lundi 5 septembre 2016

Tout ce qui ne va pas avec le redressement d’Apple

Cela a été une des informations principales de la semaine dernière : la commission européenne demande à Apple un redressement 13 milliards d’euros d’impôts à l’Irlande. Les passes d’armes entre l’UE et les Etats-Unis peuvent être prises comme une bonne évolution de la construction européenne. Mais en réalité, cette condamnation pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résoud.



Légitimation de la désertion fiscale, effacement des Etats

Bien sûr, le Monde s’est empressé de féliciter Jean-Claude Juncker pour le redressement d’Apple. Mieux, les déclarations venues de l’administration étasunienne ou des dirigeants d’Apple contre la commission, qualifiée de « foutaise politique », donne à Bruxelles le beau rôle. Mais d’abord, il est quand même pour le moins ironique de faire de l’ancien dirigeant du Luxembourg, qui a facilité l’organisation du vol massif des 500 millions de citoyens des pays européens, le justicier fiscal du continent. D’ailleurs, la commission ne propose de redresser Apple que du montant jugé insuffisant d’impôts payés à l’Irlande, de 2003 à 2014, environ 2% des profits officiellement réalisés en Irlande, alors que le taux officiel est de 12,5%, du fait d’un accord fiscal passé avec Apple, annulé depuis l’année 2015.

D’abord, il faut remettre le redressement à sa place. Même si la somme est énorme en apparence, ce n’est pas grand chose pour Apple, à peine 20% des profits de la seule année 2015, 6% de son chiffre d’affaires. Ces 5 dernières années, l’entreprise a réalisé environ 260 milliards de profits. Si on suit le raisonnement de la commission, si Apple doit payer 13 milliards de redressement au titre des profits réalisés en Irlande de 2003 à 2014, cela représente un profit de 100 milliards réalisé en Europe sur ces douze années. Pouquoi donc seule l’Irlande, en Europe, pourrait bénéficier de ces profits gargantuesques ? Car c’est cela que ce redressement entérine : cela ne pose pas de problème qu’un Etat vole les ressources fiscales des autres pays. Pas étonnant venant d’un ancien dirigeant Luxembourgeois.

L’autre gigantesque problème que pose ce jugement, c’est l’effacement du rôle des Etats. Il est navrant de voir la commission européenne réclamer à Apple le paiement d’un redressement de 13 milliards à l’Irlande, et cette dernière de faire appel de cette décision. Espérons que les citoyens Irlandais apprécient le cadeau de leur gouvernement à la multinationale au plus de 200 milliards de trésorerie… Dans cette mondialisation sans frontière, la volonté démocratique des Etats semble manquer de poids face aux intérêts de toutes ces multinationales, qui utilisent la complexité d’un droit et d’une fiscalité, trop souvent taillés à leur mesure, pour se soustraire à leurs devoirs collectifs et donner toujours plus à leurs actionnaires. Malheureusement, bien des exemples montre que ce n’est qu’une question de volonté politique.


Bref, le redressement d’Apple n’est pas une bonne nouvelle. D’abord, comme toujours, il est très insuffisant. Ensuite, il est anormal qu’il ne bénéficie qu’à l’Irlande, sur des profits essentiellement réalisés ailleurs, ce dont, malheureusement, aucun de nos politiques ne semble avoir conscience. Enfin, ceci illustre encore l’effacement des Etats, porteurs de l’intérêt général face à des actionnaires sans limites.

6 commentaires:

  1. @Laurent Pinsolle,
    évidemment, la Commission n'allait pas laisser passer une belle occasion de se refaire une virginité sur le dos des...Contribuables irlandais, et surtout des autres pays de l'UE!!!
    Car le coupable dans cette histoire, c'est bien la République d'Irlande: non contente de ne pas réclamer ELLE-MEME ces 13 milliards d'euros (quasiment autant de dollars), elle essaie en plus de s'attirer les bonnes grâces d'Apple en se mettant en porte-à-faux avec les institutions européennes!
    J'ai toujours fustigé le comportement de passager clandestin des Irlandais dans l'histoire de l'UE: 12,5% d'impôts sur le revenu des entreprises, cela fait de ce pays un paradis fiscal! Et qui paie pour le train de vie de la verte Erin? Vous, nous, moi, et les autres contribuables européens!
    Et quand on pense que l'Irlande a coûté plus de 70 milliards d'euro à sauver en 2013 (soit plus que la Grèce, au passage...), il y a vraiment de quoi enrager!
    Vous fustigez l'effacement des états par l'UE? Moi, c'est plutôt leur démission qui révolte! C'est lamentable, et la France doit sortir de ce mer_ier!!!!


    CVT

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  2. Apple est assez riche pour déménager du jour au lendemain puisque après ce coup là, il va aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte, ou aider l'Irlande a l’émancipé de l'UE!

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  3. Si le faible IS irlandais crée des emplois et donc des rentrées fiscales autrement( par IRPP, TVA...) en attirant les investissements, rien n'empêche les autres pays de l'UE de faire de même.

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    1. La concurrence à la baisse des impôts ?

      On se doute bien que si plusieurs pays faisaient cela, des pays comme l'Irlande abaisseraient encore plus leur taux d’imposition pour garder leur "part de marché" et on arriverait assez vite à la disparition de l’impôt sur les entreprises.

      HMS

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  4. "on arriverait assez vite à la disparition de l’impôt sur les entreprises."

    Et alors, il peut bien disparaitre si il permet d'attirer les capitaux bloqués dans les paradis fiscaux ou alimentant des bulles spéculatives inutiles voire nocives.

    L'IS est un impôt obsolète, supprimez le partout, l'activité reprendra et l'état ne perdra rien de son budget et dépenses sociales qui seront financés par tous les autres nombreux impôts.

    L'IS est un impôt idiot car le plus facile à contourner avec les multiples montages actuels juridiques.

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  5. @ CVT

    Bien sûr, l’Irlande est responsable. Mais elle joue avec les règles que nos dirigeants ont malheureusement acceptées et promues. En effet, il faut en finir

    @ Anonyme

    C’est une course sans fin au moins-disant fiscal. Sans impôt, pas d’Etat ou de Sécurité Sociale

    @ HMS

    En effet

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