers le cretinus mondialisus ; crétin mondial décervelé et consommateur qui va remplacer l'Homo Sapiens

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  2. Je rajouterai qu'il en est de même pour l'enseignement de l'Histoire en Lycée Professionnel : après une refonte complète des programmes entrés en vigueur il y a 3 ans, le Ministère fait savoir que certains points du programme de 1ère et Term.vont être supprimés. Passent à la trappe pêle-mêle : De Gaulle et le suffrage universel, le programme du CNR, les occupations d'usine, Mai 1968...
    Cherchez les points communs avec les allègements dans la filière générale...

    Lien : http://eduscol.education.fr/histoire-geographie/actualites/actualites/article/projets-damenagements-des-programmes-dhistoire-geographie-a-la-rentree-2013.html

    Il n'y a pas de hasard...
    Pimo

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    1. @ Pimo
      En LP, la Ve République et le suffrage universel ne passent pas à la trappe mais seront étudiés en Éducation civique. Le programme du CNR reste à aborder, mais ne fait plus partie des « situations » à étudier spécifiquement. Les programmes étaient effectivement surchargés et imposaient un survol très superficiel, à moins de procéder carrément à des impasses. Je ne dis pas que les choix opérés sont les bons. Mais ces coupures permettront aux professeurs d'approfondir un peu mieux les thèmes qui ont été préservés.

      La question de l'opposition ente le thématique et le chronologique est autre. À ma connaissance, l'immense majorité des historiens de métier croient à la nécessité de donner aux élèves de très solides repères chronologiques. Le réformisme pédagogique qui a sévi en histoire comme dans d'autres disciplines n'est pas de leur fait.

      Il faut savoir que la crise de l'enseignement que l'on doit à un interventionnisme politique inadéquat dans les programmes, les méthodes pédagogiques, les modalités d'évaluation, la formation des enseignants et le fonctionnement des établissements, n'est pas une spécificité française. Partout où l'idéologie s'est substituée au bon sens et aux enseignements de l'expérience, les mêmes effets pervers sont observés. Voir ce qu'en dit un enseignant britannique dans une livraison récente du Guardian : « Teaching is increasingly being built on a web of lies » (http://www.theguardian.com/teacher-network/teacher-blog/2013/aug/24/teaching-web-of-lies-secret-teacher).

      YPB

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  3. En route vers : http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=109539.html

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  4. Ces choix pédagogiques relèvent d'une approche politique, qui, soit dit en passant, est la même à l'UMP ou au PS. Après le refus de prendre en compte le vote populaire (TSCG), le reniement d'engagements électoraux essentiels et le vote de lois controversées, ils démontrent à nouveau qu'il s'agit de s'extraire du modèle démocratique. Jacques Sapir l'a très bien expliqué dans un de ses articles sur son blog RussEurope. Ces pratiques posent rééllement la question de la légitimité de ce pouvoir.

































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  5. Peut être qu'il ont des relations avec les maisons d'édition qui leur demandent de changer en permanence les programmes pour vendre de nouveaux manuels d'histoire. Tout ce papier gaspillé et le ministère de l'écologie ne dit rien ? Sans la bourse des parents qui au lieu d'acheter le livres d'occasion, sont contraints d'acheter des livres neufs.

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  6. apparemment la vie politique et la guerre sous la ww2 ont été fusionnés. comme quoi il doit rester quelques historiens avec un peu de bon sens dans la boutique... très recommandé : la grammaire des civilisations de braudel. au départ ça devait être un manuel d'histoire de terminale, et ça a été stoppé au niveau de pompidou. apparemment, le président poète souhaitait déjà que l'histoire ne soit pas trop politique.
    l'idée de braudel, si je me souviens bien, était de faire du par-coeur, des dates et du basique en primaire, et de finir en terminale avec le plus complexe et le plus contemporain (et le plus polémique).

    ça reste d'actualité comme idée...

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  7. Bon, faut voir le bon côté des choses, les cours d'histoire sont nuls. En résumé, avant c'était l'obscurité, la France vivait sous le joug de tyrans, en 1789 l'histoire de France a vraiment commencé, et la lumière fut en 1981 avec l'arrivée de Jack Lang à la culture. Les supprimer présente l'avantage de ne pas trop endoctriner nos bambins.

