jeudi 4 décembre 2014

Un synopsis et quelques extraits du nouveau livre de Marc Rameaux « Portrait de l’homme moderne » (billet invité)

Billet invité de Marc Rameaux


Grégoire est un homme croyant aux vertus de la société libérale moderne. Celle-ci garantit pour lui ouverture d’esprit, récompense du mérite, prospérité et respect du droit dans la société. Dans les yeux de Grégoire, elle est le sommet du monde civilisé. Il en joue pleinement le jeu, avec un engagement et des qualités personnelles indéniables.
Moderne candide, mais moins naïf qu’il n’y parait, Grégoire recèle un autre versant de sa personnalité qui lui souffle que les règles du jeu pourraient être différentes de ce qu’il avait imaginé. Cette autre face lui permet d’être entouré d’amis véritables, malgré son apparente superficialité, communauté d’amis qui lui apportera une aide décisive à un moment critique de sa vie.
Grégoire vivra des expériences remettant en question ses convictions et découvrira les clés véritables de la société moderne. Il prendra conscience des labyrinthes et des toiles qui peuvent prendre les hommes au piège. Il goûtera enfin ce que sont le prix et les conditions d’une véritable liberté.

 "Le portrait de l'homme moderne" est en ligne, au format papier et kindle :

 Quelques extraits :

