lundi 4 novembre 2013

Ces leçons du modèle anglais qu’on ne veut pas voir


Il y a quelques jours, Le Monde titrait « Croissance : les succès de la recette anglaise », après la publication des statistiques du 3ème trimestre, où Londres affiche une croissance qui accélère, admettant de facto que toutes les recettes que nous proposons sont au cœur des bons résultats d’outre-Manche.



L’assouplissement monétaire version anglaise

Comme le rappelle Le Monde, « l’élément le plus déterminant semble être la réactivité de la politique monétaire. La Banque d’Angleterre a acheté à tour de bras des obligations du Trésor, ce que la BCE n’a pas le droit de faire en vertu de ses statuts. L’encours de dette publique dans le bilan de la banque centrale britannique est passé de 3% à 20% du PIB depuis 2009. Cette politique a permis à l’économie britannique de se financer à bas coût ». Et de fait, la banque d’Angleterre a racheté la bagatelle de 375 milliards de livres d’obligations du Trésor, plus de 400 milliards d’euros !

Soit dit en passant, cela correspond très précisément à ce que nous avions recommandé lors de l’élection présidentielle de 2012, et qui avait été accueilli avec fraîcheur par beaucoup. Pourtant, ce programme de rachat de la dette publique par la banque centrale est un élément central de la reprise britannique. Il a permis de protéger le pays de la pression du marché. En effet, tout le monde semble oublier que le déficit affiché par la Grande-Bretagne est de plus de 7% du PIB cette année, plus que l’Espagne ou la Grèce… Mais à partir du moment où un pays garde le contrôle de sa monnaie, il n’y a pas de menace de défaut. Du coup, Londres emprunte à seulement 2,7% sur 10 ans.

Contrairement aux pays de la zone euro qui ont mis en place des politiques d’austérité sévères sans pouvoir compenser par la politique monétaire, Londres a pu équilibrer sa politique budgétaire très restrictive. En rachetant des centaines de milliards d’obligations d’Etat, la Banque d’Angleterre a maintenu des taux faibles extirpant l’Etat de la pression des marchés, et facilitant le financement de l’économie (quand Rome et Madrid souffrent de taux trop élevés). Mieux, cela a également fait baisser la livre de 20%, donnant une bouffée d’oxygène aux entreprises exportatrices, rendues plus compétitives.

Un modèle monétaire uniquement

Sans une telle politique monétaire, Paul Krugman, prix Nobel d’économie, avait noté que la situation de Londres serait sans doute comparable à celle de Madrid. Tout ceci démontre l’absurdité complète de la monnaie unique. Le retour à des monnaies nationales permettrait à chaque pays, non seulement d’avoir une monnaie adaptée à son économie, mais également de pratiquer cet assouplissement monétaire qu’utilisent tous les autres pays qui ont leur monnaie (Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne, Suède). Cela est impossible dans la zone euro, du fait des traités mais aussi parce que cela revient à demander à l’Allemagne de faire un chèque en blanc, qu’elle ne signera jamais, à raison d’ailleurs.

Malgré tout, il faut bien noter que la Grande-Bretagne n’est pas un modèle dans tous les domaines, loin de là. La politique d’austérité, pour équilibrer le budget, est assez sauvage. Et pourtant, Londres affiche encore un déficit deux fois plus importants que notre pays. Sans assouplissement monétaire, le pays serait dans la situation de la Grèce. En outre, l’Etat coupe dans ses investissements pour équilibrer ses comptes, sacrifiant en partie son avenir. Enfin, comment ne pas voir les dangers de l’emballement des prix de l’immobilier dans un pays qui vient de subir une très grave crise financière il y a à peine 5 ans ?

Même si la Grande-Bretagne est loin d’être un modèle, Londres montre l’intérêt qu’il y a à avoir sa monnaie et sa banque centrale, de manière à pouvoir amortir les crises. C’est cela qui a, en partie, permis de limiter la casse sur le chômage, contrairement aux pays de la zone euro. Une leçon que nous devrions méditer.

13 commentaires:

  1. Ce qui noircit définitivement le tableau c'est l'immobilier.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'immobilier monte, en France et en Angleterre, en partie parce qu'il y a augmentation de leur population.

      En Allemagne la population stagne, voire diminue.

      Cette différence de coûts, ainsi que de coûts d'éducation, représente un avantage compétitif dans le cadre de l'euro.

      Et cet avantage risque fort de devenir déloyal, puisque l'Allemagne aspire sur cette base les industries performantes des autres pays, avant de faire venir leurs salariés qualifiés.

