dimanche 12 avril 2015

Quand David Graeber règle son compte au néolibéralisme

Après avoir raconté l’histoire de la monnaie, en notant son caractère profondément politique, et bien sûr, celle de la dette, « Dette : 5000 ans d’histoire » est un livre de combat politique, où David Graeber mène un combat contre l’idéologie dominante de ces dernières années. Et cela fait mal.



Les racines pourries du néolibéralisme

Fait ignoré, il démontre également que la pensée d’Adam Smith n’a rien d’original et qu’elle repose sur de très nombreux emprunts. Il souligne que « nombre des raisonnements et exemples précis de Smith sortent tout droit d’essais économiques rédigés en Perse au Moyen Age » et rapporte également des emprunts à Aristote.David Graeber reprend une citation très significative d’Adam Smith : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage ».

Voici un résumé saisissant du fond de la pensée néolibérale, qui présuppose que le monde ne resposerait que sur l’égoïsme. Il dénonce aussi la vision matérialiste de Hobbes. Il note que la notion d’intérêt personnel (au cœur de la réflexion néolibéral) reprend le même terme que le mot qui désigne la rémunération d’un prêt et s’interroge sur ce que cela dit d’une telle théorie générale des motivations humaines. D’abord, « cela lui donnait l’air objectif, scientifique même ». Et il note que « des désirs infinis dans un monde fini signifient une rivalité sans fin ; notre unique espoir de paix sociale est donc bien celui que préconisait Hobbes : des accords contractuels que l’appareil d’Etat fera strictement respecter ».

David Graeber souligne le ridicule de « la théorie du choix rationnel », jamais démontrée, et soulignant que « certains ont souhaité fonder une théorie de l’interaction sociale sur une vision plus généreuse de la nature humaine ». On peut également objecter l’analyse de Jacques Généreux dans son livre de référence « La dissociété », pour qui l’homme est autant un « être soi » qu’un « être avec ». Pour lui, « le droit d’un homme est simplement l’oblgation d’un autre » et « ceux qui ont soutenu que nous sommes les propriétaires naturels de nos droits et libertés s’intéressaient essentiellement à en conclure que nous devions être libres de les donner, voire de les vendre »

Ce que cela dit de notre époque

Il rappelle qu’en allemand, « Schuld signifie à la fois ‘dette’ et ‘culpabilité’ », ce qui en dit long, et explique un peu, le rapport de l’Allemagne à la dette et aux déficits publics. Il souligne aussi que la plupart des religions « sont nées au milieu d’intenses polémiques sur le rôle de la monnaie et du marché dans la vie humaine, notamment sur le sens de ces institutions pour les aspects fondamentaux de ce que les humains se doivent les uns aux autres », ce qui amène à regretter que les questions monétaires soient temporairement sorties du cadre du débat démocratique dans tant de pays.

Il note que dans notre psychologie, « puisque le créancier et le débiteur sont en dernière analyse des égaux, si le débiteur ne peut pas faire le nécessaire pour se remettre sur un pied d’égalité, il est manifestement dans son tort ; c’est forcément de sa faute ». Mais pour lui, « un monde sans dettes retomberait dans le chaos primordial, dans la guerre de tous contre tous ; nul ne se sentirait le moins du monde responsable des autres ». Il note aussi que les dettes publiques ont historiquement un double visage : donner plus de puissance militaire aux Etats, tout en suggérant que l’Etat devait quelque chose à ceux qu’il gouverne, sauf qu’il le doit principalement aux capitalistes.

Il souligne également que « s’il n’y a pas de fin, il n’y a aucune raison de ne pas créer du crédit – c’est-à-dire de la monnaie future – à l’infini », comme en 2008, créant alors « une série de bulles toujours plus imprudentes qui ont provoqué l’écroulement global du système ». Il note que l’escalvagisme repose sur le fait d’arracher l’homme de tout contexte, fait qui parle face à l’injonction de mobilité de l’époque actuelle. Pour lui « si nous sommes devenus une société de la dette, c’est parce que l’héritage de la guerre, de la conquête et de l’esclavage n’a jamais entièrement disparu ».


