vendredi 8 janvier 2016

Alain Juppé et l’air du temps

Le principal concurrent de Nicolas Sarkozy pour la primaire des dits Républicains était l’invité exceptionnel d’Europe 1 lundi matin. Mais son offensive médiatique révèle surtout qu’il met toute son intelligence à des fins uniques de communication, mais surtout pas de réflexion.



Entre eau tiède et roseau

Bien sûr, sur la forme, avec quelques printemps qui ont arrondi son caractère, un vrai sens de la réparti, une bonne préparation et son intelligence, Alain Juppé donne le change. Certains seront sans doute convaincus par ce ton où ils verront celui d’un homme d’Etat, d’une droite relativement modérée, plus posée et réfléchie que l’ancien Président de la République. Néanmoins, quand on prend un peu de recul et que l’on examine ses prises de position, on constate que toutes les positions qu’il prend vont dans le sens du courant de cette époque. Sur l’économie, il a soutenu l’assouplissement du droit du travail et la facilitation des licenciements, un discours qui rassemble finalement P’S’ et ‘Républicains’ aujourd’hui. Il a aussi défendu la dégressivité des allocations chômage, un thème évoqué aussi au P’S’.

Mais la grande convergence des deux partis qui nous gouvernent depuis trop longtemps sur l’économie lui a sans doute imposé de se différencier sur d’autres sujets, et, suivant le mouvement, il tient un discours que l’on peut trouver un peu plus droitier sur la sécurité, même s’il refuse le fait de créer des apatrides. Pour lui, l’espace Schengen est mort, il faut mettre en place des quotas d’immigrés, le tout en brandissant des chiffres bruts, plus impressionnants, et il demande la création de 10 000 places de prison supplémentaires pour pouvoir faire effectuer les peines décidées par la justice. Enfin, il a souhaité mettre plus de forces de l’ordre sur le terrain. Mais finalement, sur tous ces sujets, il suffit de considérer l’alternative opposée pour comprendre que ses positions sont bien calculées.

Communiquant plutôt que dirigeant

Bien sûr, on peut penser que prendre en compte l’opinion des Français est positif. Ce n’est pas le gaulliste que je suis qui pourrait dire le contraire. Sauf qu’en dix ans, seul un référendum a été organisé et il n’a pas été respecté, ce qui relativise le fait de suivre l’opinion. Car cette façon de faire n’est que superficielle : en réalité, Alain Juppé, comme ce gouvernement, prend des postures, dont les fins sont essentiellement des fins de communication. C’est ce qui a amené Hollande à soutenir la déchéance de nationalité, soutenue par une large majorité dans les sondages, sans en avoir étudié pleinement toutes les implications, comme cela le devient chaque jour plus évident. Alain Juppé, c’est la consécration de ces politiques dont les positions sont d’abord destinées à plaire, à suivre le vent dominant.

Car Alain Juppé n’a pas démontré une véritable capacité à réfléchir sur les problèmes de l’époque. Toute son énergie et son intelligence sont consacrées à se mettre en valeur, à raconter une histoire pour le faire apparaître comme le candidat dont la France a besoin, tout en attaquant, sans le faire ouvertement, ses adversaires, hors de son parti ou à l’intérieur. Il communique, mais il ne réfléchit pas, se contentant du politiquement correct de l’époque, enrobé d’un ton sérieux, qui permet de relativement donner le change dans une époque où tout bouge tellement vite que la superficialité des propos n’est pas toujours perçue. Mais à force de consacrer absolument toute son énergie et sa réflexion à se réaliser, il ne semble plus avoir le moindre temps pour réfléchir au fond de ce qu’il dit.


Après, la bulle Juppé pourrait bien n’être que cela, une bulle. Après tout, il y en a eu beaucoup avant lui, qui ont explosé. Il fait beaucoup penser à Edouard Balladur, la star des sondages de 1993 jusqu’à mars 1995. Et puis, Nicolas Sarkozy peut-il perdre une compétition qu’il organise ?

21 commentaires:

  1. http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/01/07/25002-20160107ARTFIG00099-juppe-15-ans-j-ecrivais-des-lettres-d-amour-en-ecoutant-l-appassionata.php

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  2. "Bien sûr, on peut penser que prendre en compte l’opinion des Français est positif."

    C'est sûr que juste après un attentat, on aurait aussi pu proposer le rétablissement de la peine de mort...

    Une très grosse majorité de franchouilles sont pour la déchéance nationalité, ca serait très bien aussi qu'un sondage leur demande et évalue si ils ont une quelconque idée des multiples conséquences de cette mesure.

    Juppé, c'est le gars qui reste droit dans ses bottes tout en baissant son pantalon et retournant sa veste.

