dimanche 29 mars 2015

Krach d’avion et folie médiatique

Depuis mardi, le krach de l’avion de la Germanwings, qui a fait cent cinquante victimes, fait la une des média qui nous abreuvent chaque jour de découvertes plus ou moins importantes. Cette frénésie médiatique n’est-elle pas totalement exagérée, même si le drame est absolument atroce.



Les Experts Germanwings

Il est sans doute naturel que l’atrocité, peu commune, du décès simultané de cent cinquante personnes attire une telle attention médiatique. Dans nos pays, un tel drame est heureusement extrêmement rare. En outre, le fait que cela ne soit probablement pas un accident mais, semble-t-il, le choix délibéré, et donc, de facto, le meurtre de cent cinquante innocents par ce copilote qui se serait enfermé dans la cabine, puis aurait alors envoyé l’avion dans la montagne, a de quoi susciter l’intérêt et des questions, et donc remplir des pages et des pages d’articles ou des de longues minutes de reportages ou de commentaires. C’est un acte dont on se souviendra probablement pendant longtemps.

Cependant, on peut quand même se demander si la couverture de tous les instants par les média, avec le compte-rendu de la moindre découverte, intéressante ou non, par n’importe quel média, laisse un drôle de sentiment. En fait, on a l’impression d’assister à une série télévisée policière que l’on ne pourrait pas éteindre et qui se poursuit en parallèle sur tous les sites et dans tous les journaux. Tout le monde répète les mêmes informations, qui semblent nous parvenir sans le moindre filtre. C’est ainsi qu’hier, c’est l’interview de l’ancienne copine du copilote qui a fait la une, avec la nouvelle qu’il aurait dissimulé un arrêt maladie qui couvrait le désormais funeste mardi 24 mars.

Ni distance, ni recul

Hier également, la télévision faisait un reportage devant la maison où il habite, sans que l’on puisse comprendre l’intérêt qu’il y a à aller aussi loin dans l’intime. Un autre journaliste évoquait les vacances qu’il aurait passées dans des montagnes proches quand il était enfant, semblant presque dire qu’il y avait fait un repérage pour son funeste projet. Mais quel était l’intérêt de faire un tel reportage ? Il semble que la plupart des média déversent de l’information sans ne serait-ce que réfléchir à l’intérêt, ou non, de la diffuser. Les journaux, les sites et les chaines se transforment en robinets de l’immédiat, mélangeant infos insignifiantes et véritables réflexions, dans une bouillie indigeste.

Car comment réfléchir avec sérénité aux implications de ce drame dans un tel contexte, où il faut en permance réagir dans l’instant. Et on peut également aussi se poser des questions sur la réaction du président de la République, prompt à dire qu’il n’y avait aucun survivant. S’il est sans doute positif que François Hollande se soit manifesté, vis-à-vis de l’Espagne et de l’Allemagne, était-il nécessaire que cet événement occupe tant la présidence cette semaine ? En cédant, comme ses prédécesseurs, au compassionnel, cela ne représente-t-il pas un mauvais choix de priorités pour un chef de l’Etat qui a pourtant de très nombreuses sujets à traiter, plus importants.

Naturellement, je pense aux victimes, à leurs familles et leurs proches. Le scénario du drame rend sans doute leur perte encore plus douloureuse. Mais cela ne doit pas empêcher de se poser des questions sur le traitement médiatique de ce krach, d’où tout recul semble absent. 

7 commentaires:

  1. Ce que tu appelles affolement, c'est aussi l'effet pervers de l'information à l'ère internet : l'information "payante" a eu le dessous, c'est l'information "gratuite" qui domine. Et le "gratuit", c'est la pub. Pour vendre de la pub il faut qu'un maximum de pages soient vues. Un excellent article rapporte moins que deux articles minables, dépourvus de fond et d'analyse, pondus à partir d'une dépêche afp ou de n'importe quelle source sans intérêt, si autant de visiteurs les ouvrent (et ils coûtent certainement beaucoup moins cher à produire).

    L'autre corollaire de ce problème, c'est que même si les trois quarts des internautes s'interdisent d'ouvrir la foule d'articles sans intérêt qui essaiment autour de chaque "moment" médiatique, si le quart restant ouvre cinq fois plus de pages, ils rapportent plus et restent donc le coeur de cible.

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  2. @Ronan. Bonjour.
    Je pense que vous exagérez un effet spécifique de l'ère internet. Cela ne reste qu'un moyen nouveau désormais exploité par les mêmes acteurs et leurs intérêts.
    D'abord, il y a le formidable attrait pour les faits divers. Il y a plus d'un siècle, leurs exploitations a fait le succès du Petit Journal.
    Plus proche, bien avant la pub gratuite Google, on a eu les affaires Bruay en Artois (une affaire de classe poussée par les média) ou Gregory (avec une implication forte des reporters eux-mêmes).
    Donc, il n'est pas nouveau que les acteurs médiatiques veulent "profiter" de toutes les occasions.
    Une bonne opportunité pour leur sucrer leurs subventions ?

    Amike

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  3. "Se poser des questions sur le traitement médiatique de ce krach" va de soi, mais la question se pose de manière générale.
    Comment comprendre, mais surtout accepter que ceux qu'on qualifie de journalistes saturent les écrans et les ondes en exploitant les faits divers, dont la place a cru de manière exponentielle ou en posant des questions sans intérêt qui n'abordent à aucun moment le fond des problèmes ? Du sensationnalisme pour vendre ou de belles opérations de diversion à l'exemple de l'allégorie qui dit que "quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt" à la différence que, dans notre affaire, ceux dont la mission est d'informer sont les sots qui font tout pour que les sages ne regardent pas la lune.

    DemOs

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  4. On a souvent dénoncé dernièrement - à juste raison - le règne de l'émotion dans l'information et la politique. Voici un exemple parfait.

    Il faut comprendre que l'époque où la raison et la rigueur intellectuelle étaient mis en avant, entre les XVIe et XXe siècles, est aujourd'hui révolue.

    Guadet

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  5. Au delà du médiatique il faudra se demander comment un président de la république peut se transformer en entrepreneur de pompes funèbres en oubliant qu'il a des ministres et des préfets pour cette mission...Moi je parlerai de surenchère médiatico-politique...

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  6. Je rajouterais que quand ce sera un A 380...ils vont faire quoi?...avec 800 passagers...

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  7. @ Ronan

    Très bien vu !

    @ Amike

    Oui, Internet apporte un nouveau champ des possibles, mais il apporte aussi un culte de l’immédiat

    @ Démos

    Il faut noter aussi que la profession de journalistes subit aussi les difficultés du secteur

    @ Guadet

    Sans doute

    @ Axel

    Bien d’accord, il surfe sur le compassionnel

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