L’auteur parle de « trois grands principes moraux susceptibles de fonder des relations économiques ». D’abord, un « communisme fondamental » la nature de l’homme à aider son prochain, soulignant que l’aide vient si « le demandeur est considéré comme appartenant à la communauté » et que « cette attitude fondamentale de partage sans retenue et de générosité ne s’étend jamais à tout ». Cela permet donc l’échange, plus impersonnel, mais qu’il est possible de rendre plus personnel. Enfin, il y a la hiérarchie. Il note aussi que, dans l’histoire, « quinconque obtient d’immenses richesses finit toujours par en donner au moins une partie – souvent de façon grandiose, spectaculaire, et à un grand nombre de gens », mais que cette attitude est souvent extrêmement limitée et superficielle.

Pour lui, le problème avec le marché, quand il est modélisé, c’est que « nous sommes souvent enclins à les traiter en réalités objectives, voire à nous prosterner devant eux et à nous mettre à les adorer comme des dieux ». Comme si nous avions toujours besoin de quelque chose qui nous dépassait, sans doute le moyen de limiter notre propre responsabilité… David Graeber note aussi que « le capitalisme est un système qui exalte le parieur comme aucun autre système ne l’a jamais fait : il le tient pour un acteur essentiel de son fonctionnement. Mais en même temps, le capitalisme semble exceptionnellement incapable de concevoir sa propre éternité. Peut-il y avoir un lien entre ces deux constats ».

Merci à David Graeber pour cette contribution majeure à la critique du système néolibéral. Demain, je reviendrai sur son analyse plus concrète et précise de la crise que nous traversons depuis 2008 pour clore ce compte-rendu du livre.

Source : David Graeber, « Dette : 5000 ans d’histoire », Les Liens qui Libèrent 

15 commentaires:

  1. Les analyses de David Graeber sont intéressantes et incitent à lire ses livres.

    A propos du rôle central de la monnaie abordé ici ces jours-ci, vous pouvez lire l'article de Coralie Delaune du 6 avril intitulé : "TAFTA, l'accord du plus fort" sur son site "l'arène nue". Ou comment nos dirigeants vont continuer à pratiquer la dévaluation interne pour ne pas toucher au veau d'or qu'est l'euro sans compter la dérégulation dans tous les secteurs, y compris les services. TAFTA + TISA = mise à mort de notre système. Terrifiant.

    DemOs

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  2. Il oublie que Hitler a relancé son économie majoritairement par l'industrie de l'armement financée... par l'endettement de l'état nazi. En 1937, l'Allemagne nazie était surendettée, mais avait reconstitué une armée moderne bien pratique pour aller piocher dans les caisses des pays voisins.

    C'est donc bien de Weimar, mais aussi ensuite du surendettement colossal de l'état nazi dont les allemands se souviennent, bien plus que sur le double sens du mot Schuld qui n'a pas gêné l'Allemagne pour s'endetter colossalement pour financer les guerres 14-18 puis 39-45.

    Les allemands savent très bien que le financement de 14-18 leur a fait un trou énorme dans leurs finances publiques avant même qu'une dette supplémentaire de dommages de guerre soit rajoutée après la défaite, qu'elle n'a d'ailleurs n'a d'ailleurs jamais payée.

    L'impérialisme allemand des deuxième et troisième Reich a été financé par des dettes énormes. Encore faut il connaitre un peu l'histoire allemande pour éviter de faire des raccourcis linguistiques branquignoles.

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    1. Unci TOÏ-YEN

      Votre commentaire est plus utile au débat de la dette que les pages qui vous l’ont expiré. Car nous voyons, avec votre exemple, les effets pervers de la dette mais il est nécessaire de préciser : quand elle est monétisée par la planche à billet pour permettre une première production qui n’est pas monétisé (ici les productions d’armes) et ne peut donc rembourser l’emprunt.