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    1. Condamner la haine (réelle ou supposée) des autres en exprimant soi-même de la haine (qualifier les autres de franchouilles)... ça va, y'a pas de contradiction.

      Toujours cette sale manie de disqualifier l'opinion des autres en la ramenant forcément à de la bêtise, ou à un manque de réflexion !

      C'est le meilleur moyen de conforter le gens dans leur opinion... peut-être que c'est exactement ce que vous voulez. En vérité, vous ne militez pas contre la provocation de Hollande "la fameuse déchéance de nationalité"... mais pour !

      La déchéance de nationalité ne poserait aucun problème ! on en a rien à foutre que des gens soient apatrides ! si ça plait pas aux rêveurs qui ont concocté des accords internationaux qui prévoient que c'est trop méchant qu'un individu soit apatride... bôf.

      Il faut comprendre ses adversaires, pour mieux lutter contre... pas les braquer ! pas les motiver à rester bien attachés à l'idée qui vous écoeure.

      Etaler votre écoeurement face à une mesure réelle ou une annonce de com (comme celle de Hollande sur la "déchéance de nationalité") n'aura pour effet que de motiver davantage les gens à aller dans le sens qui vous plaît pas.

      Quoi que, comme je dis, il semblerait que vous militiez pour la "déchéance de nationalité"... vu que vous faites tout pour.

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    2. Rétablir la peine de mort pour les terroristes et leurs complices serait une excellente mesure à mon avis. Mais c'est d'ailleurs fait en partie, mais de manière hypocrite (comme d'habitude de la part de la classe politico médiatique). En effet, on a entendu récemment des responsables politiques se féliciter de ce que des apprentis terroristes récemment partis en Syrie aient été éliminés par des bombardements français. C'est exactement l'application de la peine de mort (sans jugement qui plus est).

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  3. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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  4. Alain Juppé ou la roue de secours de l'oligarchie ultralibérale et européiste face à des Français qui ne veulent plus de Sarkozy ni de Hollande. Aussi qui aimeraient un changement complet de personnel politique sauf celui porté par le FN version MLP.

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  5. Toujours les mêmes réponses après coup, de réaction, à des actions, sans la moindre anticipation! Pas de programme, puisqu'il s'agit d'appliquer les directives de Bruxelles!

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  6. Juppé n'est pas un gaulliste. Il est favorable à une construction européenne de type fédérale (oui à Maastricht en 1992, oui à la Constitution européenne en 2005) et est pour le libre-échangisme intégral. Donc il faut dénoncer ce personnage qui pratique l'imposture intellectuelle en se réclamant du gaullisme.

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  7. @ Anonyme 8h34 & 11h19

    Je partage le commentaire d’Abd_Salam. C’est sûr, vos commentaires n’ont rien de haineux…

    @ Abd_Salam

    Merci. Si vous voulez que je supprime sa réponse haineuse, je peux le faire, mais je pense que cela le dessert plus qu’autre chose.

    @ Toutatis

    Pas d’accord. Je pense que la peine de mort pose de vrais problèmes moraux, dénote de la violence d’une société et pose le problème des cas où la condamnation est une erreur (ce qui arrive outre-Atlantique)

    @ Le Gars Huzac

    J’ai pris un pseudo. Ce n’est pas pour rien. Donc je supprime votre commentaire. Et j’ai toujours été un opposant à Juppé : jeune militant au RPR, j’étais séguiniste (j’ai voté « non » le 20 septembre 1992, le premier jour où j’ai pu voter).

    @ JJS

    Bien d’accord

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    1. "J’ai pris un pseudo. Ce n’est pas pour rien."

      Compte tenu de l'originalité de vos prises de position (Je suis Charlie, il faut faire barrage au FN) et de leur caractère hautement sulfureux, on comprend que vous ayez pris un pseudo ! On n'est jamais trop prudent ...

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    2. Je suis étonné qu'il faille demander à ce que les propos insultants soient effacés.

      Les seulse personnes qui sont desservies par les insultes, c'est vous (votre site) et la personne insultée. Pas le diffameur.

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  8. @LH,

    Un ingénieur social de plus. L'incarnation parfaite du fédéraliste européen à l'atlantisme définitif. L'homme providentiel du système et de la Sainte Commission de Bruxelles afin de nous enferrer définitivement dans le libéralisme (politique, économique, sociétal, 3 faces d'un même programme), lequel n'est autre ce processus de retour à l'état de nature. La voie garantie pour devenir le 51ème Etat américain ou être noyé dans ce 51ème Etat qu'est l'UE.

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  9. Samedi 9 janvier 2016 :

    Un sondage catastrophique confirme l'extrême-droitisation du peuple français.

    25 000 personnes ont été interrogées juste avant les élections régionales. Les résultats du sondage sont incroyables.