    Le Gars Huzac

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  8. @ Pimo

    Tout ceci est effarant et révoltant

    @ YPB

    Sur le fait d’avoir un programme qui ne soit pas trop long et qui puisse être enseigné dans de bonnes conditions, je suis naturellement d’accord. En revanche, le choix des priorités et celui du tout-thématique sont des calamités, que l’association des professeurs d’histoire dénonce il me semble.

    @ Démos

    Je ne pense pas que cela soit conscient…

    @ Olaf

    Je crois plus à des réformes à courte vue, sans penser aux conséquences de leurs actes (on rajoute un chapitre par ici, puis par là… surprise, le programme est trop lourd, du coup on coupe…)

    @ Edgar

    Très juste

    @ Le Gars Huzac

    Ce n’est (heureusement) pas la version de l’histoire que j’ai eue

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  9. On ne peut pas parler d'histoire thématique en troisième. Le programme distingue une histoire mondiale dans un premier temps, d'une histoire strictement française dans un second temps - les deux parties étant fondées sur la chronologie.
    Pour avoir expérimenté ce programme l'année dernière, il me semble que la partie purement nationale gagne en clarté, alors qu'elle était noyée dans les programmes précédents. Le rôle du général De Gaulle ou le programme du CNR sont particulièrement bien mis en valeur. Et, en tant que gaulliste, et m'attendant au pire, j'ai été agréablement surpris. Le traitement de la fin des deux guerres mondiales, qui reprend l'idée assez récente, de la victoire des nations sur l'impérialisme est très réussi - et plutôt étonnante si on considère l'idéologie dominante.
    Je note que les allègements de programme vont favoriser cet aspect du programme au dépens de la partie thématique.

    Au total, je suis réservé sur votre critique qui ne me semble pas si fondée que cela - au moins pour la partie troisième. La vraie question est celle de la répétition du programme entre la troisième et la première au détriment d'un approfondissement de celui-ci. On se demande s'il est vraiment utile de revoir deux fois la même chose quand on pourrait prendre le temps d'expliquer.

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  10. On pourrait dire la même chose en science suite aux "allégements" de Claude Allègre et de ses successeurs.

    Bientôt, l'Éducation National n'enseignera plus que l'anglais, langue de l'OTAN, de l'UE et de la finance mondiale...

    Antoine

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  11. Des gens cultivés peuvent mieux résister à la propagande.
    Vous remarquerez que la classe politique dominante ne prône jamais la lecture aux citoyens. La culture qu'il prônent ne doit pas éduquer juste faire passer un message simpliste. Contentez vous de regarder la machine à laver le cerveau et on s'occupe de tout...

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  12. @ Léonard

    Merci pour cette précision. Désolé d’avoir fait une erreur. Il faut que je rajoute un correctif.

    @ Antoine

    Je me rappelle que quand j’étais au lycée, les professeurs nous parlaient chaque année des coups de ciseaux dans le programme

    @ TeoNeo

    Je pense qu’ils sous-estiment les phénomènes culturels.

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  13. C'est moins la république (à laquelle on ne peut pas résumer l'histoire de France, ça n'en est même qu'une minorité) qui est sabrée que l'histoire antérieure au XIXe siècle. Et ce n'est pas un hasard : ça permet de mettre en valeur toujours les mêmes acteurs, que l'on parle de groupes, d'individus ou de nations ; et surtout de couper notre pays de ses racines profondes, de son histoire longue.

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  14. "En Terminale, c’est la construction européenne et le Général de Gaulle qui sont sacrifiés pour garder du temps pour les guerres mondiales et les régimes totalitaires."

    La notion de "régimes totalitaires" est un vaste fourre-tout qui permet d'englober dans une même catégorie le régime politique de l'Allemagne sous le 3ème Reich et le régime soviétique en Russie depuis Lénine jusqu'à Gorbatchev. On oppose à ces régimes qui ont voulu changer la société par la terreur, les "démocraties" qui combattent pour promouvoir les droits de l'homme et la justice dans le monde.

    Cette vision biaisée de l'Histoire qui imprègne presque chaque page des manuels scolaires est éminemment idéologique.

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