      Dans ce cas la perversion ne vient pas de la production mais de l’absence de monétisation de cette production. Dans ce cas les allemands ont produits deux catégories de biens : une moitié qui sont ‘’consommés’’ et une moitié qui est stocké (les armes) alors que les producteurs des deux catégories de production sont payés pour leurs efforts. Résultat il y a deux fois plus de monnaies disponibles pour payer les produits ‘’consommables’’. Alors pour satisfaire cette équation il ne reste plus qu’a augmenter ( inflation) le prix des produits consommable et plus tard tirer profit en vendant le stock, ou par la guerre consommer ce stock et piller les pays conquis, c’est-à-dire : échanger la destruction des bombes par la production des pays conquis.
      La monnaie de la planche à billet à monétisée l’inflation. (Historique de l’inflation de l’Allemagne)

      Dans un tel cas ont comprend bien que c’est la perversion des hommes et non celle des structures économique qui décident du recours à la dette par l’utilisation des rotatives de la banque nationale.
      La dette des Etats n’est pas la volonté des structures financières, mais celle de ceux qui décide d’avoir recours à la planche à billet pour que la première production faite avec cette monnaie ne soit pas systématiquement fiscalisé pour rembourser l’emprunt.

      Par défaut de cette fiscalisation : quel est le blogueur qui peut démontrer que l’équivalent de la monnaie créée ne fuit pas à l’étranger, ou n’alimente pas l’inflation, ou devienne une épargne.

      Unci TOÏ-YEN

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  3. Un débat stérile de plus
    Laissons de coté les théoriciens et les pensées, du passé.

    Parlons de l'usage de la monnaie, car si la monnaie n’avait pas un usage elle serait inutile et la dette n'existerait pas.

    Vous, comme moi, utilisons la monnaie pour satisfaire nos besoins matériels ou ludiques, les quels sont des biens et des services produits que personnellement je ne produit pas pour moi mais que d’autres me produisent alors que, moi, je produis les besoins des autres. Nous avons là un premier usage qui consiste à échanger nos productions en utilisant de la monnaie.

    Nous utilisons aussi la monnaie, par le moyen des prélèvements obligatoires, pour satisfaire l’essentiel de notre vie sociétale : la solidarité entre les actifs qui produisent et ceux qui ne produisent plus ou pour satisfaire nos désirs de mutualiser des usages mutuels ou collectifs.

    La monnaie est aussi utilisée tout au long du processus de production d’un bien et d’un service quand les biens passent d’une unité de production à une autre pour être transformer ou déplacer jusqu’à ce que le produit fini soit proposer aux usager ou les consommateurs.

    Ces trois usage existent en simultané dans notre vie sociétale où la monnaie circule de mains en mains depuis plus de 5000 ans et ne demande pas d’en créer encore, si ce n’est : si l’intitulé de la monnaie change auquel cas ce n’est qu’un échange de papier au même titre que l’échange de la monnaie contre un bien ou un service.

    Lors de cet usage, la monnaie, ne peut circuler que si des biens et des services circulent en parallèle. Ce n’est pas la circulation de la monnaie qui est alpha et oméga de notre vie sociétale mais la production de biens et services qui circulent.

    C’est la croissance ou la décroissance des biens et services qui sont consommer (dans une année par exemple) qui vont produire une circulation plus ou moins rapide de la monnaie sans en changer la quantité. Résultat notre croissance n’est pas dépendante de la masse monétaire. Il n’y a donc aucune raison de créer de la monnaie picturale ou scripturale.

    Pourquoi en créons-nous ?
    Cette création trouve (faussement) son origine dans le principe que certains d’entre nous ou nous tous, s’il s’agit de la nation qui emprunte, voulons satisfaire nos besoins sans utiliser de la monnaie que nous avons échangée contre un bien ou un service produit par les autres. C’est à dire sans avoir à respecter le principe social que nous produisons pour les autres et les autres produisent pour nous ce qui nous implique que, globalement, dans une nation, chaque année, la masse des actifs doivent produire l’ensemble des besoins de sa population et que dans sa vie chacun de nous doit produire, pour les autres, autant que les autres produisent pour nous.

