mardi 25 mars 2014

N'oublions pas les européennes ! (billet invité)


Billet invité du blog actualité

A l’occasion de la sortie du premier sondage concernant les élections européennes du 25 mai prochain, j’ai jugé utile de faire un petit article pour rappeler l’éminence de ces élections qui mobilisent trop peu l’électorat français (et même européen). C’est une erreur et cela en arrange beaucoup trop : ces élections sont très importantes dans le sens où l’Union Européenne dispose de beaucoup de pouvoir et d’une influence de plus en plus grande sur la politique nationale de chaque Etat. La politique menée à l’échelle Européenne conditionne en bonne partie ce qui se fait à l’échelle nationale. Certes, l’Union Européenne ne se limite pas au parlement européen (il y a aussi et surtout la Commission Européenne), mais cette instance est la seule démocratiquement élue au niveau européen. Il faut donc en profiter pour en faire un véritable espace de débat sur le projet européen et ne pas la laisser être une simple chambre d’enregistrement des décisions de la commission.
Dans quel contexte se déroulent ces élections ? Quels en sont les grands enjeux ? Qui peut tirer son épingle du jeu ?

Dernier sondage Opinion way

Datant du 12 mars 2014 pour Le Nouvel Economiste, ce sondage peut permettre de faire un tour des listes qui vont se présenter aux prochaines européennes et de tirer quelques premiers enseignements sur la possible issue de ces élections.


De ces 14 chiffres, ressortons trois enseignements :

-La sanction qui pourrait être infligée au Parti Socialiste : le parti de la majorité ne recueille pour le moment que 17 pour cent des intentions de vote. Sans doute le fruit d’une défiance ce  à l’égard de la politique du gouvernement et du président actuels. Ainsi, le Parti Socialiste ne serait que troisième, assez loin derrière l’UMP et le FN, les deux partis leaders de la sanction à l’égard du PS. La sanction est aussi le fruit d’un manque de mobilisation : seulement 48 pour cent de ceux qui ont voté pour François Hollande en 2012 expriment le souhait de voter pour le PS à ces élections européennes.

-Le camp eurosceptique est déjà assez haut alors que la campagne n’a pas encore commencé. Le Front National est déjà à 21 pour cent, Debout La République est à 4 pour cent. A cela on peut même rajouter une gauche dans les mêmes chiffres qu’aux dernières élections présidentielles : 9 pour cent pour le Front de Gauche, 3 pour cent pour le Nouveau Parti Anticapitaliste et 1 pour cent pour Lutte Ouvrière. Le total s’élève à 38 pour cent.

-Les verts et les centristes confirment leur fibre européenne. Europe Ecologie-Les Verts totalise 7 pour cent des intentions de vote : c’est bien mieux que le résultats d’Eva Joly aux dernières élections présidentielles mais c’est plus de deux fois moins que leur résultat aux élections européennes de 2009 (plus de 16 pour cent). Les centristes (UDI et Modem) sont à 9 pour cent, soit le même résultat qu’en 2009 et 2012.

Cependant il ne faut pas s’arrêter à un tel sondage pour plusieurs raisons :

-Un sondage ne vaut jamais le suffrage universel qui peut nous réserver des surprises. Les sondages peuvent se tromper ou être manipulés.
-La campagne pour les Européennes n’a pas encore commencé et pour le moment l’actualité politique se concentre plus sur les élections municipales de mars 2014.
-Seulement 19 pour cent n’expriment pas d’opinion, or le plus souvent l’abstention est beaucoup plus importante.

