jeudi 15 mai 2014

Ces bourses qu’il faut nationaliser


On peut se dire que le fait de coter des actifs peut être assuré par le secteur privé, que le marché assure lui-même sa propre organisation. Mais plus le temps passe, et plus tous les défauts du marché ressortent et amènent à se dire que le fait de coter les actifs relève finalement du service public.



Addition de dérives libérales

Le plus incroyable sur le marché de la cotation des actions est finalement que la libéralisation n’a en aucun cas été freinée par la grave crise financière de 2008. Comme le rapporte The Economist, après le premier projet MiFID, adopté en 2004, et appliqué depuis 2007, qui a permis à de nouveaux acteurs de mettre en place de nouvelles plate-formes d’échange de titres plus librement, la folie libéralisatrice européenne a trouvé un second souffle, avec le projet MiFID2, qui prévoit d’aller encore plus loin dans la libéralisation des échanges. Pourtant, on voit déjà les ravages des « dark pools », des lieux opaques qui permettent à qui le souhaite d’échanger anonymement des titres, ou le trading à haute fréquence par des ordinateurs, qui a déjà provoqué un krach en 2010, en attendant sans doute un plus gros…

En effet, la libéralisation démultiplie tous les problèmes naturels des marchés. La fragmentation des lieues où échanger les titres facilite les manipulations et complique leur prévention. Cela rend les marchés opaques, ce qui accentue plus encore leur instabilité, puisque cela nourrit la hausse dans les phases d’optimisme et accentue encore les baisses en phase de crise. Quand on ajoute à cela le développement des échanges réalisés automatiquement par les ordinateurs sans la moindre intervention humaine (65% des échanges d’action en 2012 selon The Economist, et jusqu’à 45% des futurs et 30% des options), pour bénéficier des écarts de cours d’une place à l’autre, il est difficile de ne pas se dire que la sphère financière devient chaque jour davantage une nouvelle bombe à retardement.

Du service public de la bourse

Encore une fois, le dogmatisme du laisser faire a fait des ravages. Le fait de coter des titres relève du service public. Même en partant d’un point de vue libéral, comment justifier le fait de coter en différents endroits les mêmes titres, ce qui réduit la transparence des marchés, complique l’information et permet toute sorte de manipulation. Au final, la place de Paris devrait devenir à nouveaux le seul lieu où les titres français sont cotés. Certains diront évidemment qu’il s’agit d’une vision passéiste. Sauf que la libéralisation actuelle est un retour au 19ème siècle, dont les excès avaient justement poussé les régulateurs à centraliser la cotation des titres en un seul lieu par souci d’efficacité et de justice.

Et tant qu’on y est, il faut également radicalement réduire toutes les pratiques spéculatives délirantes qui n’apportent aucune valeur ajoutée à l’économie réelle et ne serve qu’à gonfler la bulle financière : dérivés de toutes sortes, ventes à découvert, rachats d’action, trading à haute fréquence (Alain Godard évoque leur rôle dans les difficultés actuelles d’Alstom sur Alternatives économiques). Nous devons à chaque fois nous demander ce qu’apportent vraiment ces outils avant de les autoriser. Et contrairement à ce que vient de faire l’UE, il convient de faire davantage contribuer la finance à la collectivité, en imposant une véritable taxe Tobin, qui permettrait de rééquilibrer la fiscalité en faveur du travail.

Pour toutes ces raisons, il convient de nationaliser et centraliser la cotation de tous les titres français sur le territoire français, en instaurant de nouveau des frontières pour les mouvements de capitaux. Ainsi, le monde de la finance pourra être de nouveau contrôlé.

13 commentaires:

  1. Il est tragique de voir que la seule question qui déchire les socialistes au sujet d'Alstom est de savoir s'il faut laisser GE ou Siemens l'acquérir. Aucun d'entre eux n'envisage de proposer qu'Alstom reste français, alors que le pouvoir par les leaders de leur parti au pouvoir ne cessent de déclamer qu'il faut défendre l'industrie. Voilà des minables qui se discréditent et discréditent la politique à longueur de journées sans en mesurer les effets. Nous n'avions vraiment pas besoin de cela après cinq ans de sarkozysme.

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    1. alors que les leaders de leur parti au pouvoir ....

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  2. Démos

    Quand des boites françaises rachètent des boites étrangères, qui en parle ? A partir de quand une boite est dite stratégique, quand elle fabrique des poulets, des yaourts... ? La balance des paiements dépend des investissements étrangers en France, si vous les dissuadez, ils iront ailleurs. GE a de nombreux sites de production et de recherche en France qui fournissent de l'emploi en France et y payent des taxes, où est le problème. Vous croyez qu'il vaut mieux une boite "française" mal gérée ou sans capitaux ou sans synergie d'échelle, ou alors une boite "américaine" qui possède cela en produisant en France ?

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    1. Texas Instrument il y a 30 ans avait beaucoup investit en France, sur la Côte d'Azur, en créant des emplois très qualifiés, personne n'a trouvé ça scandaleux. Qu'une boite soit française ou US, elle n'investira en France que si il y a de bonnes raisons, pas parce que ses dirigeants sont US ou français. Dans ce genre business, la nationalité des dirigeants n'a aucune importance.

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    2. Quel artiste vous êtes !

      Si une entreprise française rachète une entreprise américaine ou fait une percée commerciale, dans un secteur de pointe, bien sûr qu'on en parle.