    Notre vie sociétale admet qu’une personne ou une nation, momentanément, consomme plus qu’il ne possède de monnaie, par un emprunt mais à une condition : c’est de s’engager, par la suite, à ne pas utiliser toute la monnaie qui lui revient pour rembourser l’emprunt de monnaie qu’il avait fait, pour consommer plus qu’il ne le pouvait avec la monnaie dans son portefeuille.

    Y a-t-il besoin de produire de la monnaie pour ces emprunts ?

    Dans la mesure où la masse monétaire est en circulation en partant du principe que certain détenteur épargne, il faut comprendre que cette épargne et un blocage de la circulation de la monnaie donc de la circulation des biens des services et de leur production et devient cause de chômage et une décroissance. C’est un aspect négatif de notre vie sociétale qui peut être combattue par l’emprunt de cette épargne et nous n’avons plus de frein à la circulation de monnaie.

    Résultat l’emprunt ne nécessite pas création de monnaie. L’épargne ralentie la circulation et l’emprunt rétablie la circulation.

    Quel est le blogueur qui peut m’expliquer :
    Le besoin de création de monnaie.
    Que toute création de monnaie ne devient pas une fuite de monnaie hors de la nation ou une épargne qui ne produit plus de circulation de monnaie dans la nation.

    Unci TOÏ-YEN

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  4. Quelques mots en défense d'Adam Smith... La tradition libérale en a fait l'inventeur du marché autorégulé, mais dans son œuvre la "main invisible" ne résume pas les relations humaines. A côté, et principalement, c'est l'empathie qui organise les rapports humains selon sa "Théorie des sentiments moraux" ; le marché ne s'impose que lorsque la transaction concerne des inconnus, et que l'amour du prochain ne peut assurer la circulation des biens. Part ailleurs il ne prétend nulle part que le marché soit exclusif de réglementations juridiques ou morales, ou même d'interventions de l’État. Il se contente de critiquer l'interventionnisme de l’État monarchique du XVIIIe siècle.
    Il est donc abusif d'en faire l'inspirateur du néolibéralisme (c'est-à-dire du "capitalisme de connivence" actuel).

    « Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres, donner le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser.
    Il n’est pas difficile de prévoir lequel des deux partis, dans toutes les circonstances ordinaires, doit avoir l’avantage dans le débat, et imposer forcément à l’autre toutes ses conditions. Les maîtres, étant en moindre nombre, peuvent se concerter plus aisément ; et de plus, la loi les autorise à se concerter entre eux, ou au moins ne le leur interdit pas, tandis qu’elle l’interdit aux ouvriers."

    " l’intérêt particulier de ceux qui exercent une branche particulière de commerce ou de manufacture est toujours, à quelques égards, différent et même contraire à celui du public. Toute proposition d’une loi nouvelle ou d’un règlement de commerce, qui vient de la part de cette classe de gens, doit toujours être reçue avec la plus grande défiance, et ne jamais être adoptée qu’après un long et sérieux examen, auquel il faut apporter, je ne dis pas seulement la plus scrupuleuse, mais la plus soupçonneuse attention. Cette proposition vient d’une classe de gens dont l’intérêt ne saurait jamais être exactement le même que l’intérêt de la société, qui ont, en général, intérêt à tromper le public"

    voir aussi : http://acrithene.net/2012/06/11/adam-smith-des-extraits-contre-les-cliches/

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  5. @Alpern

    Quelque fois les commentaires ont plus d’intérêt que le blog ce qui permet, comme dans ce cas de ne pas faire dire à SMITH ce qu’il ne dit pas.

    Mais il ne faut pas pour autant manquer de rigueur et faire des interprétations idéologiques comme quand vous dites :

    « Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres, donner le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser. »

    Votre interprétation est idéologique. En réalité : il y a d’un côté les ouvriers et de l’autre le patron et pour continuer l’idéologie de la lutte des classes nous opposer ces deux classes.
    Vous n’arriveraient pas, avec cette méthodologie, à des consensus.