Le contexte : une désaffection pour l’Europe

Depuis les dernières élections européennes, le contexte a changé. Déjà en 2009, on ne pouvait pas dire que c’était le grand amour entre les français et l’UE : seulement 40 pour cent de participation !
Mais en plus, depuis 2009 s’est ajouté un contexte économique et politique plus tendu en Europe. En effet, les crises de la dette et de l’Euro se sont succédées dans divers pays : Grèce, Espagne, Portugal, Italie, Chypre. La confusion s’est installée et les décisions prises ont favorisé certes une Europe plus fédéral (avec notamment le Mécanisme Européen de Stabilité, véritablement technocratique) mais aussi des tensions importantes entre les peuples et une résurgence des mouvements nationalistes voir néo-nazis (comme l’Aube Dorée en Grèce). Il est évident que jamais les tensions entre Grecs et Allemands n’ont été aussi fortes, les sondages le montrent : plus de la moitié des Allemands souhaitaient en 2012 que la Grèce sorte de l’Euro, 49 pour cent pensaient que la Grèce ne pourrait pas se réformer. Plus de 51 pour cent des Allemands souhaiteraient même sortir de l’Euro. En 2013 en Grèce, 55 pour cent des Grecs auraient une opinion négative de l’UE et 49 pour cent une opinion négative de l’Euro.  D’une manière plus globale, dans tout le continent, l’euroscepticisme gagne du terrain, soit par un manque de confiance, soit par une adhésion croissante aux partis eurosceptiques. Un des principaux leaders de cette montée est Nigel Farage, président du United Kingdom Independance Party, qui explose au Royaume-Uni. Celui-ci, par son sens rhétorique, se fait de plus en plus remarquer au parlement européen.

Bien sûr, cette forte poussée de l’euroscepticisme n’a pas échappé aux européistes qui ont ainsi décidé de le combattre en finançant des « trolls » en vue des élections européennes sur internet, un des endroits où l’euroscepticisme semble le plus se développer.
De même, rappelons que l’une des dernières décisions de l’Union Européenne fut de permettre le prélèvement des épargnants en cas de difficultés d’une banque. Il s’agit d’une nouvelle solution prévue pour 2016 pour tenter de sauver l’Euro. Cela constitue un véritable pari tellement l’Euro est touché par des problèmes structurels qui se sont révélés et amplifiés depuis 2008. 

Dans ce contexte difficile pour l’Union Européenne, ce n’est plus uniquement l’abstention qu’il faut prévoir. Ces élections européennes pourraient être l’occasion pour les européens d’exprimer leur avis sur l’Euro et la construction européenne actuelle (comme une sorte de référendum), d’exprimer dans les urnes leur manque de confiance… C’est ce que pense Charles Gave, un analyste financier et économiste de plus en plus en vue sur internet :

« En fait, les élections au Parlement Européen représentent la première possibilité qui va être donnée aux Peuples  Européens de donner leur avis sur l’Euro, ce Frankenstein financier  qui a détruit leurs vies. Il va donc s’agir d’un referendum, pour ou contre l’Euro et C’EST TOUT. »

Peut-être est-on à un nouveau tournant sur le débat européen…

Les compétences du Parlement Européen

Faisons un petit tour des compétences du Parlement Européen pour voir plus concrètement l’utilité du vote de mai prochain.

Sur les finances

D’abord, comme tous les parlements, le Parlement Européen participe au vote sur le budget de l’UE européenne et a le dernier mot sur les dépenses non obligatoires. Elle a donc un rôle sur les finances mais ce rôle ne semble pas être le plus important. En effet, le parlement n’a une action que sur la partie dépense du budget et non pas sur les recettes…

Contrôle du pouvoir exécutif

Le parlement élit tous les 5 ans le président de la Commission Européenne mais sur proposition du Conseil de l’Europe. Cependant, le reste de la Commission Européenne est nommée sans tenir compte de la composition du Parlement.
Aussi, le parlement dispose d’un contrôle intéressant sur la Commission Européenne, qu’il peut démettre de ses fonctions à 2/3 des suffrages exprimés et à la majorité des parlementaires (et non pas des présents).

Pouvoir législatif

Le pouvoir législatif, à l’inverse de la majorité des parlements nationaux, n’est pas le principal pouvoir du Parlement européen. Il ne dispose pas de l’initiative en matière de pouvoir législatif (cela appartient à la Commission Européenne). Cependant, il est censé approuver (ou désapprouver) les lois et directives proposées par la Commission, ce qui n’est pas négligeable. A défaut de pouvoir véritablement réorienter la construction européenne par son biais, on peut au moins exprimer un désaccord sur la construction proposée par la Commission. Il lui est aussi possible de soumettre des demandes à la Commission qui s’engage depuis 2003 à donner suites aux demandes.

