dimanche 10 mai 2015

La loi sur le renseignement est bien un mini Patriot Act




Quand le PS se trahit sur son projet

C’est Marianne qui a répéré le vice fondamental du projet du gouvernement dans l’argumentaire de Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l’Assemblée. Face à Patrick Cohen, qui l’interrogeait sur les inquiétudes suscitées par la loi, il a soutenu que l’on pouvait faire confiance à notre classe politique, qui serait responsable et, que, in fine, cela pouvait également orienter les choix pour les prochaines élections. En clair, pour ceux qui auraient des doutes sur l’utilisation que pourraient faire l’UMP ou le FN de cette loi s’ils étaient au pouvoir, il y aurait toujours la possibilité de voter socialiste aux prochaines élections, pour avoir des personnes qui sauront l’utiliser avec la modération requise !

Cette argumentation est doublement critiquable. D’abord, le Parti Socialiste a un sacré culot de se placer comme le plus vertueux utilisateur de nos système de renseignement quand l’avant-dernier président issu de ses rangs, François Mitterrand a vu son mandat éclaboussé d’affaires extrêmement choquantes qui ont démontré que la présence du PS à l’Elysée ou à Matignon ne garantissait en aucun cas une utilisation juste et mesurée des moyens de renseignement de l’Etat. Ensuite, si un texte permet une utilisation contestable de nos moyens de renseignement par des personnes mal intentionnées, cela signifie bien in fine que ce texte est mal conçu et qu’il comporte un aspect liberticide.

Réaction sécuritaire mal pensée

Comme tous les textes passés dans l’urgence de l’actualité, sous le coup de l’émotion, et sans se donner par conséquent le temps d’en peser, avec toutes les parties prenantes nécessaires, les implications pour construire un mode de fonctionnement respectueux de nos valeurs, cette loi semble poser de nombreux problèmes. La CNIL et Médiapart ont déjà souligné, lors de son premier examen en avril du fait que cela permettait une « surveillance de masse », que la définition des motifs de renseignement était trop large ou encore « l’absence de contrôle judiciaire suffisant ». Le gouvernement a même rejeté l’avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Encore une fois, tout ceci démontre que la démocratie nécessite de prendre un minimum de temps et montre aussi à quel point l’urgence, quand elle n’est pas vraiment nécessaire, risque de conduire à des projets qui remettent pourtant en question les valeurs fondamentales de notre République. Bien sûr, il est possible que les conséquences de cette loi sur le renseignement soient mineures, à court terme. Mais il est aussi possible que, dans quelques années, dans l’urgence provoquée par l’actualité, ou même, par des dirigeants mal intentionnés, nous nous rendions compte des dangers de cette nouvelle loi, qui aura pourtant été adoptée par plus de 80% de l’Assemblée, UMP et PS réunis.


Le plus effarant, comme le révèle Bruno Le Roux dans son interview, c’est que le PS ait compris que cette loi contient des éléments dangereux. Mais cela ne semble pas poser de problèmes à un parti d’abord soucieux de paraître assez ferme après les évènements de janvier. Quand la forme prime sur le fond.

7 commentaires:

  1. A mon avis la loi Cazeneuve était prête bien avant les derniers attentats, de même que le Patriot Act est arrivé bien trop vite après le 11 septembre pour qu'on puisse croire qu'il a été improvisé dans l'urgence au dernier moment.

    D'ailleurs le gouvernement ne se cache pas de légaliser des pratiques qui étaient déjà courantes, et donc qui ne servaient à rien du point de vue de la lutte antiterroriste puisqu'elles n'ont pas permis d'éviter les attentats.

    http://www.lejdd.fr/Societe/Bernard-Squarcini-On-a-prefere-faire-passer-une-loi-sur-le-mariage-pour-tous-et-attendre-un-nouvel-attentat-729558

    Un argument me parait particulièrement répugnant : «Notre pays est la dernière démocratie occidentale à ne pas être dotée d'un cadre légal régissant les pratiques des services de renseignement» (Urvoas, bien entendu)

    http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/04/13/01007-20150413ARTFIG00171-que-faut-il-savoir-sur-le-projet-de-loi-renseignement.php

    Ce mensonge est aussi abject que celui d'un pédophile qui réclamerait une loi légalisant la pédophilie au motif qu'il n'y aurait pas de cadre légal encadrant la pédophilie, laquelle serait perdue dans une sorte de zone de non droit.

    Alors que ce cadre légal existe parfaitement, c'est la loi pénale qui punit le crime de pédophile, mais n'arrange pas du tout les affaires des pédophiles. Et ce n'est pas du tout la même chose !

    Dans un état de droit tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. Si les services de police qui osent se vanter de violer la loi travaillent aujourd'hui dans l'illégalité c'est forcément qu'il existe un cadre légal. Mais ils en préféreraient un autre évidemment, et ils l'ont obtenu grâce à notre classe politique corrompue.