    Les ouvriers et le patronat appartiennent à la même classe : celle des PRODUCTEURS et s’il y a une deuxièmes classes c’est celle des CONSOMMATEURS.

    Votre citation idéologique peut alors s’écrire, sans en dénaturer le sens, de cette façon :
    ‘’Les producteurs veulent gagner le plus possibles pour avoir produit et payer le moins possible leurs consommations.’’

    Le dilemme est qu’être plus payer ne sert pas à grand-chose quand, avec ce paiement, nous payons nos consommations dont le prix est composé de ce que nous recevons. Sauf à augmenter plus moi que l’autre.

    Mais, compte tenue du nombre respectifs de patrons et d’ouvriers, l’augmentation des patrons va très peu avoir d’effet sur le pouvoir d’achat des ouvriers et l’augmentation des ouvriers que très peu d’effet sur le pouvoir d’achat des patrons d’autant que contrairement aux croyances présentent, les patrons comme les ouvriers ne bénéficie pas d’un revenu sorti par l’entreprise mais ponctionner sur les sommes payées par les consommateurs.

    Résultat : le pouvoir d’achat, pour les producteurs (ouvriers ou patronat) s’apprécie autant par le revenu qui leur revient que par le prix de leurs consommations. Et, si dans ce prix, le revenus des actifs, salariés ou patronaux, ne représente que 45% du prix : il est à se demander si cette lutte de classe doit perdurer ?

    Ne faut-il aujourd’hui laisser la place à une négociation de la part minimale qui doit revenir aux ouvriers dans le prix de la consommation ou la part maximale qui revient au patronat dans le prix de la consommation ?

    Ne doit-on pas aujourd’hui s’interroger, dans cette réalité, comment faire pour avoir un prix compétitif ?

    C’est vers une recherche de consensus que nous devons orienter nos priorité et laisser sur le côté ces oppositions stériles sur le capitalisme, libéral ou néo libéral, et les oppositions de théoriciens d’un autre temps qui théorisent sur des faits du passés dont personnes ne peut apporter une preuve qu’ils sont théorisables.

    Unci TOÏ-YEN

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    1. "(...) comme quand vous dites :

      « Les ouvriers désirent gagner le plus possible ; les maîtres, donner le moins qu’ils peuvent ; les premiers sont disposés à se concerter pour élever les salaires, les seconds pour les abaisser. »

      La citation est d'Adam Smith, pas de moi.

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  6. "l’escalvagisme repose sur le fait d’arracher l’homme de tout contexte, fait qui parle face à l’injonction de mobilité de l’époque actuelle"
    Oui !
    La conséquence la plus terrible de l'idéologie libérale est que le travail perde sa valeur de construction d'une dignité. Les satisfactions ontologiques indispensables de se sentir utile, de se sentir à sa place, de participer à une œuvre collective, de se construire une vie, sont refusées par les systèmes économiques et de management issus de cette idéologie. Dans le monde du travail actuel, on doit toujours se sentir à l'essai et remplaçable. Ce n'est sans doute pas exactement l'esclavage, mais c'est le même refus de dignité lié au travail.

    Guadet

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  7. « le droit d’un homme est simplement l’oblgation d’un autre »
    C'est de Simone Weil !
    (L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain.)

    Guadet

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  8. A la stupéfaction des analystes qui prédisaient le pire pour la Russie, et probablement pour ceux qui croient que le commerce international fait tout, la croissance revient dans ce pays.

    « Les sanctions ont en quelque sorte abouti au contraire de ce qu’elles avaient l’intention de produire : les Russes ont été forcés d’acheter des produits locaux, dont la société a bénéficié. Malgré le crash du rouble, l’économie russe s’est avérée remarquablement résiliente. »

    http://www.politis.fr/Sanctions-le-pied-de-nez-de-l,30708.html

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  9. Si les dominants ont accepté et conservé certaines avancées sociales comme l'abolition de l'esclavage aux USA, la limitation de la durée hebdomadaire de travail, les congés payés, la médecine du travail, le syndicalisme... c'est qu'ils se sont rendus aussi compte que ca servait l'économie et leurs intérêts sur le long terme, pas par grandeur d'âme.