    Selon une étude du Cevipof (Centre d'Etudes de la Vie Politique Française), un quart des fonctionnaires votent pour le Front National. Plus de la moitié des policiers et militaires votent pour le Front National : 51,5 %.

    Si on ne prend pas en compte les policiers à la retraite, les chiffres sont encore pires : sept policiers sur dix votent pour le Front National.

    Ecoutez bien ce que dit Claude Askolovitch :

    « Si d'aventure Marine Le Pen prenait le pouvoir, alors l'Etat suivrait.

    Les profs râleraient. Les profs, ils sont un peu moins de 10 % à annoncer un vote pour le Front National. Mais dans l'administration, ça passerait. En gros, un quart des fonctionnaires votent pour le Front National. Et ceux qui tiennent réellement la République (policiers, gendarmes, militaires) seraient d'accord dans leur majorité. Il y aurait un assentiment. C'est-à-dire que Marine Le Pen peut prendre le pouvoir demain, il ne se passera rien.

    Le FN, c'est la République. Ce sont ceux qui défendent la République qui vous le disent. Et après, on peut discuter à l'infini et très sérieusement sur ce qu'est devenu la République. Tous les débats sont libres. »

    http://www.itele.fr/chroniques/edito-claude-askolovitch/quand-les-defenseurs-de-la-republique-votent-fn-149467

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  10. "Car Alain Juppé n’a pas démontré une véritable capacité à réfléchir sur les problèmes de l’époque. Toute son énergie et son intelligence sont consacrées à se mettre en valeur, à raconter une histoire pour le faire apparaître comme le candidat dont la France a besoin, etc."

    Bien d'accord. Ce qui ne vous empêchera pas d'appeler à voter pour Juppé comme représentant du "moindre mal" si d'aventure il se retrouve face à Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle.

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  11. Il n'y a rien à espérer de Juppé.

    C'est lui qui a initié le démantèlement de l'assurance vieillesse. Lui qui a condamné au chômage la première génération post-babyboom, la première qui aurait dû y échapper parce qu'elle n'était pas condamnée comme les précédentes par la malédiction d'être née trop nombreuse, si seulement on avait laissé partir comme prévu les vieux à la retraite.

    Et il n'a pas l'intention d'en rester là. Le chômage peut battre records sur records, cela le laisse de marbre et n'entame en rien sa détermination à poursuivre son œuvre mortifère :

    http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2015/06/17/25002-20150617ARTFIG00396-juppe-si-les-francais-ne-l-elisent-pas-ils-devront-se-demerder-avec-les-retraites.php

    Ivan

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  12. Alin Juppé, Espoir de la droite... On nous avait déjà fait le coup en... 1984 ! Et en face, le pouvoir socialiste usé de Fabius. Aujourd'hui, on retrouve encore les deux.
    Juppé Moderne ? Il y a deux mois, il nous a fait la nostalgie des coups de martinet qu'il recevait au collège par le surveillant général...

    Quel pays garde les mêmes épaves pendant 30 ans ? Je ne suis pas européiste, mais nous sommes la risée de l'Europe.

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    1. Je ne vois pas beaucoup d'élus jeunes, chez nos voisins européens...

      Peut-être qu'ils soignent plus la forme, ils ont peut-être des "nouveaux" visages plus souvent, mais pour appliquer les mêmes idées. Le fond reste le même, quoi.

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    2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    3. Tenez, voilà un espoir pour l'avenir... Il se veut souverainiste !
      http://france3-regions.francetvinfo.fr/poitou-charentes/vienne/anche-86-raphael-14-ans-fan-inconditionnel-de-la-politique-836929.html

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  13. Le Juppé, ben il aurait tort de ne pas y croire. Quand on voit les jurisprudences de toutes les précédentes élections : qui croyait en Mitterrand en 59, en 68 ? qui croyait en Chirac en 81, en 88, en 94 ? qui croyait en Sarko en 95 ? qui croyait en Hollande en 2010 ?

    Au pire, s'il se plante aux primaires (ce qui est probable), il emmerdera le nain (certainement jouissif pour lui) et Hollande saura le remercier comme il se doit (union nationale quand tu nous tiens).

    Maintenant, faire comme si le mec pouvait un minimum être de bonne foi et apporter un espoir, et comme s'il n'était pas une âme damnée du système, je ne comprends pas... On le sait bien pour qui il roule, et ça fait 30 ans que ça dure !

    C'est du cirque tout cela. Le fond ne changera pas, quel que soit le candidat. Et quand on voit les djeunes qu'ils nous mettent sur orbite (Macron Valls, Vauquiez, NKM...).
    C'est le remake de 36.000 nuances d'ultra-libéralisme et d'austérité en écoutant la voix de son maître.

    ***Jacko***

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