Conclusion 

Même si l’Union Européenne est de moins en moins populaire, il ne faut surtout pas négliger son importance et son pouvoir. L’abstention n’est en aucun cas la solution pour changer l’Europe et même si le Parlement Européen n’est pas l’institution européenne qui a le plus de pouvoir, elle reste la seule tenant en compte l’avis des peuples européens. Le contexte ayant changé depuis 2009 (avec les crises successives de l’euro et les nouveautés technocratiques de la Troïka), il faut plus que jamais exprimer son avis. A défaut d’avoir eu un référendum en Grèce sur les mesures d’austérité (comme le préconisait Papandréou), ayons notre référendum en mai prochain !

Vin DEX

11 commentaires:

  1. Christian Bordeaux25 mars 2014 à 11:15

    Curieuse conclusion
    Ce "machin" le Parlement européen, n'a aucun pouvoir décisif, comme vous le précisez si bien: " A défaut de pouvoir véritablement réorienter la construction européenne..." Il faudrait donc malgré cela, malgré cette construction européenne tyrannique, dictatoriale, interdisant toute remise en cause du traité du fait de l'unanimité requise pour ce faire, allez voter car le parlement prend " en compte l’avis des peuples européens." Foutaise que cela.
    Effarant, vous proposez donc au différents peuples qui composent l'UE, de rester dans la soumission aux classes dirigeantes financières qui se sont construit LEUR Europe pour leur plus grands profits.
    Je n'irai pas voter le 25 mai et j'espère que nous serons des millions ainsi, encore plus nombreux que précédemment pour démontrer l'illégitimité de cette construction économique et politique qui s'oppose à la coopération mutuellement avantageuse entre les nations seule solution pour favoriser le développement d'une Europe pacifique.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'UMP, le PS, l'UDI et EELV te remercient de ton abstention et de leur permettre d'obtenir la seule chose qui les intéresse : des bonnes places au chaud sans contrôle des citoyens pour continuer la construction de leur bel édifice post-démocratique.

      Pour croire que les 60% d'abstention de la dernière fois les ont empêchés de dormir 5 minutes, faut beaucoup estimer leur volonté d'écouter la population...

      A comparer avec la possibilité de donner de la visibilité au message que tu défends par l'intermédiaire de DLR (au hasard ;) ), moi je penche clairement vers ça.

      Je considère que pour changer les choses en France, il faut qu'un candidat qui défend la fin de l'euro et de l'UE remporte la présidentielle.
      Et pour ça, faut pouvoir expliquer son message. Et ça passe par la télé, radio. Et leur accès passe par un score élevé aux élections...

      Mais sinon on est d'accord sur la vision de l'UE.

      Supprimer
    2. A Christian :

      -S'abstenir c'est encore moins peser sur la balance. L'abstention n'a jamais gêné nos politiques... Il n'a toujours occasionné que des concerts de fausses lamentations.
      -Le Parlement a peu de pouvoir mais il peut être le baromètre de notre mécontentement : à nous de l'utiliser pour ce faire ! Il est certain que nous pèserons plus si nous sommes plus nombreux au parlement.
      -Je n'ai jamais dit qu'il suffisait de voter aux européennes, il est évident qu'il faut aussi prendre le pouvoir à l'intérieur des Etats "souverains" pour faire sauter l'UE.

      Supprimer
  2. Le traité de Lisbonne reste une forfaiture, comme l’avait dénoncé courageusement NDA, même s'il confère au PE d'approuver conjointement avec le Conseil (art 289) des actes dans le domaine des accords commerciaux notamment.
    L'UE reste antidémocratique par nature, ultralibérale et atlantiste, une construction dont les maîtres d’ouvrage sont les américains…
    Participer à l'élection du PE c'est la cautionner et accepter notre servitude volontaire, un mauvais signal pour les peuples!
    Peu importe que les opposants soient assez nombreux pour ne pas approuver le « TAFTA », ils ne le seront jamais assez pour modifier le cours de cette construction!
    Mieux vaut alors la boycotter de manière militante afin qu'une abstention massive confirme le rejet des peuples, toujours plus fort, de l'UE et leur volonté d'en sortir...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vous raisonnez comme une casserole.

