mardi 1 octobre 2013

L’illusoire baisse des écarts de salaires dans le monde


Le cabinet d’audit PWC a publié une étude prospective sur le niveau des salaires en 2030. Une étude reprise par tous les médias comme une démonstration que tout finira bien avec la mondialisation du fait de la convergence des salaires. Une conclusion naturellement abusive.



Beaucoup de bruit pour rien

La Tribune met en avant le fait que « les salaires indiens 8 fois inférieurs aux français en 2030, contre 28 fois en 2013 ». Tout le monde a également repris la prévision selon laquelle les salaires chinois atteindraient la moitié des salaires espagnols. On fait également grand cas du fait que les salaires moyens mensuels en Inde devraient passer de 132 à 616 dollars d’ici à 2030. Bref, comme le conclut l’étude, « les entreprises pourraient relocaliser certaines activités de production ou de service dans leur pays d’origine, comme ont déjà commencé à le faire certaines sociétés américaines ».

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Un tel raisonnement est un peu court. Tout d’abord, si les salaires progresseraient de près de 500 dollars par mois et de 1500 dollars en Chine, il faut noter que la progression des salaires réels en France, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis serait de l’ordre de 1200 dollars par mois. En clair, l’écart en valeur absolue continuerait à augmenter avec l’Inde et baisserait à peine par rapport à la Chine. En clair, en aucun cas de telles évolutions permettraient la relocalisation d’activités des pays en voie de développement dans ceux dits développés…

Pire, cette étude décidemment bien superficielle oublie un aspect essentiel : la productivité. Même si les salaires progressent plus vite en Chine ou en Inde, il est probable que leur productivité augmentera aussi plus que dans les pays dits développés. Et il n’est pas du tout sûr qu’au final, les écarts de coût salarial unitaire disparaîtraient, voir même baisseraient avec de telles hypothèses.

Une présentation biaisée et partisane

Ce qui absolument affligeant, c’est que les médias ont relayé les conclusions de cette étude sans la moindre nuance ni distance critique. Tous relaient cette vision idéale d’une mondialisation heureuse qui permettrait l’enrichissement des pays les plus pauvres et la fin prochaine des délocalisations. Tout d’abord, étant donné l’entreprise qui a réalisé l’étude, des journalistes sérieux auraient du se demander si cette étude n’est pas réalisée à charge, pour défendre la mondialisation. Ensuite, on peut contester que les salaires montent dans les pays dits développées : c’est le contraire qui se passe aujourd’hui.

Des journalistes sérieux auraient également du pointer que les chiffres avancées ne sont pas suffisants pour justifier la relocalisation des activités. Au contraire, l’écart augmentant en valeur absolue avec l’Inde, cela justifierait plus de délocalisations, mais en Inde au lieu de la Chine. Ensuite, il est toujours hasardeux de raisonner en moyenne comme le montre la récente étude d’Emmanuel Saez qui montre que si les revenus ont progressé de 6% depuis 2009 aux Etats-Unis, les revenus des 10% les plus riches ont monté de 15% quand ceux des 90% restant ont baissé de 1,6%.

En tout cas, bravo aux partisans de cette mondialisation délétère. Avec cette étude biaisée et partisane, ils ont réussi à faire passer leur thèse, reprise sans la moindre distance critique par la plupart des médias. Pourtant, il n’était pas bien difficile de la remettre en question…

5 commentaires:

  1. Il est complètement ridicule de comparer les salaires dans le monde !!!, les différences ne veulent rien dire. C'est mélanger des fruits et des légumes, des carpes et des lapins....
    Le drame, c'est le non contrôle des frontières, les délocalisations .... le reste c'est du pipo ?

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  2. Toujours et tout le temps la même technique : utiliser des images favorables pour rendre acceptable une réalité défavorable.
    Défavorable à notre monde occidental dans lequel une répartition des richesses, même imparfaite, avait été organisée; défavorable à nos équilibres sociaux, qui sont désormais en concurrence avec le moindre coût des économies plus productives, dans le sens ou les coûts sociaux et salariaux sont tellement plus bas.
    Il est clair que si le niveau de vie en Inde ou en Chine a progressé, il reste encore très inférieur au notre, et l'ambition de la mondialisation est de Nous faire converger le plus possible, le capital ayant davantage intérêt à un modèle social et salarial moins coûteux.
    Pour illustrer ceci, ces quelques phrases que je lisais ce matin dans une revue de presse :
    "Rappelons aussi qu’en mai dernier, le PDG de Qatar Airways Akbar Al Baker, avait vertement critiqué dans une interview au site Arabian Business.com le besoin de syndicats dans une économie qui veut prospérer : « Si vous n’aviez pas les syndicats vous n’auriez pas de tels problèmes de chômage en Occident. Les syndicats rendent les compagnies sous-compétitives et ne font que freiner leur productivité ».
    Sur un autre registre, le Qatar fait actuellement l’objet de vives critiques pour la façon dont il emploie des dizaines de milliers d’ouvriers étrangers sur les chantiers des édifices sportifs construits pour la Coupe du monde de football de 2022. 44 ouvriers népalais seraient morts sur des chantiers au Qatar cet été (...). "

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  3. Les supporters de la mondialisation sont entrain de contre attaquer en effet.

    Quand bien même les salaires convergeraient en moyenne les inégalités sont plus fortes avec la mondialisation. Peut être qu'en Inde l’ingénierie en l'informatique est responsable de l’augmentation des salaires moyens mais est ce que les salaires des ouvriers ont autant augmenté que la moyenne ?

    Et j'ajouterais au texte de LP d'abord que la mondialisation c'est aussi des crises économiques récurrentes. Ce mode de développement est très instable. Faut être de mauvaise foi pour ne pas avoir remarqué la succession de crises économiques depuis les libéralisations.

    Puis même en supposant qu'une convergence de salaires se produira nous n'avons tout simplement pas le droit de faire attendre nos concitoyens 10 ou 20 ans. C'est une injustice pour la génération qui tombe pendant la période de convergence.
    C'est maintenant qu'il faut regler le problème du chômage. "A long terme nous serons tous morts" c'est la seule chose prévisible n'est ce pas ?
    Ceux qui arguent des lendemains qui chantent sont bien sur à l'abri des problèmes matériels. Diraient ils la même chose si ils étaient soumis à la précarité de la mondialisation ?


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  4. Même sans avoir pu lire l'article en question, je peux sans me tromper -sans être économiste - que le niveau des salaires n'est pas le seul déterminant pour qu'une production se réalise ici ou là. Au-delà de la productivité, l'environnement juridique, économique, comme le droit du travail, la fiscalité, la protection sociale, les cotisations des entreprises, les aides ou subventions accordées, sont extrêmement importants pour attirer les rois du dumping salarial que sont les patrons des multinationales ... règles qui, soit dit en passant, sont loin d'être harmonisées dans notre chère UE. Avec les résultats que l'on connaît.

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  5. @ Gilco56

    S’il n’y a pas de frontière, cela a un sens pour les entreprises…

    @ Sophie M

    Tout à fait.

    @ TeoNeo

    Très juste sur les inégalités, les crises et l’urgence de régler les problèmes actuels.

    @ Démos

    Très juste.

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