« Mais M. Augustin ce n’est pas possible de pervertir à ce point ce qui nous a été enseigné. Comment cela peut-il exister, quel nom est-ce que cela peut porter. Quelqu’un qui fait passer pour moitié sa lâcheté et pour moitié son avidité personnelle pour des valeurs de progrès, qui déguise ses instincts en marche irrésistible de la civilisation, qui est veule avec les petites frappes de toutes les classes sociales mais réprime seulement ceux qui ne peuvent se défendre ou respectent les règles, comment cela peut-il se nommer. »
 « Oh, cela c’est simple Grégoire. Cela s’appelle un membre du parti socialiste. M. Amboise en est un je crois. »
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 André réplique : « T’es-tu déjà demandé ce que signifie l’expression « le meilleur » ? Et qu’elle n’a aucun sens si tu ne précises pas le critère (il appuie ce mot) par lequel tu mesures ce qui est meilleur ou pas. En théorie des jeux, ce critère s’appelle la « fonction objectif ». C’est celle que tu cherches à maximiser. La mise en concurrence est le moyen le plus efficace connu – c’est là la part de vérité de ton cher libéralisme – pour atteindre et maximiser la fonction objectif le plus rapidement possible. Mais c’est un moyen et non une fin : si tu fais une compétition de ping-pong, tu sélectionneras les meilleurs pongistes, si tu fais une compétition de football américain, les meilleurs dans ce sport : tu conviendras qu’ils n’auront pas tout à fait le même profil et les mêmes qualités … »
 « Soit, mais où veux-tu en venir ? »
 « Eh bien si tu fais une compétition de bassesse et de servilité, tu obtiendras les « meilleurs » dans ces belles qualités. Et de surcroît tu les obtiendras avec une rapidité et une efficacité extraordinaires.» repartit-il en riant. « Un certain Jonathan Swift l’avait déjà remarqué il y a quatre siècles. Le libéralisme est un moyen très efficace, il peut donc te mener aussi très rapidement et très efficacement le nez dans la boue. Et tu t’écriras « quelle efficacité ! » » finit-il hilare.
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  « Mais comment est-ce que tu qualifierais le profil de ces nouveaux dirigeants ? A quoi correspondent-ils ? Il doit bien y avoir un moyen de s’en prémunir si l’on sait quel type d’hommes ils sont. »
 « Oh là-dessus Grégoire c’est assez simple. Cliniquement ce sont des psychopathes. Et toute l’affaire du monde moderne que tu aimes tant, cela a été de remplacer les dirigeants véritables par des psychopathes. Des hommes capricieux, narcissiques, ne songeant qu’à leur propre plaisir immédiat, dénués de jugement. Dans le mode de fonctionnement que je t’ai décrit, cela marche très bien : on prend leurs caprices pour de l’esprit de décision, parce qu’ils les expriment avec force, comme un enfant qui tape du pied ou se roule par terre. Il y a 40 ans, l’on aurait considéré cette attitude comme indigne d’un véritable décisionnaire. De nos jours, la permissivité généralisée les fait considérer comme des profils de leaders. Bien sûr, ils ont travaillé leur façon d’être pour que cela ne se voie pas trop. Et savent reproduire tous les aspects extérieurs d’une attitude policée et maîtrisée. Mais si tu examines la façon dont ils prennent in fine leur décision, de façon superficielle, avec une incompétence totale sur leurs dossiers, en fonction uniquement des rapports de force internes à leur organisation et non sur des critères de fond, leur apparence cache très mal les instincts d’un enfant capricieux et mal grandi. 
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« Méfie-toi Grégoire. Tu te souviens de la période noire de France Telecom, celle où les suicides s’accumulaient, ou encore les situations de harcèlement moral. Ce n’étaient même pas les indésirables, les bons à rien ou les bras cassés qui subissaient les pires traitements de harcèlement. Tu te souviens de cet homme à qui l’on avait retiré son lieu de travail sans rien lui dire en espérant qu’il craquerait ? C’était l’un des éléments les plus brillants de l’entreprise, imaginatif, entreprenant, ayant déposé une multitude de brevets. Au bout d’un certain temps, les dirigeants actuels trouvent ces hommes trop dangereux et en trouveront toujours un autre pour le remplacer avec le même jeu de dupe, en lui faisant croire à la reconnaissance du mérite, reconnaissance qui ne viendra jamais mais qui aura permis d’exploiter son « jus » au maximum. Les véritables entrepreneurs dans la grande entreprise, ne font que souligner la vacuité et la nullité de leurs dirigeants. Et même si ces derniers ont tout, reconnaissance, titres, salaires mirobolants, le peu que les véritables leaders ont pu acquérir est encore trop pour eux, car ils savent très bien qu’à la différence d’eux, il s’agit de récompenses légitimes. L’arrogance et l’agressivité des classes dirigeantes de maintenant est à la mesure de leur incapacité : leur totale incompétence les rend nerveux, car ils savent qu’elle a de plus en plus de chances d’être démasquée et de provoquer une révolte. » 
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Je pensais à quelque chose de très curieux, de paradoxal. Mes collègues Nicolas et François ou un M. Sivert font tout pour se valoriser et se mettre en avant. Ils se rouleraient par terre pour un signe qui les distingue des autres. Et ce faisant, ils deviennent complètement interchangeables : il est facile de remplacer des gens comme cela, parce qu’ils n’apportent rien de réel, ils se consacrent entièrement à leur auto-promotion, et sont une multitude. Tandis que Jean lui, s’efface, disparaît, demande presque volontairement l’anonymat. Et ce faisant, il devient au contraire un homme d’exception. Ceux qui mettent outrageusement leur ego en avant deviennent des pantins que rien de distingue d’un autre de leur espèce, tandis que celui qui fait taire son ego devient une personnalité exceptionnelle.
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« Le pire Grégoire, c’est que vos sociétés prétendent être libres. Elles me font penser à ces courses de chiens où chaque animal se trouve complètement encadré dans un couloir, avec la seule possibilité de courir devant lui. « Mais si, vous êtes libres » vous dit-on, « vous pouvez courir » ! Le terme est déjà fixé à l’avance, ainsi que vos possibilités. La petite minorité qui a confisqué le pouvoir détient aussi tous les leviers de votre destin, en exploitant au maximum vos capacités à son seul profit : quiconque ne rentre pas dans le jeu malsain qui les a fait se reconnaître devra subir leur système de captation de toute votre richesse. Ou bien devrez-vous subir un exil forcé, généralement dans des conditions très difficiles. Vous êtes aussi semblables aux rats de laboratoire placés dans un labyrinthe. « Mais si vous êtes libres » vous dit-on. « Vous pouvez parcourir le labyrinthe ». Oui, et la sortie et le terme sont déjà fixés et uniques. C’était exactement comme cela en URSS : un système où les hommes étaient piégés, où le double discours était la norme, où les jeux d’intérêt personnels de chacun étaient exploités au maximum non pour le bien de la société, mais pour l’accroissement continu de l’oppression. »
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« Mais cela sera difficile à tenir M. Augustin. La pression sociale vous oblige quelque part à reconnaître et admirer ceux qui dans notre société parviennent au sommet du pouvoir et de l’argent. Même si ce sont par des moyens dévoyés qu’ils les ont obtenus. Que feriez-vous si l’un de nos dirigeants économiques ou politiques venait visiter votre village ? »
« Oh c’est déjà arrivé Grégoire ! Et il a dû vivre l’une des expériences les plus désagréables de sa vie. Lui qui à chaque instant doit faire impression avec son argent et son pouvoir ne suscitait ici qu’indifférence et mépris. Il pouvait lire dans les yeux des membres de la communauté qu’ici, il ne valait rien. Lui qui se voyait au sommet de la société, n’était regardé dans le village que comme une sorte de porc décadent. Lui qui se pensait un prédateur s’impressionnant lui-même par son pouvoir sentait qu’il n’aurait jamais fait le poids dans n’importe quel combat, physique ou mental, face aux samouraïs surentraînés du village.
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« Mais les dirigeants actuels continuent de tenir le discours d’un état de droit, d’une justice la même pour tous, d’opportunités économiques pour les meilleurs, de la responsabilité, du civisme et de la démocratie. »
« Ils continuent de le tenir Grégoire, mais plus personne n’est dupe. Tout le monde sait bien maintenant que la règle du jeu n’est pas celle-là. Et que la « liberté » qu’ils offrent est de se conformer à leur seul modèle répugnant de réussite, assoiffé d’argent et de pouvoir, ou d’être broyé lentement si l’on ne rentre pas dans ce jeu dépravé. La belle liberté que voilà ! La machine économique est subtile, car elle permet de détruire à petit feu ceux qui ne se conforment pas à ce modèle, et même de faire dire qu’ils en sont responsables. La surprise viendra du fait que les prédateurs ont l’habitude de ne rencontrer des oppositions que sous forme de plainte ou de revendications, ce qui les renforce dans leur caractère imbu d’eux-mêmes, d’être les forts de la société. Quand ils devront faire face à des hommes totalement déterminés et libres, de véritables combattants accomplis dans leur réalisation, ne leur demandant rien et n’ayant pas une once d’estime ou de respect pour eux, ils seront démasqués. »
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« Imagine un peu Grégoire, l’exemple que cela produira sur la société. Elle verrait des hommes engagés, désintéressés, liés par la passion des disciplines nobles qu’ils pratiquent, excellents dans leurs domaines, humbles mais implacablement déterminés, n’ayant besoin d’aucun signe extérieur de richesse, exemplaires dans leur contribution à la collectivité tout en étant individuellement accomplis, nullement prédateurs mais impressionnants de force et de discipline, prêts enfin au sacrifice pour la communauté, ne demandant en retour que l’anonymat, et pour cela se distinguant. Et en face, leurs dirigeants économiques et politiques actuels. N’étant parvenus à leurs postes que par la tricherie, la récupération, les manœuvres de couloir. Superficiels, infantiles, narcissiques. Se roulant par terre comme un enfant capricieux pour le moindre signe de reconnaissance, et n’étant même plus capable de sentir la bassesse, l’aspect minable d’un tel comportement. Nous vivons vraiment une époque de décadence, car il y a quelques années, ils éprouvaient encore le besoin de se cacher. Là ils n’éprouvent même plus de honte à être répugnants en public. Incapable aussi du moindre courage, dès lors qu’une vraie adversité est en face. Imagine le contraste donné en exemple, et les changements que cela induirait dans la société. »

