mercredi 30 juillet 2014

Un pas vers la fin de l’hégémonie du dollar ?

C’est un évènement passé un peu inaperçu, mais qui représente pourtant potentiellement une avancée majeure dans la remise en cause de la suprématie monétaire étasunienne : la Chine, l’Inde, le Brésil et la Russie ont monté une banque concurrente du FMI dotée de 100 milliards de dollars.

 

Une remise en cause de l’impérialisme étasunien

« Le dollar, c’est notre monnaie mais c’est votre problème » : c’est par cette phrase que le secrétaire d’Etat au Trésor de Richard Nixon, John Connally aurait accueilli une délégation européenne inquiète des fluctuations du dollar depuis que l’administration étasunienne avait décidé de le laisser flotter. Il faut dire que, comme le rapporte Michel Aglietta dans la Tribune, le statut du billet vert est ambigu : à la fois monnaie d’un pays mais aussi principale monnaie des échanges internationaux, capitaux comme biens. Keynes avait promu une autre organisation (avec le bancor) au sortir de la guerre, mais Washington n’était guère partageur et avait préféré capitaliser sur sa domination du moment pour pousser à la mise en place d’un système monétaire à son avantage.

La réforme du Système Monétaire International est un serpent de mer depuis les évènements du début des années 1970. L’euro a logiquement échoué dans sa remise en cause du dollar comme la monnaie des échanges internationaux. Les Etats-Unis bloquent toute réforme du FMI qui remettrait en cause leur suprématie (donnant de facto un droit de regard à Washington sur tout plan du FMI). Mais l’absence de prise en compte du poids grandissant des pays émergents (les BRICS cumulent 10% des droits de vote pour 24% du PIB) a fini par les pousser à créer cette Nouvelle Banque de Développement, dotée de 100 milliards de dollars, basée en Chine et présidée par un Indien, une décision qui pourrait préfigurer un nouvel ordre monétaire.

Vers un nouvel ordre monétaire


Il faut dire que le comportement des Etats-Unis a de quoi donner envie de casser l’organisation actuelle. Washington accumule depuis des décennies des déficits commerciaux massifs, qui sont sans conséquences étant donné que les Etats-Unis impriment la monnaie de réserve internationale. Et malgré son statut, Washington cale sa politique en fonction de ses seuls intérêts sans jamais prendre en compte les possibles retombés sur le reste de la planète. Pire, comme l’a démontré l’affaire BNP-Paribas, le dollar est un moyen pour faire de la « lex etasuniena » une loi qui déborde de ses frontières et s’impose à quiconque utilise cette monnaie au statut hybride. Mais cette affaire a peut-être joué un rôle dans la mise en place de cette banque.

En effet, elle a montré qu’il vaut mieux chercher à utiliser le moins possible la monnaie étasunienne pour éviter son impérialisme législatif, qui ne manque pas la moindre occasion pour imposer sa loi partout dans le monde (voir le cas de PSA en Iran). Il est malheureux que les pays européens n’appuient pas l’initiative des BRICS. Car, à partir du moment où les Etats-Unis veulent garder un pouvoir démesuré sur le FMI et prennent les avantages d’avoir la monnaie de réserve mondiale sans les inconvénients, il y a urgence à faire émerger un nouveau Système Monétaire International, qui pourrait s’inspirer des propositions de Keynes du sortir de la guerre. Si les pays européens s’alliaient avec les BRICS sur ce sujet, le dollar serait remis à sa place.

Face à des pays européens trop serviles à l’égard des Etats-Unis, il n’est pas surprenant que ce soient les pays dits émergents qui remettent véritablement en cause la suprématie du dollar. Il faut espérer que l’affaire BNP Paribas pousse les européens à se joindre à eux.

8 commentaires:

  1. Une banque "dotée de 100 milliards de dollars". On reste donc dans les dollars...

    RépondreSupprimer
  2. @ Laurent Pinsolle
    L'euro n'a pas échoué disons qu'il a perdu une bataille avec la guerre en Irak. Saddam voulait vendre le pétrole en euro, c'est pour cela qu'il y a eu la guerre de ce point de vue Chirac et Villepin ont choisi l'angle d'attaque mauvais.

    RépondreSupprimer
  3. PSA en Iran n'a rien à voir avec le dollar. C'est la prise de participation de GM, société US, qui est à l'origine de l'affaire.

    RépondreSupprimer
  4. "C'est une des raisons de sa réussite."

    Au moins il s'encombre pas d'arguments avant de balancer ça...


    "La monnaie unique européenne est un édifice diplomatique qui, dès le départ, s'est inscrit dans le temps long."

    Dans le temps long? Y a plus précis ou alors on continue à regarder la situation de la France se dégrader mais promis dans 50 ans vous allez voir comme ça va être cool.
    Ou peut-être dans un siècle ou deux, on sera plus à ça près...

    Sinon ça fait quand même 15 ans que l'euro a été lancé. Ça doit être trop court. Il reste encore quelques industries en France...

    RépondreSupprimer
  5. "fluctuations du dollar depuis que l’administration étasunienne avait décidé de le laisser flotter."
    Eh bien, non, mon cher Laurent, ce n'est pas le tresor américain qui a décidé cela. Ce sont les banques internationales qui possédent la FED.
    Le Trésor n'a fait que s'éxécuter. En fait, il fallait émettre le plus de dollars possible, car chaque billet d'un dollar représente une dette du Trésor américain qui est garantie par... les contribuables américains.
    Nous tenons là le véritable motif de ce qu'on a appelé "le choc pétrolier de 1973" Le baril est passé de 3 à 12 $ en un an, et la FED a tenu son prétexte pour imprimer les milliards de dollars nécessaire au commerce du pétrole, qui ne pouvait se faire que dans cette monnaie.

    RépondreSupprimer
  6. Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud...je ne suis pas sûr que ce nouvel ordre mondial qui s'annonce soit en soi meilleur que l'hégémonie américaine.

    La Russie et la Chine de par leurs régimes autoritaires et le puissant militarisme qui va avec font peser de lourdes menaces sur la paix mondiale et les droits de l'homme.

    Je sens des dirigeants orgueilleux et voraces, pressés de prendre l'ascendant sur l'Occident mais pas forcément pour remettre en cause le modèle d'exploitation économique. Mais plutôt pour leur renforcer à leur profit.

    L'Inde malgré une démocratie un peu plus respectable est désormais sous direction nationaliste-hindouiste plutôt belliqueuse et affairiste. Pas de bonne augure pour la paix non plus.

    Le Brésil a connu de lourdes bavures policières lors de la Coupe du Monde, bavures qui sont à peu près passées sous le tapis. Il est aussi un féroce partisan de la dérégulation des marchés agricoles devant l'OMC.

    Non, je ne trouve pas çà réjouissant même si j'ai conscience qu'on ne peut pas agir en politique étrangère sans aucune real politik. Je préfèrerais franchement voir la France adopter une nouvelle posture diplomatique moins soucieuse de ses intérêts commerciaux à court terme et plus porteuse de partenariats de développement durable au Nord comme au Sud

    RépondreSupprimer
  7. @ Jauresist

    C'est juste. C'est pour cela qu'il faut que l'Europe s'y joigne. Et je suis relativement optimiste sur l'évolution de la Chine.

    @ Moi

    Très juste ! Cela montre que ce n'est que le tout début

    @ Fiorino

    On verra. Je vous rappelle que j'avais prévu que cela prendrait du temps dès le début, au contraire des autres.

    RépondreSupprimer
  8. Nous installons des fenêtres, des vérandas et nous réalisons l'agencement de magasins.

    RépondreSupprimer