      Comment voulez-vous avoir la parole dans les médias si vous n'avez pas d'élus, par exemple européens ?
      Et comment avoir les moyens de débattre pour convaincre les autres français, qui ont bien d'autres sujets en tête, sans un minimum de moyens ?

      S'abstenir plutôt que de voter pour des listes comme dlr, c'est démissionner.

      Supprimer
    2. Entièrement d'accord, ces gens ne comprennent pas que l'abstention arrangent bien nos politiques.
      Il vaut mieux voter pour le peu de chapelles souverainistes qui restent.

      Supprimer
    3. @Vin Dex,
      pour moi, voter revient à légitimer ce parlement Potemkine qu'est le Parlement Européen. Donc je suis pour le boycott: au mieux, ce parlement-croupion sert les intérêts européistes; d'ailleurs, regardez sa composition depuis 1979: tant le PSE, que le PPE ont systématiquement fini par céder sur les lois ultra-libérales mais surtout attentoire à la souveraineté des états et des peuples.
      Désolé, mais je refuse de dire que voter dans le cas de l'UE aura une efficacité: l'histoire de cette institution a suffisamment montré qu'elle était au service et à la botte de la Commission Européenne pour qu'elle ait une quelconque utilité pour les peuples des pays de l'UE.
      En fait, la politique doit rester au niveau nationale: c'est bien là qu'il faut lutter, et c'est pour cela qu'il faut d'abord sortir de l'UE.

      CVT

      Supprimer
    4. Les élections européennes sont quand même une des seules occasions de pouvoir accéder aux grands médias afin de faire entendre un autre son de cloche sur la construction européenne.

      Vu comment ce débat a été esquivé lors de la précédente présidentielle et qu'il est peu probable qu'on ait de sitôt un nouveau référendum, c'est important de pouvoir exprimer d'autres idées sur l'Europe et l'euro.

      C'est d'ailleurs l'intérêt majeur de ces élections. Convaincre et augmenter la visibilité des autres options dans l'optique des futures échéances nationales.

      Et si ça peut permettre d'éviter l'argument "vous êtes à 1% dans les sondages, vous n'avez aucune chance, pourquoi ne pas abandonner"...

      Supprimer
    5. "Vous raisonnez comme une casserole" merci et vous comme un tambour!
      De l'aveu même de Nigel Farage, celui n'est passé que 2 fois sur la BBC! Toute sa notoriété il la doit au web, mettre en avant la tribune médiatique qu'offre cette élection et tout bonnement naïf!

      Surtout dans les circonstances où se déroule ce scrutin : 9 circonscriptions, des dizaines de listes, la mouvance patriote éclatée( DLR, UPR, MRC,...) contribuant à la dé-crédibiliser et un vote sanction-défouloir anti-systéme profitant à MLP...

      Après le 25 mai, les forces se réclamant du patriotisme devront se positionner rapidement et ce dans la perspective de l'élection législative de 2017 (là où se trouve le vrai pouvoir): soit l'alliance avec le FN, soit la création d'un Front Patriotique Populaire. Je milite activement pour la 2ème proposition!

      Supprimer
  3. Avant toute campagne, il est difficile de trancher pour ou contre l'abstention. Pour: voter revient à légitimer l'organisation de Bruxelles, alors qu'étant illégitime et impossible à réformer, elle doit disparaître. Mais si la campagne tournait au référendum contre l'euro, alors, participer au vote prendrait peut-être un sens. Sauf que, comme ce "parlement" n'a pratiquement pas de pouvoirs, même s'il y avait une majorité de DLR + UKIP +Alternativ für Deutschland, la bataille décisive sera quand même au niveau national.

    RépondreSupprimer
  4. D'accord que la reprise du pouvoir ne se fera pas sans l'échelon national.
    Mais les européennes restent des élections. Et un parti c'est fait pour y participer.
    Comment peut-on croire que l'idée eurosceptique pourra se répandre sans participer aux élections qui concernent le principal sujet du mouvement ? Cette élection doit servir de tremplin pour faire croître ces idées au niveau national.

    RépondreSupprimer