      Supprimer
    2. Oui, mais la France fait aussi tout ce qu'il faut pour aller dans le mauvais sens, c'est pas L'Allemagne qui impose la politique immobilière française. Dans beaucoup de domaines, la France est assez douée pour se tirer des balles dans les pieds sans avoir besoin de l'aide allemande :

      Le système allemand, souvent cité en exemple dans ce domaine, y parvient; mais le marché immobilier allemand est très spécifique, avec une surabondance de logements par rapports aux locataires potentiels, un contexte très différent du cas français (voir page 32). Mais en appliquant des modalités très différentes de la loi ALUR, qui se réfère à un loyer médian local, à la pertinence douteuse. En pratique, cet instrument en l'état risque donc de multiplier les effets pervers, sans les effets positifs attendus. L'inefficacité du dispositif d'ailleurs commence à se voir.

      http://blog.francetvinfo.fr/classe-eco/2013/10/25/comment-faire-vraiment-baisser-les-loyers.html

      Supprimer
  2. Les défenseurs de l'euro pourraient avoir toutes les évidences du monde sous les yeux (ils en ont déjà pas mal...) pour leur montrer que leur monnaie nous conduit droit dans le mur, ce n'est pas leur problème.

    Ce sont des fanatiques. Ils n'en ont rien à faire des effets sur les populations ou les pays de cette construction absurde, ils défendent une religion...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Complètement d'accord, ce sont des fanatiques, qui ne se remettent pas en cause - eux qui nous traitent de conservateurs - et qui se rassurent en construisant des raisonnements sur mesure, à l'exemple des socio-libéraux français pensant qu'ils vont se retrouver face au FN en 2017 et le battre grâce à une division supposée de la droite.

      Le résultat dramatique de cet aveuglement est que nos dirigeants continuent à faire monter la pression dans la marmite et qu'à un moment ou à un autre, il faudra bien que cette pression sorte. Et là, ce sera du perdant-perdant.

      Supprimer
  3. Voici le compte-rendu de la dernière conférence de la Fondation res publica, sur le projet de marché transatlantique.

    http://www.fondation-res-publica.org/Le-projet-de-marche-transatlantique_r105.html

    L'intervention de X. Bertand est inquiétante...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. ...ainsi qu'une intervention au parlement européen, donnée en note :

      http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+CRE+20130522+ITEM-017+DOC+XML+V0//FR&language=FR&query=INTERV&detail=3-629-000
      "Arnaud Danjean (PPE ). - Monsieur le Président, chers collègues, la perspective d'un accord commercial transatlantique est en soi plutôt positive, mais qu'elle soit bénéfique mutuellement aux deux économies, européenne et américaine, c'est loin d'être établi.
      (...)
      Je comprends que la non-exclusion de ce secteur de la défense relève d'une tactique de négociation, mais le rôle du Parlement, Monsieur le Président, n'est pas de s'aventurer dans la tactique d'une négociation qu'il ne conduira pas. Le rôle du Parlement …

      (Le Président retire la parole à l'orateur) "

      Enfin, il nous restera (peut-être) les films des bobos de l'exception culturelle pour nous occuper, entre deux RSA...

      Supprimer
  4. Une proposition de taxe :

    Ainsi,avec la CSCA,une PME industrielle de 100 personnes ayant un chiffre d’affaires de 5 millions d’euros verrait ses charges patronales diminuer de près de 200 000 euros par an, qu’elle pourrait utiliser pour investir,embaucher ou innover.

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/godard/2013/08/26/chronique-de-liberation-%C2%AB%C2%A0comment-favoriser-lemploi-quand-la-reprise-nest-pas-la%C2%A0%C2%BB/

    RépondreSupprimer
  5. @ Olaf

    C’est juste. Mais le contexte démographique, plus la très faible croissance de l’Allemagne pendant la première moitié des années 2000, explique en grande partie cet écart. Mais d’accord pour dire que toutes ces aides fiscales pour l’immobilier sont absurdes car elles ne font que justifier des prix encore plus hauts.

    Merci pour le lien. Toute remise en cause du mode de financement de notre protection sociale me semble une bonne idée.

    @ Saul

    Merci pour toutes ces précisions.

    @ Bip

    Très juste

    @ Anonyme

    Heureusement, les histoires d’espionnage semblent avoir mis du plomb dans l’aile de l’accord.

    RépondreSupprimer
  6. Hors sujet, mais ce qui discrédite complètement M Le Pen sont ses commentaires idiots concernant l'affaire des otages, c'est vraiment une irresponsable dangereuse qui n'a aucune conscience de ce que sont les fonctionnements des services secrets et de la raison d'état.

    olaf

    RépondreSupprimer
  7. Vous auriez pu ajouter l'exemple japonais qui est en train de sortir de 15 ans de déflation, et ce grâce à une politique monétaire volontariste.

    RépondreSupprimer
  8. @ Olaf

    Très juste. Les otages ne pensaient sans doute pas beaucoup à leur apparence après leur captivité. Quelle détestable déclaration !

    @ SB91

    Merci de l'avoir rappelé !

    RépondreSupprimer
  9. Les expérimentations monétaires de la BOJ et de la BOE se termineront mal. La monétisation des dettes est une tentation très grande mais elle risque de démolir la confiance dans la monnaie et nous amener sans une situation d'hyperinflation. Comment peut-on croire qu'on va solutionner des pbs de surendettement par l'impression de billets de Monopoly?! Vous seriez bien avisé de relire ou réécouter O Berruyer et de cesser de croire aux solutions sans douleur à coup de planche à billet...

    RépondreSupprimer