    Ivan

    RépondreSupprimer
  2. Le bal des faux-culs est très largement ouverts !
    Sarko qui pleure parce qu'on a écouté "Paul Bizmuth" en toute illégalité, selon Sarko, mais qui soutient à 200% cette loi scélérate et qui demande aux Français d'accepter une réduction de leur liberté.
    Cazeneuve, pour qui la vie privée N'EST PAS une liberté et jamais contredit pas par son premier ministre apprenti franquiste : http://www.numerama.com/magazine/32804-regardez-cazeneuve-dire-que-la-vie-privee-n-est-pas-une-liberte.html
    ... Et vive Closer, donc !
    Et le PS (plus RdG) qui, en 2009, fulminaient (à juste titre à mon humble avis) contre l'instauration d'une surveillance généralisée :
    http://news360x.fr/quand-le-ps-denoncait-le-sarkozysme-et-linstauration-dune-societe-de-surveillance/
    Donc, un très grand bravo pour les 10 PS qui ont osé voter contre cette loi : ils restent en accord !
    Pouria Amirshahi
    Fanélie Carrey-Conte
    Aurélie Filippetti
    Jean-Patrick Gille
    Linda Gourjade
    Philippe Noguès
    Michel Pouzol
    Barbara Romagnan
    Gérard Sebaoun
    Suzanne Tallard

    Et, j'aime bien ce commentaire vu sur "Les crises" et concernant les 17 abstentionnistes PS : "Abstention: 17 (“Le problème de la greffe de couilles, c’est le manque de donneurs” [Jacques Chirac])"
    http://www.les-crises.fr/438-deputes-ont-vote-pour/
    Plus ce commentaire concernant les EELV qui ont voté "pour" ce texte :
    "Pour: 5 (EELV étant contre, voici donc la liste officielle des ministrables au prochain remaniement)", à savoir :
    Éric Alauzet
    Denis Baupin
    Christophe Cavard
    François-Michel Lambert
    François de Rugy

    Enfin, l'Association des Victimes du Terrorisme est totalement opposée à cette loi :
    http://www.numerama.com/magazine/32987-l-association-des-victimes-du-terrorisme-opposee-a-la-loi-renseignement.html

    J'allais oublier, dernier point : cette loi ne concernera PAS les députés et sénateurs !!! Un amendement indique que les avocats, les journalistes (dans le cadre professionnel) et les élus du Parlement ne seront pas espionné, ni dans leurs activités publiques, ni privées, ni à leur domicile, ni nul par ailleurs ! Jamais mieux servi que par soi-même. (Promis, dès que je retrouve la référence de cet article, je l'indique ici).

    RépondreSupprimer
  3. En Allemagne on discute de choses qui sont censurées en France.

    Angela Merkel est accusée d'avoir toléré que la NSA sous-traite au BND (service d'espionnage allemand) des opérations de surveillance (métadonnées dans tous les cas, les données elle-même à chaque fois que les correspondants n'utilisaient pas des protocoles de chiffrement à clef publique sérieux) qui relevaient de l'espionnage économique, y compris contre des intérêts français. Cela fait beaucoup de bruit en Allemagne (il n'y a pas que la France qui est concernée) et chez nous on n'en parle pas.

    La France devrait exiger des excuses voire des dédommagements mais elle s'en garde bien car avec la loi Cazeneuve elle est la dernière qualifiée pour oser critiquer ce genre de chose. Une dictature fasciste qui opprime son peuple à l'intérieur n'a ni la légitimité ni la possibilité matérielle de défendre l'intérêt national contre les puissances étrangères.

    http://www.spiegel.de/politik/deutschland/edward-snowden-warnt-vor-geheimdienst-industriespionage-a-1032858.html (all.)

    Ivan

    RépondreSupprimer
  4. Vous pointez bien le caractère scandaleux et catastrophique de l'affaire. Mais cela ne sert malheureusement plus à rien aujourd'hui de crier "Le roi est nu" : il semble que l'écrasante majorité de la classe politique veuille rester aveugle.

    Guadet

    RépondreSupprimer
  5. A noter qu'on ne peut pas accorder de présomption de bonne foi à Cazeneuve dans cette affaire :

    http://busiris.fr/prix/prix-busiris-pour-bernard-cazeneuve

    Ivan

    RépondreSupprimer
  6. Un aspect de la question qui n'a quasiment pas été discuté, car il n'est guère compris que des informatoiciens et des probabilistes :
    Pourquoi la pêche au chalut est une aberration du point de vue de la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

    "Les analyses scientifiques vont expliquer très sérieusement qu’il n’y a qu’une chance sur mille que certains concours de circonstances s'observent conjointement chez un individu donné, en omettant de dire que ce sont justement ces concours de circonstances qui ont fait de lui un suspect."

    http://www.slate.fr/story/101459/loi-renseignement-fortuit-hasard

    Ivan

    RépondreSupprimer
  7. Voir aussi :

    http://www.slate.fr/story/100491/algorithmes-boites-noires-renseignement

    Il est difficile de croire que les services chargés de la lutte antiterroriste soient incompétents au point d'ignorer cela. Le véritable mobile de la loi Cazeneuve ne peut pas être la lutte contre le terrorisme.

    Il ne peut s'agir que d'un appareil de surveillance et d'oppression de la masse des citoyens.

    Ivan

    RépondreSupprimer