    Je trouve Graeber un peu simpliste, par ailleurs, même le don dans les sociétés primitives correspond à une dette morale du receveur en contrepartie. C'est encore vrai maintenant, les parents donnent à leurs enfants mais exigent des contreparties en termes de liens de subordination, même lorsque les enfants deviennent adultes.

    Avant de cataloguer Adam Smith dans les affreux néo-libéraux, il faudrait d'abord le lire :

    "La hausse des salaires opère sur le prix d’une marchandise, comme l’intérêt simple dans l’accumulation d’une dette. La hausse des profits opère comme l’intérêt composé. Nos marchands et nos maîtres manufacturiers se plaignent beaucoup des mauvais effets des hauts salaires, en ce que l’élévation des salaires renchérit leurs marchandises, et par là en diminue le débit, tant à l’intérieur qu’à l’étranger : ils ne parlent pas des mauvais effets des hauts profits; ils gardent le silence sur les conséquences fâcheuses de leurs propres gains; ils ne se plaignent que de celles du gain des autres. » (Livre I chapitre 9)"

    http://alternatives-economiques.fr/blogs/chavagneux/2012/09/26/competitivite-les-conseils-d%E2%80%99adam-smith/

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  10. @ Démos

    Je l’ai twitté. Merci

    @ Anonyme

    Intéressant rappel historique

    @ J Halpern

    Un grand merci pour ces précisions. Il est vrai que la pensée de certains est souvent caricaturée et je me souviens d’une citation de Tocqueville qui montre que les premiers libéraux étaient moins tranchés que ceux qui s’en réclament.

    @ Guadet

    Il y a beaucoup de choses intéressantes dans ce livre

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    1. Ce n'est pas que les gens qui se réclament du libéralisme sont plus "tranchés" ; c'est qu'en vérité, ils n'en ont rien à fiche du libéralisme, le véritable libéralisme.

      C'est pourquoi je les qualifie d'ultra-capitalistes... et non, de libéraux.

      Je vais paraphraser une des citations :

      "il faut apporter, je ne dis pas seulement la plus scrupuleuse, mais la plus soupçonneuse attention. Cette proposition vient d’une classe de gens dont l’intérêt ne saurait jamais être exactement le même que l’intérêt de la société, qui ont, en général, intérêt à tromper le public"

      Il faut apporter la plus soupçonneuse des attentions aux éléments idéologiques que les nantis appellent "libéralisme"...

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  11. L'appel de Graeber à un communisme fondamental est totalement con, cucul la praline et nunuche. Les humains peuvent s'entraider ponctuellement comme un amour dure le temps d'un printemps, et encore ils aideront leurs proches, pas plus.

    Je trouve sidérant que ces auteurs new age n'aient finalement rien retenu de l'histoire. Au moins Adam Smith ou Marx avec son matérialisme historique étaient de vrais penseurs de la réalité du monde au lieu d'être des curetons pour scouts qui nous prêchent des fadaises éculées.

    Ce sont les conditions matérielles de la production en évolution permanente qui structurent le monde, pas les vains appels à une fraternité inexistante qui ne sert qu'à massacrer ceux qui ne sont pas nos frères.

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    1. "Ce sont les conditions matérielles de la production qui structurent le monde". Analyse aussi impérieuse que discutable marquée par l'arrogance de celui qui sait tout. Une belle résignation.

      De plus, que la fraternité ne soit pas une valeur universelle ne signifie pas qu'elle n'existe pas, ni que ce soit l'inverse qui l'emporte partout et toujours. L'existence de certains peuples et civilisations d'hier et d'aujourd'hui le démontre.

      DemOs

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