      Voyez par exemple l'affaire du marché gagné par Airbus aux Etats-Unis, et retoqué sur pression politique américaine : cela a fait les gros titres avant, pendant et après la décision américaine.

      "Dans ce genre business, la nationalité des dirigeants n'a aucune importance."

      Allez expliquer cela aux japonais, coréens du sud ou chinois, qui non seulement protègent leur marché intérieur mais ont leurs grandes entreprises sous ferme contrôle de la collectivité.
      Non seulement c'est contraire à votre théorie, mais en plus cela fonctionne. Et c'est bien ainsi que fonctionnait la France il y a 40 ans.
      C'est à cause de l'inconscience d'olibrius dans votre genre que les financiers ont pu changer ce modèle...

      Et même dans les pays anglo-saxons, au delà du discours de façade destiné à l'export, ce que vous dites n'est pas vrai.
      Par exemple, chacun sait que le Royaume-Uni protège bec et ongle la City dans les discussions bruxelloises, parce que c'est le coeur de son modèle et de sa prospérité.

      Et même le Figaro en convient :

      http://www.lefigaro.fr/societes/2014/05/02/20005-20140502ARTFIG00311-comment-les-etats-unis-et-le-royaume-uni-protegent-leurs-fleurons-industriels.php

      c'est dire si vous êtes à côté de la plaque.

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    3. Il ne me semble pas que la question soit là. L'attitude de Kron dans ce dossier est, pour le moins, difficile à analyser : volonté des actionnaires d'Alstom de récupérer des fonds, choix de se séparer d'activités moins rentables, réaction à un opération boursière contre Alstom, intérêt personnel ...
      Il ne s'agit pas de promouvoir un système collectiviste de type soviétique, mais de promouvoir et de défendre la présence des entreprises françaises sur notre Territoire dans notre intérêt en termes d'emploi, d'impôt, de sécurité parfois.
      Enfin, ce qui est insupportable est le discours officiel, qui prétend lutter contre la désindustrialisation alors que le pouvoir ne fait rien. Absolument rien.

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  3. Ils protègent leur modèle... Et alors, ça marche ? Non.

    Balance commerciale US négative et ils ont aussi essayé de protéger leur marché du solaire, ça a été le fiasco. Vous racontez de belles âneries et marchez à côté de vos pompes. Si c'était efficace, les produits conçus aux US ne seraient pas fabriqués en Chine.

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    1. Ce sont pas les mêmes qui prennent la décision de protéger leur économie (annulation de l'appel d'offre remporté par Airbus) et ceux qui prennent la décision de faire fabriquer leurs produits en Chine.
      Si les seconds commandaient plus, vous inquiétez pas, que rapidement les Boeings seraient fabriqués en Chine et totalement...

      Tout cela démontre qu'il y a des batailles entre protectionnistes et ultra-libéraux ; ça ne prouve pas que c'est la défaite pure et simple du protectionnisme...

      Bientôt on va nous dire que la crise est uniquement de la faute du protectionnisme, je le vois venir...

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  4. "que sait-on de ce qu’il advient, en moyenne, à une entreprise qui fait l’objet d’un rachat par un investisseur étranger ? Les études réalisées sur données américaines, suédoises ou britanniques sont unanimes. La prise de contrôle par un étranger se traduit en général par une augmentation très importante de la productivité de l’entreprise. Ces gains de productivité sont pour partie reversés aux salariés qui voient leurs salaires augmenter. En revanche, ces gains de productivité ne sont pas (en moyenne) obtenus par des réduction d’effectifs. Statistiquement, l’arrivée d’un étranger dans le capital n’est pas synonyme de destructions d’emploi ou de fermeture d’établissement. Le changement de propriétaire est donc,a priori, plutôt une bonne nouvelle pour les salariés car il facilite l’expansion de l’entreprise en apportant capitaux et savoir-faire."

    http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/quel-patriotisme-economique-au-xxie-siecle

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    1. L'institut Montaigne (pauvre Montaigne, d'ailleurs, oser reprendre son nom comme ça) est un peu trop favorable au marché...

      Ce qui explique ce superbe conte de fée où soit-disant ce serait POUR les salariés que des étrangers rachète -et non investissent dans- une entreprise locale !
      Et du coup, ce serait les salariés les grands gagnants ; c'est beau comme un beau roman à l'eau de rose.

      On appréciera aussi la pépite de l'institut Montaigne : il faut que la fonction public soit "business friendly"...

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  5. Abd_Salam

    Vous avez lu l'article à l'envers, sinon vous ne diriez pas de telles sottises.

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    1. Bon, d'accord.

      Les ultra-libéraux ont toujours raison. J'ai bon là ?

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  6. @ Démos

    Bien d’accord. Ils sont désespérants.

    @ Anonyme

    Dans la mondialisation actuelle, laisser faire sur ce sujet est dangereux du fait du niveau des salaires et de la fiscalité en France, qui pousse forcément à des délocalisations ultérieures. Comment croire l’étude de l’Institut Montaigne, incontestablement biaisée dès l’origine, et contredite par l’évolution de notre production industrielle ou les faits (Renault, Pechiney, Airbus en partie, Arcelor…)

    @ Anonyme

    Merci de compléter la discussion

    @ Abd-Salam

    Bien d’accord

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