3 commentaires:

  1. Vous faites des propositions, des analyses, qui sont intéressantes, mais que je trouve réductrices, pour ne pas dire caricaturales. Ainsi, par exemple, quand vous écrivez que "la pression sociale vous oblige quelque part à reconnaître et admirer ceux qui dans notre société parviennent au sommet du pouvoir et de l’argent", je ne crois pas que la pression sociale nous oblige à accepter quoi que ce soit, en tout cas, certainement pas plus qu'hier. Ce que je voudrais trouver, c'est ce qui caractérise nos comportements, comme notre individualisme forcené, notre incroyable soumission, notre approche relativiste devant toute situation (tout se vaut) et nous pourrions aller dans une autre direction. A lire ces quelques extraits, j'ai l'impression que nous ne serions que des victimes des autres, du système. Or, il me semble que nous avons une part de responsabilité dans ce qui arrive, même si nous ne l'assumons pas.

    Demos

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    1. Attention il s'agit d'un dialogue, la forme est romancée. Il va de soi que je ne partage pas ce que dit le héros de l'histoire, dans l'extrait que vous citez. Cf la réponse de son interlocuteur qui suit immédiatement après. La thèse qui se dégage du livre est qu'au contraire il ne faut surtout pas adopter une attitude de victime, mais montrer l'exemple d'une véritable force intérieure à l'ensemble de la société.

      Marc Rameaux - L'orque

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    2. C'est quoi une attitude de victime ?

      C'est la victime qui crée son état de victime ? on n'est plus la victime de l'action indélicate d'autrui.

      Superbe brouillage de repère ! comme si "être victime" était un état de nature !
      Alors que la notion est : être-victime-de

      Comment dénoncer la décadence quand on est soi-même largement parti prenante de cette décadence ?

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